Je ne pus m'empêcher de sourire alors que je l'entendis changer sa musique afin de la rendre plus appropriée à la situation. Je sentais que j'allais grandement apprécier sa compagnie. Non seulement elle jouait de son instrument comme une déesse, mais elle était très jolie, assez pour attirer mon attention et mon intérêt. Oh, je n'étais pas une succube ou une prédatrice sexuelle qui prenait plaisir à sauter sur tout ce qui attirait mon attention, du moins en temps normal, mais il m'arrivait de me laisser aller à mes plus bas instincts. Sauf qu'ici l'odeur de sang qui imprégnait Nô me rendait assez vigilante pour que je reste sur mes gardes. Pas question de séduire quelqu'un qui pouvait me manger ou me tuer ou faire de moi une esclave. Des fois, il fallait savoir choisir ses partenaires convenablement, et j'étais loin d'avoir mon avis définitif sur Nô.
Je l'écoutai parler et je dus avouer que sa proposition ne manquait pas de mérite. Je pouvais supporter un trajet inconfortable si cela signifiait une plus grande sécurité et un endroit à l'abri des regards où nous pouvions discuter tranquillement sans risque d'être repérés. Bon, c'était un peu de ma faute, mais malheureusement je n'y pouvais pas grand chose, étant coincée sous cette forme. Je la regardai, mes yeux rencontrant les siens et soutenant son regard. C'était... intense, et je restai silencieuse pendant quelques temps avant d'ouvrir la bouche pour donner ma réponse.
"C'est une excellente idée, et je suis sûre que je pourrai supporter..."
Je m'interrompis brusquement, la surprise me faisant écarquiller les yeux légèrement. Je me retournai vers le chemin et vis un petit groupe d'étudiants s'approchant. Ils ne m'avaient pas repéré pour l'instant, mais il était question de secondes avant que ce ne soit le cas. Lâchant un juron je pris une décision et bougeai rapidement, prenant Nô dans mes bras avant d'accélérer assez lentement pour ne pas blesser une humaine normale, mais assez rapidement pour atteindre l'orée du bois lui même en quelques secondes. J'avais aussi fait bien attention à son instrument et à ne rien laisser derrière, aucun intérêt à m'attirer l'inimitié de Nô. Ce ne fut malheureusement pas suffisant car alors que je commençai à zigzaguer entre les arbres, je pus entendre des voix provenant du groupe que je fuyais.
Putain, vous avez vu ça? Je rêve pas!?
Abusé, dites moi que quelqu'un a pris une photo?
Non, pas eu le temps, quoi qu'elle soit, elle était rapide... putain de rapide. On la suit?
T'es sûr mec? C'est une lamia je crois, t'as pas peur de te faire bouffer?
Une quoi? Allez, fais pas ta femme et suis moi.
Hey, ta gueule Takagi.
Désolé, désolé, Yuria.
Après ça, j'étais trop loin pour les entendre, mais je pouvais sentir les vibrations dans le sol. Ils étaient en train de courir à notre poursuite. Heureusement, ils étaient lents, et j'avais une longueur d'avance. Malheureusement, le bois était petit et s'ils étaient intelligents, ils n'auraient aucun mal à nous trouver après quelques minutes. La nuit m'était favorable par contre, et je louais le destin que je ne sois pas arrivée plus tôt, ça aurait été problématique. Après quelques secondes, j'atteins un endroit un peu mieux dissimulé, plusieurs troncs abattus, formant une petite cachette, et je déposai ma passagère. Elle pouvait voir que j'étais un peu rouge, légèrement embarrassée par la manière dont j'avais réagi sans la prévenir. Ce n'était pas vraiment convenable et peut être j'allais le regretter.
"Désolée, vraiment désolée, je ne voulais pas vous brusquer, mais dès que j'ai vu le groupe arriver, j'ai tout simplement réagi."
Je levai la tête pour observer les alentours et affichai un petit rictus de mécontentement. Ils avaient des lampes, heureusement pas pointées dans notre direction, mais ça ne saurait tarder. Je me cachai de nouveau et regardai Nô, un petit sourire anxieux sur mes lèvres.
"Si vous pouviez contacter vos hommes, je serai heureuse d'entreprendre le trajet, aussi inconfortable soit-il. Je vous en serai très reconnaissante."
Je ne savais pas vraiment comment elle allait réagir, mais j'espérais qu'elle allait accepter. Sinon, la nuit allait dégénérer. C'était des adolescents, et je n'aimais pas avoir à les blesser ou les tuer, mais je n'allais pas me laisser capturer sans rien dire ou faire. Si c'était eux ou moi, j'allais redécorer cette forêt de leurs tripes.