(retour à la troisième personne =3)
Alors là, Kamui ne s'y attendait pas du tout. Un coup de talon sur son abdomen avait poussé Mélisende hors de l'eau. Curieux de savoir les raison de son subit changement de caractère, il se propulsa de ses pieds pour retourner sur la berge. Il la suivit un moment, se demandant ce qu'il y avait, puis l'aura de sa bien aimée changea. Cette aura de suffisance, hautaine et mauvaise, Kamui ne la connaissait que trop bien. Elle frappa, cruellement, en lui expliquant toute la mascarade avec un sourire haïssable, pleine de fierté à exposer son plan à son amant. Qu'aurait pu faire ce pauvre amant détruit par une réalité qui n'aurait jamais dû être? Il ne savait même pas quoi penser, mais chaque parole s'enfonçait cruellement dans son cœur, le perçant de mille aiguilles douloureuses, et Mélisende n'était pas du genre à faire dans la dentelle, et elle insistait pour imposer ses paroles dans l'esprit de son amant. Alors tout ce qui s'était passé en ce jour n'était qu'une partie d'un plan? Tout cela était calculé? Même le puissant Seigneur de Meisa ne put faire autrement que de trembler, mais pas de peur. Ses poings se resserrèrent, et ils tremblèrent aussi.
Pour comprendre le sentiment de Kamui, voici ce qui se passe à ce moment-là en lui. Il regarde devant lui cette femme dont il était tombé amoureux, cette femme en qui il avait confiance, cette femme qui l'avait même trahi pour protéger leurs "enfants", et tout à coup, il se rendait compte de la supercherie. Elle ne l'aimait pas, et elle le trahissait, comme elle l'avait trahi par procuration autrefois, comme elle a toujours manipulé son esprit pour obtenir ce qu'elle désirait. Il voulait s'accrocher à son rêve de bonheur, mais celui-ci venait de s'évanouir, totalement, abandonnant le jeune homme dans la noire réalité. Il aurait voulu lui hurler des injures, lui faire des reproches, la tuer, mais la toute petite vie qui allait se figer en elle, son enfant à lui, à eux, brillait à ses yeux d'une lumière tendre, parce qu'il avait conçu ce bébé dans l'amour le plus sincère. Mais plutôt que de s'en réjouir, il ne put que sentir que son coeur s'était brisé en mille miettes, et cette fois, il n'était pas prêt de se reconstruire. Tout n'était que mensonge, tout n'était que fausseté et trahison. Même lui, fier Seigneur de Meisa, ne put faire autrement que verser une larme, parce que tout cela semblait si irréel, si incroyable, mais un véritable blasphème!
En lui, la haine montait, et son regard se redressa lentement vers Mélisende. Une énergie noire flotta légèrement autour de lui, mais elle fut réprimée par les sortilèges de cette garce, qui lui envoyaient des éclairs franchement douloureux dès que sa magie cherchait à exprimer sa puissance, brûlant sa peau par endroit. Tous ses membres tremblaient avec tant de force tant la haine de Kamui était forte, tant il avait mal. Lui qui ne pouvait qu'à peine pleurer sur son propre sort, il ne pouvait prouver son ressentiment que par cet incroyable tremblement. Celui qui a dit que les plus grandes douleurs étaient celles du cœur savait de quoi il parlait, parce qu'à ce moment là, la douleur était si énorme que Kamui ne parviendrait même pas à l'exprimer avec son être, peu importe la manière de le faire. Rien n'était suffisant. Il la haïssait, elle avait commit un acte impardonnable, et cette fois pas envers son peuple, mais envers lui. Rien n'était plus douloureux que d'apprendre que cette femme si tendre l'instant précédent était la plus grande traitresse de l'histoire, une salope de première.
