[une bonne partie de cette réponse parle d’un sujet que je n’ai pas encore écrit, ni sur le forum ni dans mon plan [je n’ai même pas encore établi la création de Meisa, en fait], mais je crois que ce dernier piment donnera un bon coup de fouet à mon personnage]
Les paroles de Wallin n’étaient pas fausses; une maison était effectivement un lieu de souvenirs très chers. Mais le Roi ne ressentait pas un tel attachement pour quoi que ce soit en ce monde depuis bien longtemps. Mais il n’était pas non plus pressé de le ressentir; il savait que si Meisa tombait, il serait complètement anéanti. Il ne l’admettait pas facilement, mais Meisa n’était pas qu’une simple création qu’il avait montée pour protéger un peuple, il l’avait créée pour se donner un but, pour avoir quelque chose à quoi se raccrocher pendant ces longues années d’errance sans pouvoir gagner le repos promis. Si Meisa disparaissait, s’il n’avait plus un royaume sur lequel régner, s’il n’avait plus rien à protéger, que lui restait-il? Probablement rien. Et dans ce cas, voir Meisa disparaitre reviendrait à sentir que tous ses efforts, tous les moments passés auprès de ses gens… n’auraient plus aucune importance, et cela lui faisait mal, juste d’y penser. Il ne pouvait pas abandonner; Meisa était sa maison, il n’était chez lui nulle part ailleurs.
En entrant par la porte, le Roi se sentit étrange. Quelque chose, une fois la porte ouverte, semblait l’appeler à l’intérieur de la porte de fer. Ce n’était pas Josselin, ce n’était pas humain, ni mauvais. C’était comme… un souvenir. Une mémoire qui lui revenait, et qui le guidait. Il descendit les marches, ouvrant ainsi la marche, et pénétra dans le grand vestibule. La pièce était magnifique, et recelait nombres d’objets que le Roi n’aurait jamais soupçonné trouver un jour cachés sous la demeure d’un des habitants. Des défenses de mammouth, même une tête de dragon, quoi qu’il douta que Josselin exécuta seul cette créature, mais l’accomplissement restait là. Et parmi tous les objets, le Roi semblait intéressé par un seul; un petit pendentif doré. Dessus se trouvait un caractère de l’alphabet Ashansha, qui était l’équivalant du son « Sé ». Le monarque écarquilla les yeux, frappé d’une surprise impossible à masquer, et en lui se déchainaient plusieurs sentiments douloureux; de la nostalgie, de la colère et, étonnamment pour quelqu’un comme lui, même de la peine. Il s’approcha du pendentif, déposé sur un mannequin en forme de buste féminin sans tête, et le caressa avec une tendresse amoureuse. L’ouvrage n’était pas particulier, certainement fait par les mains d’un amateur, mais encore aujourd’hui, il se souvenait des sentiments qu’il avait inséré dans ce cadeau. Un cadeau qu’il avait voulu donner à une seule personne.
« Il y a près de cent vingt-ans… pendant mes premières années de règne, certaines personnes, des nobles venus de différentes contrées ayant rejoint l’Exode, avaient déclaré que je n’avais pas le sang suffisamment noble pour me prononcer Roi de Meisa, et rejetaient ma légitimité, me préférant un jeune prince inexpérimenté et surtout mal éduqué qui, selon moi, aurait fini par être un symbole sur le trône plus qu’un véritable monarque. Ces simples déclarations semblaient inoffensives, mais très vite, beaucoup de promesses de future richesse furent jetés à droite et à gauche pour rappeler des troupes et organiser une rébellion. Je ne voulais pas souiller Meisa du sang des insoumis, mais je refusais également de laisser mon trône. J’ai fabriqué ce pendentif pendant cette période, pour célébrer ma cinquième année de mariage et la venue de ma première héritière en tant que Roi. Pour le fabriquer, j’ai fait fondre la boucle d’or de la ceinture du Roi Jekhelv, et j’ai demandé à mon frère d’armes de m’aider. Malgré mon inexpérience, j’ai réussi un travail acceptable, qui serait la représentation de mes sentiments. »
Il prit doucement le pendentif entre ses doigts et il caressa doucement une petite bande d’or blanc, qui se mit à briller en révélant de petits symboles, une bénédiction dans la langue des Premiers Vivants, et lorsqu’il décrit un cercle complet autour de l’objet en suivant cette bande, un petit son de déclic se fit entendre, et le pendentif s’ouvrit, révélant son contenu; gravé à même l’or blanc figurait une représentation incroyablement précise du Roi, et dans ses bras se trouvait une personne que personne ne connaissait, une personne qui avait même été jusqu’à être effacée même de l’histoire de Meisa. Sur la photo se trouvait une très belle femme aux cheveux noirs, vêtue de blanc, et qui semblait sincèrement amoureuse. À ne pas en douter, ce n’était pas qu’une gravure; elle avait été produite par magie avec un souvenir comme origine.
