« Allez, allez, c’est fini... On dépose les stylos, allez ! Arrêtez d’écrire ! Allez, stop ! Stop ! Ne me forcez pas à vous l’arracher des mains !
- Je numérote juste les pages, j’ai oublié de le faire !
- C’est pas grave, répliqua Shani, agacée. Rendez la copie, c’est l’essentiel ! »
Les examens... C’était toujours une épreuve particulièrement difficile dans la vie d’un lycée. On n’était certes pas à la fac, mais il y avait tellement d’élèves, et tellement de disciplines, que ça y ressemblait presque. Au Japon, il n’y avait pas de BAC. Aucun examen de sortie permettant de vérifier ses compétences. En revanche, l’entrée à l’université ne se faisait pas de plein droit, mais en réussissant un examen. C’était une sorte d’équivalence au baccalauréat, car, concrètement, les deux diplômes avaient presque la même fonction : permettre d’entrer dans une université. Si, en France, le Bac permettait de trouver du travail, il servait surtout de passeport pour rejoindre les universités, ou les écoles. Mishima, sur ce point, était assez organisé, et un examen blanc était en cours.
Shani avait supervisé, avec d’autres collègues, des étudiants, et des parents d’associations d’élèves, ou même de simples proches, la surveillance des salles. Il y avait un sujet de dissertation, et un commentaire de texte. Le commentaire portait sur un extrait d’Études sur le Bien, un texte de Nishida, philosophe japonais du 19ème et du 20ème siècle, qui avait tenté de faire une espèce de regroupement entre la pensée orientale et la pensée occidentale, afin de la dépasser. La question de dissertation, quant à elle, était assez simple, même si sa lecture avait initialement décontenancé Shani : « Peut-on courir contre le temps ? ». Le genre de questions qu’on poserait difficilement dans un examen de Bac en France, mais qui devait être un peu plus intéressante au Japon, un pays qui était tiraillé entre deux pôles : les traditions, et le modernisme. La question y était importante, car le Japon était l’un des pays connaissant le plus fort taux de suicides au monde, et ce notamment chez les retraités, dépassés par l’évolution du monde.
L’après-midi avait été assez long, et les salles se vidaient rapidement, tandis que Shani regroupait les copies avec d’autres collègues, les répartissant dans un paquet commun qui serait ensuite réparti entre différents correcteurs, sous couvert de l’anonymat des copies. Le bandeau serait ainsi collé, l’administration se chargeant, après correction, de tout découper, et de mettre les copies dans les bons tas. De grandes heures de boulot en perspective, en somme. Shani était seule, avec une autre secrétaire, en train de regrouper les différents papiers.
« Je vais aller ramener cette pile aux archives. Vous voulez bien mettre les copies sur mon bureau ?
- Bien sûr, acquiesça Shani.
- Si c’est trop lourd, n’en prenez qu’une partie, je m’occuperai du reste !
- Ne vous en faites pas, tout se passera bien. »
S’emparant de la belle pile, Shani se mit à sortir, traversant plusieurs couloirs vides. En raison de l’ampleur de l’examen blanc, les autres classes n’avaient pas cours, et ceux qui venaient de subir l’examen ne restaient pas longtemps dans les couloirs. Shani, de son côté, rejoignit les bureaux de la direction, et déposa les feuilles dans un casier, avant de soigneusement le fermer, et de sortir.
*Bon... Rentrons chez moi !*
Elle s’aventura alors dans les couloirs, vers la sortie du lycée. Une longue journée venait, pour elle, de se terminer. Ou, du moins, c’est ce qu’elle croyait.