Hakua marchait tranquillement dans le centre commercial, regardant les boutiques ici et là. Tout en regardant, il réfléchissait à ce que lui disait son maître autrefois.
Vois-tu, Hakua, dans ce monde, il y a les très laids, et les très beaux. Et il y a nous.
Il se désignait, lui, SHADOW, comme s'il était l'étalon même de la personne normale.
Les très laids, personne n'ose les regarder, de peur de les blesser. Ils ne les approchent pas non plus, toujours pour la même raison. Ils meurent donc seuls, pour cause de délicatesse universelle. Les très beaux, eux, tout le monde les regarde, mais personne n'ose les approcher. Ils ne regardent personne, de peur que la personne qu'ils vont regarder méprennent ce regard. Ils meurent seuls aussi, pour cause de convoitise universelle. Toi, je te transmuterai des oreilles de chou et un nez en patate. Mon cher élève, tu me créeras ainsi, toi et ta future femme, un charmant petit potager que je ferai sauter... Sur mes genoux.
Son maître riait aux éclats, et Hakua aussi. C'était le bon temps. Maintenant que son maître était mort dans cette embuscade, tout s'était assombri, et l'air asocial de Hakua l'avait promu du rang de très beau au rang de personne normale. Cependant, l'écart se creusait toujours autour de lui, mais pas pour les mêmes raisons. Il en éprouvait une satisfaction amère. Ce jour là, sa réputation le précédant comme toujours, les clients du magasins le fuyaient, de peur de se faire agresser. C'est ce qu'on appelle la dégénérescence sociale.
Il cogitait ferme sur ce sujet de dégénérescence quand il heurta une personne.
-Désolé.
Les passants écarquillaient les yeux. Lui, Hakua, s'excuser auprès d'une personne pour l'avoir bousculée ? Du jamais vu ! D'habitude, il engueulait la personne et finissait, si c'était une personne de sexe masculin, par la lyncher. Hakua, lui, regarda la personne. C'était une jeune femme, rousse, et très belle.
Elle doit faire partie des très beaux, n'est-ce pas, maître...
Il garda cette réflexion pour lui, car la jeune femme ne comprendrait pas.
-Excusez moi, ce... C'est ma faute, je... Désolé. Je vais vous aider à ramasser vos affaires.
Il ramassa les sacs qui étaient tombés, et continua à contempler la jeune femme. Quatre choses chez elle le marquait grandement. L'éclat de ses lèvres, de ses yeux et de sa chevelure sur une peau si pâle. Il sentit qu'il avait chaud, et sentait le rose monter au niveau de ses joues. Il comprit directement qu'il commençait à tomber amoureux d'une inconnue. C'était un mauvais signe.
-Comment vous appelez-vous ?