Le retour au contrôle de son propre corps n’était guère chose aisée. La petite prêtresse dans ses superbes mais peut-être bien trop légers atours se retrouvant en partie détrempée d’abord, et surtout complètement frigorifiée ensuite. Elle ne voulait pas se trouver bien maladroite envers le puissant invité qui était resté très cordial jusqu’ici, tant et si bien qu’elle s’était tout de même assurée de le saluer, mais maintenant qu’elle avait répondue à ce devoir, elle venait de s’accroupir auprès du feu, cherchant tant bien que mal à récupérer un peu de chaleur pour son petit être grelottant. Elle ne faisait, dans l’immédiat, ni attention à sa tenue, ni à la manière dans laquelle elle se positionnait, laissant entrevoir dans sa hâte et ses gestes une certaine innocence, l’étrangère prenant même le temps de tendre ses mains près du feu pour en goûter la délicieuse radiance. Klaus, en l’occasion, avait sûrement de quoi observer la prêtresse dans toute son apparente faiblesse humaine : sensible au froid, la chair molle sans la moindre armure, le corps à peine couvert, dont chaque brise avait parfois le malheur de faire voleter le tissu, révélant parfois les précieux atours féminins de cette demoiselle dans la fleur de l’âge. Le nez rouge et les joues rosies par les risques d’un rhume naissant n’étaient qu’un point supplémentaire, qui finalement avait peut-être aussi la capacité de faire perdre un peu à la jeune femme ce statut religieux, divin, qu’elle avait put avoir quand ils venaient tout juste de se rencontrer.
« Vous devriez porter plus de tissus sur votre peau petite prêtresse, je sais que les peaux fragiles n'aime pas le froid eux non plus et je trouve le tissu qui vous englobe très léger pour cette température. »
Elle manqua avoir un court instant de surprise en comprenant immédiatement les propos du puissant saurien, mais se rappelant de l’action d’Emaneth, elle eut la bonne réaction de taire sa première réaction de peur de blesser cet être. Il … Il était par ailleurs touchant de le voir penser à son bien, même si le conseil était un poil décalé au vu des objectifs de la jeune femme. Ce n’était pas qu’elle s’était vêtue ainsi par contrainte ou désir de confort, non. Elle avait fait le choix de cette tenue pour se rapprocher de son passé religieux, pour retrouver enfin la plénitude qu’elle pouvait ressentir dans ses premiers instants de Foi. Elle s’apprêtait d’ailleurs à lui répondre avec beaucoup de délicatesse, afin de lui expliquer plus ou moins ce qui la poussait à se comporter ainsi, mais visiblement, le fait qu’elle soit restée muette ne manqua pas d’alerter son invité, qui reprit alors son propos avec une certaine forme d’interrogation bien compréhensible :
« Vous avez bien d'autres tissus non ?
- Ce… n’est pas vraiment la question… aaah… »
Se reprenant en hâte, elle vient étouffer un nouvel éternuement qui était passé lui remuer le nez. Difficile de garder son sérieux quand le froid vous agresse de toute part, et pour être tout à fait honnête, Enothis s’employait déjà à rester la plus digne possible, afin que le puissant Kromcota vo Sharleko ne se retrouve pas à trop s’inquiéter pour elle. À partir du moment où elle cessa d’osciller entre relâchement et risque imminent d’éternuer, elle se retourna vers lui, se plaçant à genoux, l’un des délicats tissus placé entre ses cuisses pour ne pas risquer de montrer son fruit défendu au guerrier d’un autre monde. Alors, elle prit enfin le temps de lui expliquer pourquoi elle se trouvait là, en pleine tempête de neige, dans une tenue qui aurait sûrement l’occasion en d’autre endroit de la faire passer au mieux pour une illuminée, au pire pour une femme de petite mœurs en pleine recherche :
« Voyez vous, j’ai quitté mon pays, et n’ai pas retrouvé dans celui-ci de lieux où pratiquer normalement mes prières et ma foi. Ce soir était le premier soir où je venais en ce lieu, normalement abandonné, pour le faire. Alors j’avais pris ma tenue rituelle, mais vu que je viens d’un pays où la chaleur est extrême, eh bien … Effectivement c’est un peu léger. Mais je me devais de la porter pour ces rituels ! En tout cas c’est d’une importance capitale à mes yeux. »
