Une Jedi grise... Qu’est-ce que c’était que cette bizarrerie là, encore ? Talon n’en avait jamais entendu parler. Pour elle, il y avait, soit les Jedi, soit les Sith. Le juste milieu était pour elle inexistant. Talon se définissait comme une Sith, même si elle était moins hostile que les autres Sith. Elle n’aimait pas les Jedi, c’était un fait, mais elle considérait juste qu’il existait des menaces bien plus dangereuses qu’eux, et, de manière plus générale, était lassée par le sempiternel affrontement entre les Jedi et les Sith, chaque camp se nourrissant de la haine qu’ils éprouvaient à l’autre. A dire vrai, ils les amusaient, car, pour elle, ils se ressemblaient bien plus qu’ils n’auraient osé l’admettre. Le Code Jedi imposait depuis toujours la paix et l’harmonie, mais, en interdisant de se renseigner sur le Côté Obscur, le Code Jedi comprenait en soi un paradoxe insoluble. Comment obtenir la paix, quand on avait peur du Côté Obscur ? Car il s’agissait bien de cela, en définitive. Les Jedi craignaient tous de sombrer dans le Côté Obscur, et cette faille était la limite ultime des Jedi. Inversement, les Sith, par leur esprit de colère et de vengeance envers les Jedi, avaient toujours été incapables de se départir de la même logique binaire des Jedi, incapables d’envisager sérieusement un projet d’avenir collectif qui leur assurerait la domination de la galaxie. Les Sith se justifiaient par l’existence d’une haine commune portée à l’encontre des Jedi, et les Jedi se justifiaient par l’existence de la peur du Côté Obscur, une peur qui donnait naissance à tout un credo, afin d’éviter de sombrer à l’intérieur. Dès le départ, la logique était biaisée, et conduisait irrémédiablement au même cycle. Talon aurait également fait partie de ce cycle si elle n’avait pas été sur Aurelia, et si elle n’avait pas appris l’existence d’une menace universelle, elle serait probablement toujours dans ce cycle.
Talon n’écoutait pas spécialement la mystérieuse gamine, qui avait tout l’air d’une pipelette. Elles sortirent du parc. Les badauds regardaient Talon en étant légèrement surpris. La chance, pour le coup, était avec Talon. Le Japon était le pays par excellence des cosplayeurs, et il n’était pas rare, surtout le WE, de voir des jeunes sortir en s’habillant n’importe comment. Dans un pays ultra-rigide, où le port de l’uniforme scolaire était de rigueur, les adolescents se faisaient un point d’honneur, le WE, à s’habiller de manière provocante, afin d’affirmer leur liberté, et leur rejet des traditions. Tout ceci, Talon l’ignorait, et elle suivait donc Yumi, en regardant surtout ce monde. A vrai dire, elle aurait tout à fait pu se débarrasser d’elle, mais elle n’avait pas de temps à perdre. Elle devait revenir sur Terra pour finir ses prélèvements avant que les Tekhanes ne vaporisent totalement la forêt.
Les deux femmes passèrent devant une librairie, mais Talon n’y fit pas spécialement attention. A dire vrai, la simple idée que sa vie puisse être transcrite dans des bandes dessinées lui semblait une chose totalement farfelue.
« Tu parles trop » finit par dire Talon.
Un adolescent qui passait par là, avec ce curieux appareil que Yumi avait déjà utilisé, s’arrêta soudain :
« Waaw, super, le costume ! Non, sérieux, c’est incroyable, ce réalisme ! Vous allez à une convention ? Je peux prendre une photo, dites ?! P’tain, la vache, mes potes vont pas y croire, quoi ! »
Talon devait finir par croire que c’était typique aux habitants de ce monde d’être bavards. Elle fronça les sourcils, résistant à l’envie de lui balancer une onde de Force. Au lieu de ça, elle fronça les sourcils.
« Dégage, tocard. »
Au lieu de partir, l’homme éclata de rire. Il était plutôt enveloppé, avec des lunettes. Le parfait geek, mais Talon, naturellement, ne connaissait pas ce mot.
« Ouais, vous êtes trop crédibles, et tout ! Putain, je jurerais voir la vraie Talon, quoi ! »
La... ?! Hein ? Talon fut surprise, trop surprise pour réagir, et cligna des yeux, tandis que l’homme manipulait son téléphone portable pour la photographier. Comment ce minable pouvait-il la connaître ? C’était impossible ! Elle secoua la tête, et l’attrapa alors par le cou, le soulevant sans difficulté. L’homme poussa un petit cri paniqué, et en lâcha son portable, qui tomba sur le sol. Ses pieds flottaient dans le vide.
« Qui t’a parlé de moi, sac à merde ?
- Hey, mais lâchez-moi ! Putain, elle est barje, cette nana ! »
Talon serra les dents, crispant sa prise sur son cou, et écarta alors les doigts. Le vermisseau tomba sur le sol, devant les pieds de Talon. Il eut la présence d’esprit de récupérer son portable, et se mit à décamper.
« Vous êtes une tarée ! »
Talon le regarda partir, sans comprendre.
*Mais c’est quoi, ce délire ?!*