« J’ai voulu lui offrir ce présent, mais le jour même de mon anniversaire de mariage, les Rebelles ont lancé leur coup d’état, et pour me porter un premier coup, ils m’ont arraché ce que j’avais de plus cher. Ma seule famille. Ils ont fait assassiner ma Reine et ma fille en elle en se servant d’agents infiltrés, avant de prendre d’assaut ma capitale. »
Il referma doucement le pendentif et le replaça sur le mannequin, le regard ravagé par la douleur et la tristesse que lui provoquait ce souvenir.
« Après avoir anéanti les rebelles, j’ai placé ce collier avec le corps de ma femme avant de la confier à l’océan. C’était le rite funéraire, à Corven. Je n’ai plus jamais revu cet objet depuis. »
Il aurait bien interrogé Josselin sur la provenance de cet objet, mais les morts étaient réputés pour emporter leurs secrets dans la tombe, et user de la nécromancie pour une raison aussi futile ne serait jamais assez justifiable à ses yeux. Il abandonna l’idée de rechercher la raison de la réapparition du pendentif, mais la magie noire qu’il avait ressentie sur l’objet l’inquiétait énormément. Il n’avait pourtant jamais fabriqué ce présent avec un cœur troublé, alors, pourquoi captait-il autant de noirceur sur le métal? Pour ainsi souiller un objet fabriqué d’amour pur, seuls quelques occurrences semblaient plausible, mais la plus probable, c’était celle d’une haine puissante et profonde, peut-être même une envie démesurée de blesser, de punir. En même temps, autant qu’il avait un grand nombre d’amis, le nombre toujours grandissant d’ennemis du Roi ne lui laissait aucun suspect précis. Seulement un pressentiment dérangeant qui lui tenait les tripes.
Sans crier gare, le Roi se sépara du groupe et s’engouffra dans le tunnel sous-terrain menant à la Crypte. Les ténèbres l’avalèrent subitement, l’arrachant à la vue de ses deux compagnons, alors que lui continuait de voir parfaitement malgré la noirceur. Le médaillon. Josselin n’était peut-être pas celui qui l’avait trouvé; quelqu’un savait qu’il tomberait sur cet objet et qu’il le conserverait, et l’avait donc placé sur sa route, quelqu’un qui avait l’entièreté de l’attention du mage et qui ne le craignait pas le moindrement. Et cette personne voulait que le Roi se présente devant elle. Mais si cette théorie était la bonne, le Roi ne la souhaitait pas. Il ne voulait pas que cette hypothèse soit véridique. Mais en même temps, une partie de lui souhaitait qu’elle le soit. Cette partie malsaine qui guidait les nécromanciens dans leur art maudit, ou poussait certains sorciers à s’immiscer beaucoup trop dans le monde astral, cette petite voix tourmentante dont le murmure incessant menait même la personne la plus terre-à-terre dans un monde de folie. La voix de la Perte.
«
Arrête! fit la voix d’Ehredna dans sa tête.
Retourne avec les autres! Tu t’exposes trop!-Ca m’est égal! Rugit le Roi à voix haute, sans tenir compte du fait qu’il pouvait être entendu. »
Rien ne pourrait l’arrêter avant qu’il ne soit fixé. Le couloir était plutôt long, mais le Roi trouva un nouvel escalier, suffisamment grand pour une seule personne. Sa tête heurta une surface en bois. Une trappe. Il la poussa légèrement, mais quelque chose de lourds se trouvait dessus. Il puisa alors dans sa puissance magique, et la concentra dans ses bras, comme il l’avait fait si souvent dans le passé... comme lorsqu’il a fait tomber la Tour Noire. Il posa sa main contre le bois et poussa une nouvelle fois, sans y mettre plus de force. Plutôt que de simplement user de la force brute, il se servit de ce contact pour altérer les lois de la gravité et l’objet encombrant se retrouva beaucoup plus léger. Il poussa la trappe et celle-ci s’ouvrit, alors qu’un bruit de pierre fracassée se faisait entendre. Ce qui se trouvait sur la porte venait de tomber et de se fracasser. Lorsqu’il sortit, il vit.
