Le soir commençait à tomber sur la ville. Lentement, dardant ses rayons orangés, le soleil commençait sa courbe descendante, qui laisserait la place à la nuit et à l’obscurité. Ville cosmopolite, Seikusu était, comme bien des commues japonaises, très peuplée, voire même surpeuplée, donnant lieu à un foisonnement de gens. C’était l’heure de pointe, celle où les gens rentraient chez eux, celle où les dispositions du Code de la route laissaient place à une sorte de Far West généralisé, où les ronds-points comprenaient des trentaines de véhicules, et où les trottoirs étaient surchargés. Félicia avait fini sa journée assez tôt, et était sur un toit, savourant, dans sa combinaison noire moulante, l’air frais venant de la mer. Ses longs cheveux argentés remuaient dans son dos, et elle se mit à sourire, voyant le crépuscule. Bien que Félicia n’ait jamais vraiment été portée sur le romantisme, elle avait toujours aimé les couchers de soleil. Sa moto, avec laquelle elle était venue, était rangée dans un coin, le long d’une série de ruelles, paysage urbain assez typique des villes japonaises, oscillant, à l’image de cette indescriptible nation, entre un traditionalisme exacerbé autour de l’honneur, et une forte modernité s’articulant autour de la technologie. On trouvait ainsi dans les villes ces grands boulevards étouffants vous faisant penser à la 5ème Avenue, avec quantité de magasins, de vendeurs ambulants, de cafés, de librairies, et ces petits quartiers assez discrets, avec des rues étroites. Félicia était près de l’un de ces quartiers, à la lisière de la Toussaint, endroit où les mafias avaient une certaine autorité, et où on croisait dans les ruelles des putes de bas étage. Le Japon, sur ce point, était un pays dont la législation était virtuellement assez hostile à la prostitution, en raison d’une loi de 1956, interdisant autant le fait de se prostituer, que de devenir client. C’était un paradoxe japonais, car, dans les faits, la prostitution était assez forte, avec des réseaux parallèles et potentiellement pédophiles, et, même dans le texte de la loi, cette dernière manquait de précision, et permettait de nombreuses interprétations.
Félicia y songeait car elle voyait justement plusieurs prostituées le long des ruelles, faisant des fellations avec les clients. La loi interdisait formellement le coït, mais tout ce qui tournait autour du sexe, comme la fellation ou la sodomie, étaient autorisés. Néanmoins, Félicia se demandait bien pourquoi ces femmes agissaient dans la rue, dans la mesure où il existait des salons où on pouvait avoir des fellations sans problème, les fameux « pink salon ». Encore un autre de ces paradoxes japonais incompréhensibles pour les Occidentaux. La Chatte Noire laissait ainsi son esprit divaguer quand elle entendit... De curieux grognements et des cris étouffés portés par le vent. Tournant la tête, elle avança le long de son toit, approchant d’une autre ruelle, et eut un haut-le-cœur en voyant un spectacle particulièrement macabre.
Contre le mur, un individu en rouge était en train de se laisser aller à des envies anthropophages, déchiquetant le corps sans vie d’une prostituée, avalant ses organes, la tête dans son ventre. Une position à la fois grotesque et horrible, le sang ayant éclaté un peu partout autour d’eux. Mais, outre cette scène, ce qui l’inquiétait surtout, c’était de voir que la tenue de cet homme était, sans hésitation, celle d’un symbiote.
*Et merde ! Pourquoi diable faut-il que les Occidentaux apportent toujours leurs merdes là où ils vont ?*
Félicia descendit sur un escalier de service, et envisagea de demander du renfort auprès de ses coéquipières. Dans la mesure où elle était recensée, et où elle faisait partie d’un programme de protection du SHIELD, elle avait découvert les autres programmes du SHIELD dans la région sud-est asiatique. La Chatte Noire se tenait sur l’escalier de service, hésitant à appuyer sur un petit bouton lui permettant d’obtenir de l’aide, mais elle n’en eut pas le temps, que le monstre releva la tête, ayant probablement senti sa présence. Il ressemblait énormément à Carnage, et rappelait surtout à Félicia la fois où Venom lui avait rendu visite. Une visite dont elle se serait bien passée.
« Ne restez pas caché, je vous ai entendu. Vous vous montrez, et je vais considérer votre vie comme étant sauve. »
Trop tard pour appeler les renforts. Elle se redressa, et sauta dans les airs, se recevant sur une barre traînant sur l’immeuble à côté. Si elle avait été Spider-man, elle aurait sans doute sorti une blague, une répartie, et balancé de la toile sur le visage de ce Carnage anthropophage, mais elle ne voyait rien à dire d’autre qu’une sourde envie de vomir.
« Tu sais, mon gars, quand on a un petit creux, les gens normaux vont au fast food. Tu es en état d’arrestation. On peut faire ça de manière tranquille, ou alors, je peux te foutre quelques poings. »
Elle rajouta alors, sautant vers le sol.
« Et c’est pas l’envie qui m’en manque... »