Espérance ne s'attendait pas vraiment à la question que venait de lui poser Sandji. Elle n'y avait absolument pas pensé, et s'était dit qu'elle n'aurait pas à aborder le sujet. Mais elle aurait quand même du y penser. Et Espérance, elle, n'avait jamais été mère.
*Comment lui montrer quelque chose que je n'ai jamais ressenti?*
La belle jeune femme hésita un moment à répondre, les lèvres à peine entrouvertes, cherchant des mots à dire correctement à Sandji.
Un fantôme s'approcha alors d'Espérance. Elle était une femme sage et réservée, et appréciait la compagnie de la médium, qu'elle protégeait même si elles ne se parlaient guère.
"Ma Dame, je saurais vous être utile. La sensation d'être mère est portée dans mon âme à tout jamais, car c'est la plus belle chose qu'une femme peut faire dans sa vie. Ce qui est le plus beau, le plus doux, et le plus fort dans l'univers: donner la vie par amour."
Espérance comprit alors qu'elle disait vrai. Cette expérience qu'elle n'avait pas encore découverte personnellement pourrait quand même lui être révélée, et elle partageait cette découverte avec Sandji, et chacun aura la réponse à sa question.
"Un enfant, c'est avant tout de l'amour, Sandji. La plus belle chose qui puisse arriver à une femme, c'est de donner la vie."
Elle s'approcha alors de Sandji, passant dans son dos, et posa ses mains sur le bas du ventre de Sandji, de manière prude comme le font les femmes enceintes. Le fantôme se laissa alors entrainer dans l'esprit et le corps d'Espérance, et la dame fantôme lui faisait alors tout découvrir avec son pouvoir, depuis le bout de ses doigts à la paume de ses mains, qui semblaient soudain émettre une très douce lumière, comme une aura blanche et douce.
"D'abord, dit Espérance en suivant les mots de la mère fantôme, c'est comme si on n'avait rien, et pourtant on sait. On sent les choses pareilles, mais totalement différemment. Le corps change, mais quelque chose est là, en soi, qui n'est ni soi, ni quelqu'un d'autre: c'est la vie qui apparait dans notre corps, une nouvelle vie conçut par deux autres vies différentes."
Espérance sentait ces sensations dans son propres corps, et avait presque l'impression que ce n'était pas un souvenir mais bien la réalité en sentant tout ça, la chamboulant mais écoutant presque avec tendresse l'aventure d'être maman alors que son ventre ne s'arrondissait pas.
"Puis, enfin on le sent bouger. Ce bébé qui est dans le ventre remue et vit, et cela, une maman le sait, veut dire qu'elle devra tout faire pour lui, l'aimant plus qu'elle-même pour le protéger de tout. Il n'y aura jamais de meilleur asile que le coeur d'une mère, n'oublie jamais. Et il grandit, devenant fort et plein de vie, et nous l'aimons et veillons sur lui avec toute la tendresse du monde.
Et soudain, c'est la naissance. C'est douloureux, car ce moment sépare la maman de son enfant, il ne sera plus jamais protégé par le ventre de sa mère, et c'est cela qui est plus douloureux que le reste. Mais une maman aime tellement son enfant qu'elle peut souffrir jusqu'à donner sa vie pour lui. A ce moment-là, enfin, on peut prendre son enfant dans ses bras, et c'est ainsi qu'après avoir aimé sans le voir, une femme devient mère et fera tout pour être aimé de lui en retour. Parce qu'aucune maman n'est parfaite, mais elles veulent toutes faire de leur mieux."
Le fantôme ressortit alors du corps d'Espérance, et la jeune femme retira ses mains du ventre de Sandji, tout aussi éprouvée que si elle venait de vivre neuf mois de grossesse d'un coup, et, femme de tout son être, elle ressentait soudain un grand manque dans sa vie, regrettant de ne pas porter cet enfant, ne s'apaisant qu'en se répétant dans sa tête qu'elle trouverait le père parfait pour avoir un enfant à chérir. Pour aimer cet enfant fantôme qu'elle n'avait pas vu.