La jeune femme était honnête avec ses camarades, la compagnie féminine, comme masculine d’ailleurs mais là n’était pas le propos, n’était en rien un problème pour elle. Mais elle n’aimait pas en discuter. Pas comme ça, en pleine rue, à la terrasse d’un café. Dans le fond, le fait d’évoquer en plus ses éventuelles attirance était un brin gênant, aussi souhaitait-elle en éviter la possibilité, l’amenant à regarder autre part, à chercher au loin quelques éléments qui lui permettrait de fuir si la situation venait à évoluer dans le mauvais sens. Une diversion, en somme. Elle voyait depuis sa chaise la présence d’une animalerie par exemple. Des petits animaux, quoi de plus mignon pour attirer l’attention de lycéenne en manque de sujets de conversations ? Il y avait aussi, un peu plus loin, la forme des plus intéressante d’un cinéma, et si elle ne connaissait guère les différents films à l’affiche, elle pouvait espérer y trouver un moyen de changer non seulement la discussion, mais peut-être même d’amener ses camarades à s’occuper d’autre chose, de se laisser divertir deux petites heures sans que nulle ne pense à nouveau à lui faire part de ses questionnements quant à ses intérêts sexuels. Et puis franchement, pourquoi elles en avaient quelque chose à faire, hein ? Elle était certes d’un autre pays, elle pouvait s’imaginer que les jeunes femmes y voyaient donc la possibilité d’autres mœurs, d’une autre façon de voir les choses, les relations humaines, mais quand même, rien ne pouvait prétexter une quelconque forme d’attrait particulier de sa part ! Ce n’est pas comme si elle avait cherchée, par n’importe quel moyen un peu étrange, à draguer une femme devant les autres membres de sa classe !
Non franchement, elle ne comprenait pas, et s’apprêtant à inviter ses amies à passer à d’autres sujets, quelle ne fut pas sa surprise quand elle entendit soudainement la chaise près d’elle être tirée, et quelqu’un s’y installer sans la moindre gêne :
« Je suis sûre que les femmes t’aiment aussi… »
Oh bon dieu ! Non contente de sursauter lors de cette soudaine intrusion, Enothis se retourne avec un empressement incontrôlée, débarquant en un instant devant les deux grandes pupilles rouges qui l’observent. Non mais c’est qui cette folle ? C’est quoi, un maillot de bain qu’elle porte ? Avec une espèce de voile ? Bon sang, effectivement il fait chaud en cette période, mais quand même, se trimballer dans une telle tenue à Seïkusu … C’est quoi son objectif, aller se perdre dans le quartier de la Toussaint dans l’espoir que quelques peu glorieux personnages lui refassent les fesses façon mauvais porno japonais ? Enfin, elle s’emportait un peu là, mais quand même, entre cette surprenante entrée en matière et la façon plus ou moins altière de se vêtir, il y avait là un énorme problème comportemental de la part de cette invitée inopportune. Et cette main qui caressait la sienne, brrr, non merci ! Non comptant le fait qu’elle devait suivre leur discussion pour se permettre ainsi de se glisser au milieu de leurs échanges, aussi Enothis ne manqua pas de lui décocher un regard plein de désapprobation. C’était fort pau agréable de sa part, et si elle ne connaissait cette jeune femme ni d’Eve, ni d’Adam, elle allait quand même se permettre de la remettre à sa place ! Non mais franchement, dans quelle genre de situation tu te sens suffisamment à l’aise pour te permettre une telle approche. Reprenant donc une posture plus claire, tandis que ses amies semblent être encore sous le choc de l’approche et de la … *hum hum* vision de rêve qui se trouvait en face d’elles, l’égyptienne se préparait à une riposte sévère envers cette sans-gêne. Sauf qu’à l’instant où elle voulue s’exprimer, la voilà coupée à nouveau par l’albinos, celle-ci reprenant de plus belle avec ses avances :
« Suis-je à ton goût ? »
Consternation. Très honnêtement, en d’autres circonstances, peut-être lors d’une rencontre simple avec quelques mots auparavant, une discussion sympathique, un ou deux verres d’alcool pour se délier la langue ( même si techniquement elle n’y avait guère le droit au vu de son âge), la belle jeune femme à la peau basanée aurait répondue positivement à cette question. Mais là, en cet instant, ce n’était guère le cas. Elle avait l’impression, déjà amorcée par ses amies, même si dans un cadre autrement moins agressif, que l’on venait s’immiscer dans son intimité, et ce n’était pas le moins du monde agréable ! Alors bien malgré elle, et même si son visage présentait avant tout une expression surprise, elle serra instinctivement le poing dans son énervement immédiat. Un court instant lui fut nécessaire pour ne pas réagir purement avec colère, et après un grand soupir, elle répondit enfin. Et au diable la politesse, elle eut un ton qui exprima à lui tout seul à quel point elle n’avait pas appréciée ce qu’elle prenait à l’instant comme une attaque.
