Une nouvelle voie (PV Theo)

Cela faisait quelques jours que Marine avait déménagé. D’un hôtel sur la Terre, elle était passée à une auberge sur Terra. La jeune femme était venue à Seikusu pour avoir la paix, or là tout le monde lui cherchait des ennuis. A croire que son ancienne vie ne voulait pas la lâcher. Rien à faire pour avoir la paix !

Par hasard, elle s’était retrouvée sur Terra. Elle avait franchi une faille sans s’en rendre compte et s’était retrouvée dans ce monde parallèle. Elle y était retournée plusieurs fois depuis et avait commencé à connaître ce monde. Elle fut cependant dégoûtée par certaines choses qu’elle voyait comme les esclavagistes, les créatures de la nuit, dangereuses, les démons et autres êtres malfaisants.

Finalement, ne pouvant trouver le repos auquel elle aspirait, elle finit par se décider à venir sur ce nouveau monde et combattre ces créatures. Autant utiliser ses capacités. Elle fit sa valise et vint sur Terra.

Depuis son installation, elle cherchait à se renseigner sur les différentes créatures existantes. Elle savait se battre, ce n’était pas le souci. Mais il lui fallait connaître l’ennemi pour le combattre au mieux et là, elle avait beaucoup de choses à apprendre.

Elle s’était procuré un certain nombre d’ouvrages sur le marché et dans différentes librairies. Elles les étudiaient en long, en large et en travers. Mais elle savait aussi qu’elle devrait trouver des personnes qui pourraient lui en apprendre davantage sur tout ça.

Ce soir-là, elle avait étudié très tard. Finalement, elle referma son ouvrage et se dit qu’elle devrait bien aller manger quelque chose à la salle à manger de l’auberge. Elle se leva et se fraya un passage à travers les tas de livres éparpillés sur le sol. Elle sortit de sa chambre et prit les escaliers. Elle alla jusqu’au comptoir de bois usé et s’adressa au tavernier :

« Bonsoir monsieur. Serait-il possible d’avoir quelque chose à manger malgré l’heure tardive ? »

L’homme l’observa un moment. La jeune femme était arrivée chez lui depuis un moment. Elle lui avait paru étrange depuis son arrivée surtout à cause de son visage. Il était très beau mais totalement inexpressif. Rien n’y transparaissait jamais. Elle était toujours extrêmement polie mais jamais un sourire ou autre chose. Rien. Néanmoins, elle payait et ne lui créait pas d’ennuis. Le cabaretier n’en demandait pas plus. Il opina du chef.

« Oui, je peux vous servir quelque chose. Il y a du ragoût. Ça vous va ? »

« Parfait. Merci »

Elle se dirigea vers une table en retrait et sortit le livre qu’elle avait refermé cinq minutes auparavant.

Quand on travaille tous les jours de l'année, on peut bien s'offrir une journée de congé. Puis Theodor n'avait pas de supérieur susceptibles de le blâmer pour ça... C'est ça l'avantage de ne travailler que pour soi. Ces jours de libres, le chasseur en profitait pour visiter ce monde alterné qu'était Terra, quand il ne vivait pas en totale clandestinité dans le foyer « familial ». De toute façon, il était un peu grand pour rester là à ne rien faire.

Théo s'arrêta devant une auberge. L'extérieur ne lui donnait pas vraiment confiance, mais bon, il devait avouer qu'après s'être baladé quelques heures en terre inconnue lui avait donné soif. Soif d'alcool, bien sûr... Le voir boire de l'eau pourrait presque relever du surnaturel, cependant il se portait comme un charme. Après un soupir agacé, sa soif triompha: il se dirigea vers la porte de bois foncée et l'ouvrit, pénétrant dans le vacarme habituel de ce genre d'auberge. Encore celle là était relativement calme comparé à beaucoup d'autres. Théo se souvint d'une certaine auberge, « Aux oreilles qui saignent », qui portait bien son nom...

Le blond pouvait presque passer pour un homme riche (remarque, il l'était bien...) dans cet endroit. Il était habillé d'une longue veste de cuir lui arrivant aux genoux et ouverte, laissant voir une chemise à jabot blanche immaculée. Avec ça, il portait un pantalon de cuir pour voyager ainsi que des bottes de marche qui lui ont coûté une petite fortune. Pour une fois, il avait le visage découvert, et on pouvait clairement voir que ce n'était pas un gars du coin. Le teint cadavérique, on pourrait penser que ce n'est pas un humain. Théo regardait autours de lui grâce à son œil droit. Il y avait quelques types louches, et même à travers le cache de son œil rouge il pouvait voir la présence d'un ou deux démons qui devaient venir ici pour s'amuser. Il ne pouvait pas les contredire, puis bon... Aujourd'hui on est dimanche, jour du repos.