Elle ne manqua pas de lui sourire, meilleur moyen pour elle de tenter de le rassurer. Dans le fond, le feu commençait à faire son œuvre, même si elle sentait en contrepartie que la baisse de température de son corps avait eut de sévères effets sur sa forme physique. La fatigue pointait le bout de son nez comme jamais, et elle commençait à avoir mal un peu partout, autant dire qu’elle n’allait pas faire bonne mine dans quelques heures. Après, ce n’était pas bien grave, elle savait qu’elle pouvait largement dépasser les limites du corps en se reposant sur les infinies capacité de l’esprit et la discipline personnelle. En revanche, résonnant avec les mots de Klaus, elle se sentait malgré tout assez mal à l’aise à l’idée qu’il puisse tant et tant s’inquiéter pour elle. Ce n’était pas dans ses habitudes d’amener autrui à veiller sur elle, alors elle aimerait éviter que le premier cas du genre au Japon soit avec un gigantesque saurien humanoïde provenant d’un autre univers. D’ailleurs, un peu plus et elle aurait été capable de poser la question par rapport à Godzilla : s’agit-il d’un cousin des Kroxigor ? Cela aurait été l’une des découvertes les plus amusantes et flippantes de toute sa vie. Enfin, avec un peu plus de sérieux, Enothis était en train de sérieusement reconsidérer son état personnel, et peut-être allait-elle effectivement se changer. Cela ne pourrait pas lui faire de mal, et elle avait tout de même portée sa tenue rituelle pendant une bonne partie de la nuit déjà, aussi… Elle pouvait sûrement se permettre un tel écart. Aussi, elle reprit la parole avec calme :
« Enfin… Je peux imaginer que je ne vais pas retourner à mes psalmodies alors que vous êtes ici, cela me mettrait bien mal à l’aise. J’ai effectivement d’autres vêtements, je vais aller les…. Les … »
Révélation soudaine et dramatique. Elle n’y avait pas du tout pensé, il y a plusieurs heures, parce qu’elle était certaine de rester dans sa tenue cléricale, mais maintenant qu’elle était dans un état … l’on peut dire compliqué, elle se rendait compte de la titanesque erreur qu’elle avait faite. Ses tenues, celles avec lesquelles elle était venue jusqu’à ce temple abandonné, elle les …. elle les avaient toutes utilisées pour éponger et sécher comme elle le pouvait le corps du gigantesque saurien, tant et si bien qu’elle les avait toutes foutues en tas dans un coin de la pièce principale, loques désormais détrempées. Et puis pas juste humide hein, non, la bonne dose d’eau gelée qui avait eut le temps de commencer à se densifier avec l’air frigorifique du dehors, produisant donc une semi-boule d’affaires en partie congelée. Une … Une catastrophe. Sans compter qu’Enothis se trouvait bloquée, elle ne pouvait décemment pas dire à son invité, même malencontreux et indésiré, qu’elle se trouvait désormais incapable de se réchauffer ou de se couper un minimum du vent glacial parce qu’elle avait utilisée ses tenues pour lui. Cela reviendrait à lui rejeter la faute, et elle ne pouvait vraiment pas se le permettre, ce n’était pas dans sa nature ! Vite, elle avait besoin d’une idée, d’une excuse, d’un quoi que ce soit qui lui permettrait de cacher à la fois son erreur et son désarroi du moment ! Finalement, elle ne trouva d’ailleurs pas mieux à dire que :
« Euh je … ne sais plus où je les ai mises. Ça doit être dans une des pièces de l’entrée principale, mais je ne sais plus laquelle et …. Et je me sens pas trop d’y aller à l’aveuglette je l’avoue… hi hi quelle sotte je fais ! »
C’était ridicule, mais elle n’avait pas mieux pour le coup. Bouffer par la honte, la voilà qui se glisse de nouveau auprès du feu, tendue, droite comme un i, un sourire forcé sur le visage pour dissimuler son embarras. Quel scandale franchement, d’être assez stupide pour ne pas avoir réfléchie plus de deux minutes, et de ne pas s’être au moins mise à faire sécher ses affaires après avoir prit soin du Kroxigor. C’est juste… juste terrible de se retrouver dans ce genre de situation ! Elle n’assumait pas du tout, et avait tout juste envie de disparaître pour ne pas se faire plus honte que ça, ne pas se pousser encore un peu plus dans le ridicule. Car oui, elle savait que Kromcota vo Sharleko n’était pas un bêta, si il regardait dans le coin droit derrière lui il n’aurait aucun mal à remarquer l’amas gelé de vêtement qu’elle avait rapidement balancé là. De là à ce qu’il comprenne ce qu’elle avait fait, il n’y aurait pas besoin de plus d’une demi-seconde de réflexion … Et de même manière, maintenant qu’elle venait éhontément de mentir pour cacher tout cela, elle ne pouvait pas non plus aller les récupérer pour les mettre près du feu, en espérant pouvoir se les mettre sur le corps dans deux bonnes heures. Stupide petite humaine !
« Bon je … eh bien tant pis hein, il ne faut pas se mettre bille en tête, n’est-ce-pas ? Je vais rester ainsi, ce n’est pas grave, surtout ne vous inquiétez pas. Je n’en ai pas l’air mais je suis costaude ! »