Amazones présentes :«
Cette cité ne m’inspire rien qui vaille... grogna Sélène.
-
Sœur Mythilène nous a avertis d’un risque à proximité... » rappela Acté.
Sur son épaule, Sparky le Kobold poussa un petit cri, avant de s’avancer le long du dos d’Acté. Il poussa un «
SQUIIII » très significatif, qui exprimait sa peur à l’idée d’approcher de la cité. L’endroit devait probablement lui rappeler Micahualca, cette cité infernale où Acté avait été violée, et où les Amazones avaient affronté une Liche. Devant elles, le long de la vallée, une sinistre cité apparaissait. Une ville abandonnée il y a des années, qui était le chef-lieu d’une seigneurie. La légende disait que l’endroit avait été maudit par plusieurs sorcières lors d’un bûcher inquisitorial. Sur le point de mourir, elles avaient maudit le village. Par la suite, les récoltes avaient sérieusement faibli, suite à une mauvaise saison, les loups s’étaient rapprochés, et plusieurs épidémies de peste avaient fini par convaincre les gens que l’endroit était effectivement maudit, les contraignant à partir. Depuis lors, la ville était abandonnée, se dressant solitairement, avec ses fortifications en pierre, dans une zone qui semblait sortir d’une région de conte de fées. Il y avait des vallées vertes, quelques discrètes forêts, des cours d’eau, des montagnes au loin, des champs de fleurs et de tulipes où on imaginait sans peine de romantiques amants se faire l’amour sous un soleil éblouissant. Mais, quand on approchait de cette ville, même ce décor semblait devenir sombre et noirci. Les arbres semblaient tristes, morts, abandonnés, désolés, et il en allait de même pour la végétation.
«
Inutile d’agir comme des gamines effarouchées, mes sœurs, lâcha Sélène,
nous sommes des Amazones. La Reine nous a demandé d’aller inspecter, et c’est précisément ce que nous allons faire. »
La Horde des Amazones désignait un peuple qui marchait, errant à travers Terra. Un peuple non sédentarisé, mais qui, parfois, quand les vivres commençaient à manquer, ou que la Horde était fatiguée, faisait des haltes. Or, une halte venait justement de se faire dans cette région, à quelques lieux. Les éclaireuses envoyées en reconnaissance avaient certifié que l’endroit était sûr, tout en évoquant une ville abandonnée qui avait, selon les proches patelins, la réputation d’être hantée. Y entrer n’était donc pas recommandé. Les éclaireuses n’étaient pas rentrées dans la ville, s’étant contentées de dresser un rapport, comme Andromaque, la Reine des Amazones, l’avait exigé. Maintenant que la Horde était installée, la Reine voulait vraiment savoir quelle était la menace qui existait là-bas, dans cette ville abandonnée, et avait donc formé une patrouille afin de s’y rendre, et de mener une enquête. Elle avait choisi sa fille, Sélène, Acté, une Amazone dont les talents à la bataille n’étaient pas contestés, et Pirène, une autre Amazone qui était également une guerrière redoutable, ainsi qu’une femme ayant un certain penchant pour la cruauté au combat.
Il leur avait fallu plusieurs heures pour rejoindre le château, les Amazones y allant à pied. Elles avaient traversé un long canyon, le remontant, avant de voir la cité. Le soleil commençait lentement à se coucher, ayant bien entamé sa pente descendante, et on pouvait déjà voir, dans le ciel, la Lune, qui se dressait. Les Amazones se rapprochaient de la ville. On y accédait normalement par un grand pont qui passait au-dessus du canyon. Le pont était toujours là, même s’il accusait le poids des âges. Ses piliers étaient recouverts de végétation, et il n’y avait pas de garde à l’entrée. Tout semblait indiquer que l’endroit était abandonné, et les Amazones ne s’attendaient guère qu’à tomber sur des goules, des graveirs, ou encore des noctules, ce genre de créatures qui hantaient les lieux abandonnés. L’endroit était-il vraiment maudit ? La végétation extérieure semblait en attester, mais les Amazones savaient aussi qu’il fallait se méfier des malédictions. Généralement, elles n’existaient que dans la tête des individus.
Elles entrèrent, non pas par la porte principale, car le détour aurait été trop long, mais par une partie détruite du mur, et facile à escalader. Elles se retrouvèrent ainsi dans une espèce de ruelle longeant le mur. Vue de l’extérieur, la ville avait une forme concentrique, mais, à l’intérieur, c’était une succession de rues, de murs, d’escaliers, de tours, et de places. Les Amazones commencèrent à s’avancer, et ne tardèrent pas à devoir réviser leur jugement sur l’apparente absence de présence en ces lieux. Le long d’une des artères principales de la ville, des torches étaient allumées.