L'auberge était pleine. D'un pas nonchalant le norvégien se dirigea vers le comptoir, avant de se faire intercepter par un ivrogne armé d'un couteau à beurre.

« Ta veste ou j'te saigne comme un porc... » Balbutia-t-il en brandissant son arme de fortune.
« Ta gueule... »  Lança Théo avec un soupir blasé, avant de fausser compagnie à son nouvel ami en le fesant dégager d'un petite coup de main sur l'épaule.

Une fois au comptoir, il ne se sentit pas vraiment à son aise. Qu'est-ce que ces chaises peuvent être inconfortables... Puis boire au milieu d'inconnus tous aussi suspects que les autres, ce n'était pas le truc à Théo. Il s'adossa au comptoir et regarda la salle de son œil valide.

« Je peux vous servire quelque chose? » Demanda une voix derrière le blond.
« Pas tout de suite. » Répondit le blond sans même prendre la peine de se retourner.

Vers le fond de la salle, il aperçu une table où une jeune fille était assise. Seule. Elle lisait un livre, et il voulut faire son curieux. De son œil gauche il essaya de voir quelques détails de ses lectures. « Démonologie vol.2 » Il l'avait déjà lu celui là... Et il était à même de contredire certains points de vue de l'auteur, grâce aux expériences qu'il a vécu sur le terrain. Theodor se remémorait tous contre-exemples possibles contre cet auteur ignorant se basant sur de simples légendes et fait-divers. Comment pouvait-elle lire ça... Il se le demandait vraiment. Mais elle ne pouvait pas savoir, comme lui ne le savait pas au début... Dans un élan d'érudition il se dirigea vers cette table reculée et finit par demander, la main derrière la nuque:

« Je peux m'assoir? La salle est pleine, et... enfin voilà... C'est juste que je vous voyais lire, et que je voulais vous dire que c'est que du baratin, ce livre... et je suis bien placé pour le savoir! »

Il espérait sincèrement ne pas se faire envoyer balader... Pour une fois qu'il voulait faire une bonne action.

Marine s’était isolée le plus qu’elle le pouvait. Le bruit, elle détestait ça  mais pas le choix, elle devait bien mangé. Elle s’était installée sur une table la plus en retrait possible du brouhaha et des ivrognes. Son esprit se concentrait sur son ouvrage et occultait tous les bruits alentours.

Soudain, elle perçut un mouvement prés d’elle.

« Je peux m'assoir ? La salle est pleine, et... enfin voilà... C'est juste que je vous voyais lire, et que je voulais vous dire que c'est que du baratin, ce livre... et je suis bien placé pour le savoir! »

L’homme qui lui avait adressé la parole, était étrangement pâle, un phénomène accentué par ses cheveux très blonds. Il était habillé d’une manière élégante qui lui rappelait ses propres vêtements. Un chemisier blanc à manches longues et évasées, un corset noir en dentelle brodée et, pour une fois, un pantalon noir et des bottes de cuir. Elle avait fini par troquer sa jupe longue contre un pantalon, plus pratique pour se battre.

D’ordinaire, elle l’aurait envoyé sur les roses mais visiblement, il semblait s’y connaître sur le monde des créatures. Elle hocha la tête et lui indiqua avec sa main le siège en face d’elle. Elle referma son livre et regarda l’homme en face d’elle. Son visage n’exprimait rien, elle ne lui souriait pas. Pourquoi faire ? Son seul intérêt pour lui était les informations qu’il pourrait lui donner.

Elle avait remarqué le cache sur son œil gauche mais cela ne l’impressionnait pas.

« Très bien, monsieur, si selon vous ce livre n’est que du baratin. Pouvez-vous me dire ce qui est vrai de ce qui est faux ? »

Son ton était comme son visage, neutre presque froid.

« Mais puis-je déjà connaître votre nom, monsieur ? Et qu’est-ce qui vous rends si expert en la matière ? »

Il n’y avait rien d’ironique dans ses propos. Elle voulait juste savoir qui il était et ce qu’il connaissait des créatures qu’elle-même tentait d’étudier.