« Bonjour déjà, et ensuite … Non mais qu’est-ce-que vous foutez ? Je ne vous connais pas, alors ayez la gentillesse de me laisser tranquille, d’accord ? »
Elle n’allait pas lui laisser le temps de répondre, elle regarda ses amies, hésita un instant à les secouer pour qu’elles l’aident, mais opta plutôt pour un autre comportement, histoire peut-être de coller un peu plus la honte à celle qui venait, bien grossièrement, de lui faire des avances aussi énorme que l’anneau de Jupiter. Aussi, elle se redressa de son siège assez sèchement et attrapa son sac, avant de se tourner vers ses camarades, allant pour ignorer cordialement l’albinos et ses propos tout simplement déraisonnable :
« Désolé les filles, mais je vous propose qu’on écourte notre pause. Ça vous dit un ciné ? »
Voilà, deux heures dans une salle noir, et pas de problèmes supplémentaires, au moins comme ça elle s’assure de ne pas avoir plus de problèmes, ou de questions gênantes. J’vous jure, devoir agir ainsi pour profiter de la seule sortie qu’elle se permet depuis des mois, franchement, ça lui pèse, mais elle souhaite avoir la paix, et avec un peu de chance, elle pourra repartir de bon pied une fois le film finit. Par chance, sûrement parce que l’approche parasitaire de cette inconnue à sut surprendre un peu tout le monde, personne ne va contre la réaction d’Enothis, certaine prenant leurs affaires tandis qu’Oshizu observe la scène avec encore un peu de doutes, ne sachant ou donner de la tête. Mais finalement, l’air encoléré de l’égyptienne la décide, pas besoin d’appuyer un peu le propos de la femme en maillot de bain, cela risquerait de créer seulement des soucis supplémentaires. Aussi, en quelques faillis secondes, les voilà debout, toutes les quatre, et c’est avec un rapide regard noir en arrière qu’Enothis s’écarte de cette impromptue rencontre, filant en direction du cinéma en toute vitesse. La seule qui reste un court instant, non sans s’assurer que son amie ne l’observe pas faire, c’est encore une fois Oshizu, qui semble déceler une forme de déception dans le visage de l’albinos. Elle lui fait un petit signe, comme pour attirer son attention, puis sort un petit papier de l’une des sacoches de son sac.
« Je suis désolé, je sais bien que c’est pas facile pour des filles de faire de bonnes rencontres, lui en voulez pas. Si vous voulez, laissez moi votre numéro, j’essaierais d’intercéder en votre faveur un peu plus tard ? J’vous donne le mien, vous pourrez me laisser un message. »
Et les voilà partie. Honnêtement, Enothis se fichait de voir un film ou un autre, tant et si bien qu’elle laissa ses camarades faire le choix de ce qu’elles allaient regarder une fois qu’elles furent à l’abri de l’albinos, hors de sa vue, bien mélangées à la foule du cinéma. Maugréant en voyant arriver Oshizu un peu plus tard, elle ne manqua pas de lui expliquer combien c’était déagréable de se faire aborder de la sorte, propos auquel la lycéenne lui répondit positivement, ne voulant pas plus attiser les flammes dans lesquelles baignait le coeur de l’égyptienne. Finalement, les quatre demoiselles optèrent pour un film historique, et après avoir acheté un lot de confiseries à dévorer, rageusement pour l’une d’entre elle, elles finirent par se glisser dans la salle n°5, et trouvèrent quelques places confortables pour ne pas connaître de nouvelles inconvenances. Placée entre Oshizu et une autre de ses camarades, la demoiselle à la peau cuivrée ne manqua pas de souffler lourdement avant de finalement commencer à se détendre, à relâcher un peu sa nervosité soudaine. Pourquoi fallait-il qu’elle tombe comme ça sur une barge, franchement ?
« Tu sais, je te comprends Enothis, ce n’était pas facile… Mais peut-être voulait-elle simplement te complimenter ?
- Y’a des manières de faire tout de même. Un peu plus et elle serait aller me tâter les miches, franchement ! Mais bon, c’est derrière nous. J’espère juste ne pas la recroiser ! »