Il fit un pas devant lui, et une aile sombre déchira sa chair pour se déployer, arrachant chair et éclaboussant sang sur le sol. Un flot de larmes sombres comme du sang d'orc coula paresseusement des yeux, car comme je l'ai dit, la douleur était horrible. Si horrible que le bon en Kamui se retrouva consumé par la haine, consumé par sa douleur. Il marchait lentement, le regard trahissant ses sentiments qui passaient de la haine à la colère puis au désespoir le plus profond. Il voulait lui demander pourquoi, pourquoi tant de mal, pourquoi lui voulait-elle du mal et pourquoi lui avait-elle menti? Ne savait-elle pas qu'il aurait fait n'importe quoi pour elle? Ne savait-elle pas qu'il l'aimait si profondément qu'il lui aurait rendu ses pouvoirs si elle le lui avait demandé? Tout cela en échange de son amour, de sa présence, de ses caresses, de ses baisers? Son bras s'était tendu vers la gorge de la jeune femme, et les sortilèges la protégeant lui brulèrent le bras, et il posa sa main sur sa gorge, mais il ne serra pas pour la tuer. Il ne pouvait pas le faire; il l'aimait, même s'il la haïssait du fond le plus secret de son cœur, mais c'était aussi le père en lui qui l'empêchait de tuer la mère de son fils ou de sa fille, ce tout petit bout d'existence qui n'avait même pas conscience d'être vivant.
Il aurait voulu la tuer, mais ses genoux fléchirent, et il tomba sur eux, alors que sa main glissait lentement sur le cou, puis le torse de la jeune femme pour s'arrêter au dessus de son utérus, où une toute petite vie allait se développer. Son regard se vida, vide de sentiments, parce qu'il s'était volontairement coupé de ses émotions, excepté son amour de père pour cet enfant à venir, pour se protéger de cette douleur, trop lâche pour y faire face maintenant. Les rires de sa belle l'avaient achevé. Qu'avait-il à faire de ce monde? Ce monde souillé par le pouvoir, par le désir et par l'envie? Personne ne s'attardait plus sur ce qu'ils voulaient vraiment, sur ce dont ils avaient besoin, ils voulaient toujours plus.
-Je... te... déteste...
Et sa main qui tenait jusqu'à maintenant le ventre de la jeune femme glissa et il resta là, à genoux devant elle, totalement impuissant, avec un sourire fatigué sur les lèvres, les épaules secoués de quelques soubresauts; Kamui riait. Il n'aurait jamais cru tomber amoureux d'une femme capable d'une telle ignominie, et sa propre stupidité l'ébahissait tellement qu'il ne pouvait qu'en rire, même si la situation ne s'y prêtait pas vraiment. Il aurait voulu plutôt dire "je t'aime", mais cela aurait été un mensonge grossier, une série de mots déplacé. C'était si énorme, si gros que même lui ne parvenait pas à y trouver pied. C'était comme s'il s'était retrouvé dans un abîme et qu'il savait qu'il ne pourrait jamais toucher le fond, parce que ce qu'avait fait Melisende perçait le fond du baril de la cruauté. Il baissa la tête, continuant de rire. Les graines de la folie en lui venaient d'éclore, et les pousses grandissaient lentement en lui, et il n'avait même pas envie de les empêcher de prendre son coeur, il ne voulait simplement plus ressentir la douleur.
-Je ferais ce que tu veux... Je te redonnerai tous tes pouvoirs... tous, sans exception... mais je veux notre enfant en échange...
Sur ces mots, presque inaudible, il se redressa, passant doucement une dernière main sur le ventre de Mélisende. La volonté de Kamui était totalement brisée, et tout ce qui l'attachait encore à ce monde, c'était ce bébé, parce qu'il savait que Melisende garderait cet enfant pour le faire souffrir, et elle savait aussi qu'il percerait ses secrets et qu'il réduirait ses efforts à néant si elle s'avisait de le trahir. Il n'avait plus de repère, il était totalement perdu, paumé. Ses pas se faisaient flageolant tant il était faible, et il agrippa ses vêtements, plus clairement son pantalon et son sous-vêtement, et il les enfila, avant de tomber au pied d'un arbre, anéanti au plus profond de son être. Il n'arrivait pas à y croire, et malgré tout ce que Mélisende pourrait tenter pour renouer les liens entre eux, elle n'y arriverait pas. C'était le prix à payer pour une si noire trahison. De noirs dessins se précisaient dans la tête de Kamui, et le désir de vengeance grandissait. Dans son esprit, l'image de Melisende morte à ses pieds, le coeur percé d'une lame s'était créée en lui; il voulait faire souffrir la jeune femme, il voulait qu'elle paie, et si l'enfant s'interposait, il l'exécuterait aussi, il les tuerait tous, et il les regardera se noyer dans leur propre sang, la gorge tranchée.