Ce fut déjà une petite victoire pour le norvégien. Il s'assit en face de la demoiselle, un petit sourire aux lèvres. Elle semblait presque agacée par sa présence ô combien non voulue, mais Theodor s'en fichait, il voulait seulement parler de ce qu'il pensait, pour une fois...

La jeune femme semblait croire dur comme fer aux divers propos du livre, et cela l'agaçait, il allait enfin pouvoir étaler ses connaissances. Il put remarquer l'élégance des habits de la jeune femme, une qualité vestimentaire qui se fait assez rare de nos jours.

« Veuillez excuser mon impolitesse. Je m'appelle Theodor Friedrich, et je loue mes services de chasseur, traqueur, tueur pour un assez bon prix. Je parle de chasse aux démons, ou de chasse à toute autre créature plus ou moins dangereuse, bien sûr! Sinon, jamais je ne serais venu à votre table. Puis-je vous demander votre nom, et pourquoi vous vous intéressez à ce genre de choses? »

Il marqua un silence et posa ses yeux sur le livre fermé et posé sur la table. Par où commencer, puis d'abord, est-ce qu'elle allait le croire, car il fallait avouer qu'il avait été très vite pour un début, mais il était impatient de démontrer sa thèse. Mais Théo était assez dérouté par la froideur de la demoiselle assise en face de lui, et appréhendait la suite. Et si elle l'ignorait? Et si elle allait lui demander de dégager? Il était même prêt à enlever son cache pour se faire entendre.

Un chasseur ? Inattendue ou plutôt inespéré. Elle qui voulait justement converser avec quelqu’un comme lui. Le hasard fait parfois bien les choses. Elle ne doutait pas de lui, son visage était franc et son instinct lui disait qu’il ne lui mentait pas. Elle n’avait pas besoin de plus.

« Je m’appelle Marine, monsieur Friedrich. Je ne saurais trop vous expliquer les raison qui me poussent à étudier les créatures diverses et variées qui peuplent Terra. Disons simplement que j’ai mené une vie de combat sur Terre. Un jour j’ai voulu me ranger, vivre une vie « normale ». Mais, je me suis rendue compte, hélas, que je n’y arriverai jamais. Il était hors de question cependant, pour moi, de retourner à ma vie précédente. Un jour, j’ai découvert, par hasard, l’existence des failles et donc de Terra. J’ai compris qu’il y avait des choses dans ce monde qui devaient être combattues. Du coup, je me suis dis que je pouvais m’y employer. Mais pour combattre un ennemi, il faut le connaître – elle prit le livre et le lui montra – et j’essaie de le connaître »

Elle reposa son livre devant elle. Son visage n’avait pas changé durant tout son discours, toujours aussi froid. Elle énonçait juste des faits. Rien de plus. Néanmoins, elle voulait apprendre de l’homme assis en face d’elle.

« Et vous, monsieur Friedrich, que pouvez-vous m’apprendre ? Si vous attendez de l’argent en échange de vos informations, je n’en ai pas. Aussi, si vous monnayer votre savoir, autant quitter ma table. Dans le cas contraire, je peux au moins vous payer un verre »

Elle le regardait droit dans les yeux, espérant qu’il resterait et lui en apprendrait un peu plus sur les créatures de Terra.

Poussant un soupir satisfait, Theodor se mit en tête qu'il allait réussir à s'expliquer, maintenant que le plus dur était fait. C'était rare de voir des gens qui souhaitent combattre ce qui peut être combattu. Surtout sur Terra, où les vices sous n'importes quelles formes s'abattent un peu partout dans le monde. C'est aussi une terre qui regorge de beaucoup de créatures étranges, plus ou moins dangereuses.

Il écoutait chaque parole de la demoiselle avec attention, lui adressant un regard courtois. Après tout, ils venaient tout juste de faire connaissance. Pensant s'être montré le plus inoffensif qu'il pouvait, le blond s'étonnait toujours de l'attitude distante et froide de la jeune femme. Il fixa le livre sur la table, pendant qu'elle fixait les règles. Une fois fini, il leva ses yeux vers les siens. Elle le regardait droit dans les yeux, et Théo put en déduire qu'elle souhaitait sa compagnie à des fins professionnelles. Il lui adressa un petit sourire timide.

