[Bon, les parties dansantes, c’est pas mon fortiche, du coup, c’est un peu court x) Mais faut se relancer, sinon, j’ai du mal o/]
La société japonaise, comme la société américaine, favorisait un idéal de beauté qui, parfois, manquait grandement de réalisme, surtout en sachant que la plupart des modèles de beauté n’atteignent cette apogée que pour une durée très limité avant que l’âge, la santé et les nécessités du corps ne l’emportent sur cette folie collective qu’est le culte de la femme idéale. La femme idéal, aux yeux de « Kamui », n’était qu’une illusion, car chaque femme était parfaite à sa manière, quoi que sa perfection était parfaitement subjective à la personne qui posait les yeux dessus, ce qui expliquait pourquoi le public japonais avait parfois beaucoup de mal à apprécier le spectacle qu’avait offert Lucie. Mais Seikusu était une ville bien différente du reste du Japon. Les gens sensibles comme le Roi notait par exemple une étrange magie dans l’air qui facilitait les rapports sensuels entre les gens, les rendant étrangement plus tolérants et parfois même plus attirants les uns pour les autres. Sans évincer le culte de la beauté, ce même sortilège brouille les sens des gens, ce qui leur permet de voir au-delà des apparences. Naturellement immunisé contre ce genre de sortilège, « Kamui » abordait la jeune femme de sa propre initiative, mais c’était quand même intéressant de noter ces petits détails qui, sans changer la société, améliorait tout de même la vie à l’intérieur de celle-ci.
Le Roi gagna finalement la piste de danse avec la ravissante dame, et il nota, à son agréable surprise, que la jeune femme savait parfaitement se défendre sur le champ de bataille qu’il lui avait offert. Bien qu’étant un habile danseur en temps normal, lorsqu’il s’agissait de danses traditionnelles ou tribales dans la société Meisaenne, le Roi s’avéra être légèrement gêné par l’ambiance plus « club » de l’Eastwood’s Saloon, où la proximité et la susceptibilité des gens étaient certainement la principale source d’embarras. Son niveau était acceptable, mais sans plus, alors qu’il enchainait tant bien que mal les quelques pas de danse qu’il avait appris au cours de ses quelques expériences dans le monde des humains. Cependant, danseur ou pas, il n’était pas nécessaire d’être talentueux pour pouvoir s’amuser, aussi se contenta-t-il de sourire de sa propre maladresse et acceptait sans trop de mal ses propres critiques mentales. Sans être doué, il parvenait à garder un certain sens du rythme et d’accompagner de son mieux les mouvements de sa partenaire. Et croyez-le ou pas, il parvint à danser tout en gardant son verre de whiskey en main, sans hurler une seule fois dans les nombreuses ovations des habitués du club, ni lancer de phrases clichées ou même de renverser une seule goutte sur le sol, véritable fierté pour un homme qui ne se dégourdissait qu’avec un peu d’alcool dans le sang.
La chanson dura près de trois minutes, et une fois qu’elle fut enfin finie, dieu merci, le jeune homme qu’incarnait le Roi semblait vivifié. Il dévisagea Lucie avec un large sourire et il frôla doucement une des mèches de ses ravissants cheveux roux du bout de l’index pour l’écarter de son visage. Elle était belle, voilà comment il la percevait. Comme une pomme. Ronde, vivante et, sous sa peluche, pleine de saveurs différentes. Le Roi aurait pu simplement la complimenter sur ses formes ou la complimenter sur ses talents de danse, mais il ne trouvait pas de réplique plus adapté qu’un sourire. Il avala d’une traite le reste de son whiskey, se débarrassant enfin de son verre en le déposant sur le comptoir du bar et il glissa un pourboire à la serveuse. Plutôt deux fois qu’une, songea-t-il, inspirant puis expirant par la bouche pour se débarrasser du goût piquant du whiskey. Il remercia brièvement la ravissante servante d’un signe de la tête suivi par un sourire, avant de revenir vers Lucie. Il la dévisagea un moment puis il lui prépara une nouvelle surprise, changeant immédiatement son répertoire linguistique pour s’adresser à elle dans la plus belle langue qui soit; le français.
« Dites-moi, Lucie, avez-vous déjà traversé le Pont des Lumières de Seikusu pendant un coucher de soleil, juste avant l’ouverture des Lumières? »
Le Pont des Lumières de Seikusu était l’une des quelques structures architecturales qui valaient vraiment le détour autant pour les touristes que les habitants. Énorme pont métallique, il faisait la fierté de Motoko Hirotoshi, un architecte local dont le plan avait fait l’unanimité, car non seulement il raccordait Seikusu-ouest et Seikusu-est, mais l’entamer à l’aube et au crépuscule permettait d’apprécier ce chef d’œuvre à sa juste valeur; les ornements du pont avaient été installés pour correspondre aux déplacements du soleil à certains moment donnés de la journée, alors que la nuit, le pont lui-même générait des centaines de lumières pendant une bonne partie de la nuit, grâce à l’énergie solaire emmagasinée par les panneaux qui parsemaient sa structure. Lorsque l’énergie était épuisé, le pont était ensuite éclairé par quelques lampadaires pour éviter les accidents nocturnes et les fausses manœuvres. Bien que cela fut réellement une question, le sous-entendu était plus ou moins évident; le Roi l’invitait à un rendez-vous galant. C’était bien un petit rendez-vous de dernière minute, spontané et surprenant comme il se devait. Et « Kamui » jouait surtout sur la sécurité; le Pont des Lumières était un endroit très fréquenté, et pour y accéder, il fallait traverser des rues bondées de gens. La température clémente autorisait même une petite marche, qui ne pouvait qu’être agréable, à condition de porter un petit manteau léger pour se protéger des quelques coups de vents. L’été arrivait à grand pas, mais c’était quand même la saison printanière. Elle pouvait toujours refusé, mais elle serait au moins assuré qu’il n’avait aucune magouille malhonnête derrière la tête. Et puis, pour atteindre la zone résidentielle de Seikusu, il fallait passer à Seikusu-est, ce qui était normalement le chemin pour n’importe quel habitant pour le retour à la maison. Autrement, il y a les hotels et les motels, mais il était difficile pour une touriste d’avoir un poste de danseuse dans un bar local, enfin, lui semblait-il.
Mais qu’allait-elle répondre? Excellente question.