«
A ce que je sache, nota Acté,
les goules n’allument pas de torches. »
En tant que Princesse des Amazones, Sélène était en tête. Elle regarda cette longue rue. La nuit était tombée, et elle serra les lèvres, sans toutefois voir quelque chose. Il n’y avait visiblement aucun garde, et elle décida, prudemment, de s’avancer, remontant l’artère. La ville était désolée, complètement dévastée. Beaucoup de ses tours de défense étaient effondrées, et les trois femmes arrivèrent ainsi près d’une place publique. Ce n’était pas celle où les sorcières avaient été brûlées, car elle était trop petite pour accueillir un bûcher, mais ce fut ici que les femmes entendirent du bruit. Plutôt que d’opter pour une attaque frontale, Sélène ordonna à ses Amazones de disperser, chacune choisissant des endroits stratégiques. Acté vint ainsi se glisser le long d’un petit escalier en pierre avec une rambarde, sur la droite de la place. Sélène fila derrière le mur d’une maison, et Pirène s’abrita dans une ruelle. De cette manière, elles pourraient attaquer de trois angles différents.
Ce fut ainsi qu’un petit groupe débarqua. Tournant légèrement la tête, Sélène fronça les sourcils en les voyant. Ils n’avaient pas le profil d’individus venant dans une ville maudite. Pêle-mêle, Sélène vit une espèce de colosse lui évoquant ces redoutables barbares vivant dans les contrées hivernales, des hommes gros et forts, et, au milieu de tout ça, une curieuse femme blonde, assez petite, qui semblait dénoter avec le décor.
*
C’est qui, ces tarés ?*
Le groupe s’arrêta au centre de la place, près d’une fontaine en triste état qui ornait cette dernière, se mettant à parler entre eux. Ils savaient que quelqu’un était là, ce qui impliquait que les Amazones se soient faites repérées. Était-ce du bluff ? Ou alors, ils avaient utilisé de la magie... Car, autrement, Sélène ne voyait pas comment il était possible de les repérer. Elles étaient des Amazones, après tout. Elle hésita sur le comportement à adopter. Aller vers eux ? Les laisser là ? Dans le fond, elle ne les connaissait pas, et, par principe, les Amazones étaient suspicieuses. C’était un peuple fermé, guère ouvert sur le tourisme et qui pratiquait l’hospitalité sous quelques strictes conditions.
Ni Acté, ni Pirène, n’agiraient, sans l’autorisation de leur supérieure. L’autorité était l’un des principes centraux de la Horde, une condition d’existence de cette dernière. Sélène hésitait sur ce qu’il convenait de faire, ignorant tout de l’intention des gens, quand un élément extérieur vint débloquer la situation. Elle entendit d’autres bruits de pas, précipités, et rapides, et, avant qu’elle n’eut le temps de songer à quelque chose, un individu en haillons débarqua dans la place, arrivant depuis l’une des rues qui s’enfonçaient dans la ville.
Il vint à hauteur du groupe. Il était chauve, et on lui avait manifestement rasé tous ses poils, ce qui impliquait aussi bien son éventuelle barbe que ses cheveux, ou encore ses sourcils. Il portait des vêtements rapiécés, et, depuis sa position surélevée, Sélène put voir qu’il était terrorisé. Et elle n’eut aucun doute sur son identité en voyant un collier explosif autour du cou.
*
Un esclave...*
L’esclave en question regarda le groupe au sol, sans savoir s’ils étaient alliés ou ennemis, et choisit d’opter pour la seconde solution. Il recula, cherchant une fuite. Pour que la charge explosive n’explose pas, il fallait croire que l’esclave avait trouvé un moyen de la retirer, ou alors qu’il était encore dans le rayon d’action du détonateur.
«
Ne... Ne m’approchez pas, non, je ne veux pas y, pas y... »
Et Sélène perçut alors une menace plus sombre. Elle sentit des bruits venant des toits juste à côté d’elles, et sut qu’elle allait devoir intervenir. Au-dessus d’elle, il y avait d’énormes loups, des créatures massives. Ils étaient deux à trois fois plus épais que des loups normaux, et grognaient en observant l’esclave. Ce dernier les vit, et ses gesticulations se transformèrent en soupirs effrayés, avant que l’un des loups ne bondisse depuis le toit, arrachant de la paille et des tuiles, pour atterrir sur l’homme, lui dévorant la gorge dans des hurlements d’agonie, tandis que les autres, continuant à gronder, encerclaient les étrangers, venant depuis d’autres toits.
*
S’ils étaient avec ces esclavagistes, les loups ne les attaqueraient pas...*
Ce fut sur la base de ce raisonnement que Sélène dégaina son épée. De toute manière, les loups avaient aussi du repérer les Amazones, car, bien qu’elles soient discrètes, elles dégageaient forcément une odeur, à laquelle ces créatures étaient sensibles.
«
A L’ATTAQUE, MES SOEURS !! » s’époumona Sélène en sautant sur le sol, près de la fontaine, pour brandir son épée vers l’un des énormes loups.