Midi, heure pair, soleil à son plus haut tout comme l'excitation de l'Overlord. Après tant de bouteilles à la mer, l'une d'elle revenait enfin en la personne...en fait d'un bricoleur, sans plus d'informations réelles sur son identité, mais c'était toujours ça de pris.
Le Grand Portail du Maléfice et de la Damnation avait été spécialement décoré de miliciens empalés et de pierres tombales anciennes pour bien mettre le visiteur dans l'ambiance, et selon les estimations des prophètes et autres shamans hébergés dans le Donjon, le visiteur était attendu pour une heure pair.
Le tapis était tiré et effilé, les lumières avaient été changées pour des torches bleues pâles mystiques, un bataillon de larbin s'activait à donner sale gueule à nid d'aigle qui défiait les cieux, mais toujours pas de visiteur en vue pour la matinée. Et l'Overlord appréciait avant tout la ponctualité.
Hors, depuis plusieurs heures déjà, il attendait en vain à l'un des nombreux balcons gothiques encastrés dans la paroi rocheuse de l'Infernal Donjon, guettant le moindre visiteur malvenu de son arbalète, ayant déjà abattu ainsi deux aventuriers et une chouette, en plein dans l'oeil.
Il n'y avait donc personne à l'entrée de service délicieusement maléfique qui ne servait qu'au passage des contrebandiers et des vampires, et dont tout le monde se moquait royalement puisqu'elle donnait sur la partie la plus dévastée des landes dévastées : droit devant, aucune civilisation ne vous attendait, aucun oasis, autant dire que lorsqu'un ballon géant vint se cracher de ce côté, tout le monde faisait la bringue de l'autre côté.
Alors que le butoir claquait férocement sur la porte, arrachant quelques copeaux de rouille de sa lourde masse, deux petits êtres seulement étaient là pour l'entendre, deux larbins n'appréciant de toute évidence pas leur poste et se retrouvant à attendre dans la petite pièce qui servait à accueillir les marchandises, remplie à ras bord de caisses de tout genre qu'il ne fallait surtout pas ouvrir. Ces deux lascars étaient donc justement sur le point d'en ouvrir une, lorsqu'ils furent interrompus par ce qui ne pouvait être qu'un inspecteur.
Fétide, le plus malin des deux, eut le réflexe de grimper sur une lourde caisse pour observer l'importun, qui en était une, à travers un puit de lumière située non loin.
En levant la tête, Sue pouvait donc voir une trogne délicieusement maléfique s'extirper avec peine, ciseaux en bouche, à travers une ouverture dans la paroi. Devant lui, le temps de tirer son bras, une corde solidement nouée, tendue, reliée de nombreux mètres plus haut à...un piano. Classique et efficace.
Alors que le stratège s'apprêtait à faire de la purée de visiteur, Putride, le deuxième, cognait à son tour, de l'autre côté de la porte :
"Attendez encore un peu, je...chercher les clés ! Oui oui !"
Etait-ce la fin des aventures de Sue ?