« L'argent ne m'intéresse pas, et j'en ai bien assez comme ça. Et puis ce n'est qu'un service que je vous rend, demander de l'argent serait absolument malpoli et bas de ma part. Cela dit, je ne souhaite pas non plus que vous m'offriez un verre. C'est moi qui vous invite, je paye votre verre. Et s'il vous plait, appelez moi seulement Theodor. Donc, que voulez-vous boire? »

C'était la moindre des choses après tout. Son visage repris une apparence neutre, maintenant qu'il allait parler des faits réels.

« Pour apprendre vite, il faut beaucoup travailler. Lire, certes, mais aussi allé sur le terrain, et affronter l'ennemi. Il faut persévérer, mais il faut savoir aussi que fuir est nécessaire dans certaines situations. Enfin... je pense que vous le savez déjà... »

Theodor dévia son regard et se mit à observer la salle.

« Quand j'ai commencer à travailler, c'était dur. Heureusement, mon premier employeur m'avait laissé quelque chose. »

Le blond regarda autours de lui, afin de voir si personne ne les regardait. Ils étaient à l'abri des regards, sur cette table. Il passa sa main dans ses cheveux et défit une petite ficelle en cuir. Son cache tomba sur la table, dévoilant un œil rubis étincelant, brillant d'une lumière diabolique. Il approcha son visage de celui de la jeune femme afin de ne pas se faire trop entendre, tout en pointant son œil de l'index gauche.

« C'est grâce à ça que je sais qu'est-ce qui est quoi, et qui m'a permit de trouver des contre-exemples à ces fichues thèses hypothétiques! En fait, pour être plus concis, je vois les démons. Je vois tout ce qui n'est pas humain, et cet œil est le don qu'un démon m'a fait. Cela en fait de moi un des leurs, cependant je l'utilise à bon escient. »

Pointant sa tête sur un homme adossé au comptoir, il ajouta:

« Regardez cet homme, celui habillé avec la veste grise. Cela ne se voit pas aux premiers abords, mais c'est un démon, et d'après les regards qu'il vous jetait avant que je vienne vous déranger, il comptait sûrement venir vous voir. Méfiez-vous de lui, si vous venez à le rencontrer. Il y a un détail que l'on peut remarquer, se sont ses mains. Il a la peau pâle. Très pâle. Or, ses veines sont invisibles, alors que même si je suis blanc comme un linge, on voit les miennes. Les démons cherchent toujours à se montrer parfait, cachant chaque défaut de la nature humaine. C'est un détail minime, je l'avoue, mais c'est grâce à ce genre de choses que l'on voit qui est quoi. Bien sûr, on peut aussi remarquer le manque de rides d'expressions sur son visage, et pourtant, il a l'air d'un type heureux, vu les sourires qu'il lançait à vous et à d'autre demoiselles. Enfin... Si vous ne me croyez pas, j'ai toujours de quoi affirmer que je dis bien la vérité. »

Lorsque Théodor enleva son cache pour lui montrer son œil rouge, Marine n’en fut pas surprise. Elle était plutôt intéressée par l’objet. Un objet bien pratique. Elle fut bien plus surprise quand il parla de l’homme au comptoir comme étant un démon. Elle y jeta un rapide coup d’œil pour ne pas éveiller son attention. Elle n’aurait jamais pensé qu’il pouvait s’agir d’un démon. Cependant, elle ne doutait toujours pas de la véracité des propos du jeune homme blond.

« Je constate, en effet, qu’ils s’intègrent parfaitement à la société humaine, au moins physiquement. Néanmoins s’il était venu m’embêter, il aurait eu une mauvaise surprise »

Elle ne se flattait pas, elle connaissait ses capacités et leurs limites.

«  Il me faudra du temps pour apprendre à les reconnaître. Mais j’apprends vite – elle revint sur les propos tenus par Théodor juste avant de parler de son œil et du démon – Merci pour le verre, Théodor, mais je ne bois pas. Par contre, ne vous gênez pas pour moi, si vous souhaitez boire – revenant sur ses premiers propos – Comment puis-je faire pour les reconnaître, hormis leur perfection physique ? – elle ajouta avec un sourire, le premier depuis l’arrivée du jeune homme blond à sa table – Y aurait-il un deuxième exemplaire de votre œil ou est-ce un modèle unique ? Et comment puis-je les combattre ? J’ai des capacités physiques, je sais me battre avec ou sans armes, mais j’imagine que le combat classique ne suffit pas à les combattre. Que dois-je maîtriser comme autres capacités ? »

Elle espérait que toutes ses questions n’allaient pas le faire fuir mais elle ne pouvait pas se permettre de louper cette occasion d’en apprendre d’avantages sur les créatures.