***
La Sorcière entendit la porte s’ouvrir derrière elle, ainsi que le bruit de la statue du Roi s’effondrer. Son cœur, noir comme le charbon, se mit à battre à toute vitesse, non pas de surprise, mais d’excitation. Il était enfin arrivé. Il était enfin près d’elle. Mais elle ne devait pas le laisser voir son visage. La vérité ne devait éclater qu’au bon moment pour réaliser un choc maximal. Elle rabaissa doucement la capuche de son manteau sur sa tête avant de se tourner et d’agripper son sceptre. L’objet la dépassait d’une bonne tête, mais cette relique qu’elle avait volée au Roi n’était pas un bâton de combat. À l’image d’Eglendal, à une plus petite échelle, il servait principalement de catalyseur et de source d’énergie pour celui qui la tenait. Elle savait qu’avec cette arme, elle n’avait rien à craindre de son ennemi; lui se trouvait à des kilomètres de sa source de pouvoir, alors qu’elle l’avait au creux de sa main.
Elle se tourna enfin vers lui, masquée par sa capuche, son bâton à la main et elle le regarda sous toutes ses coutures d’un bref coup d’œil. Malgré son air énervé, elle notait qu’il ne se laissait pas aller à l’imprudence et gardait tous ses sens à l’affut. C’était adorable, en un sens.
« Si j’avais un jour pensé que vous vous déplaceriez pour moi, sire…
-Ce ne fut pas facile de croire qu’une sorcière dans le monde actuel fut suffisamment maligne pour se glisser sur mon territoire sous mon nez. Mais j’ai eu plusieurs surprises ces deux derniers jours. Maintenant, dis-moi; qui es-tu et que veux-tu?
Il ne demandait pas vraiment de justification. Probablement parce qu’il se doutait qu’elle ne lui en offrirait aucune, et que de toute façon, ce n’était qu’une formalité; elle sentait en lui sa puissance se manifester très rapidement, se répandant dans tout son corps, il n’était pas vraiment là pour l’écouter, mais pour l’abattre. C’était donc un objectif qu’ils avaient en commun; mettre à mort leur opposant. Cependant, elle n’entendait pas le laisser se battre contre elle, du moins, pas à la loyale. Elle se contenta de claquer des doigts et aussitôt, le pouvoir du Roi lui glissa entre les mains, quittant son âme à la vitesse de la pensée. Cependant, cette soudaine dépossession de son pouvoir ne sembla pas l’affecter, puisqu’il fonça droit sur elle. Elle leva immédiatement une main et alors qu’elle lâchait une expiration sèche, le Roi sentit passer au travers de son corps une puissante onde de force, et plutôt que d’élancer vers son adversaire, la force contraire le fit décoller du sol et l’envoya heurter un des sarcophages. Il lâcha un cri de douleur en sentant son dos céder, puis subitement se remettre en place quand son don de régénération se réactiva. Le Roi se remit sur ses jambes et regarda la femme à la cagoule. Celle-ci le regardait toujours, placée au centre du Repos des Mages.
« Tu te demandes probablement comment j’ai réussi à te retirer ton pouvoir…
-Non. Je le sais. Parce que c’est moi qui t’a enseigné à le faire, pour te protéger de l’Ahedesha. »
Le Roi se releva et à son tour, il inspira, fermant les yeux, et au moment de les ouvrir, ceux-ci s’étaient déjà mis à briller d’une lumière dorée. Le Roi lâcha un rugissement et se libéra brutalement de l’emprise de son adversaire, agrippant immédiatement son Lien avec la magie, remontant jusqu’à elle à toute vitesse pour la heurter de sa puissance magique, ce qui la fit tituber comme une gifle au visage. Dès que ses pieds touchèrent le sol, il fondit sur elle comme sur une proie. Elle évita les griffes du Roi, mais celles-ci agrippèrent la capuche pour la faire tomber, dévoilant une jeune femme aux cheveux longs et noirs, qui lui tombaient sur le dos.
« Josselin le savait, soupira le Roi, en se redressant. C’était probablement pour cela qu’il savait que tu serais ici, que tu apporterais tes maléfices sur les terres où tes liens sont le plus fort. C’est pour cela qu’il ne m’a rien dit. »
Le monarque se retourna vers la jeune femme et prit un air attristé.
« La Dame Grise. La Première Reine de Meisa, Sol’Mariar Sérénité. »