Il se sent étrange, désormais qu'il n'a plus sa dague sur lui. Certes plus exposé au danger car il n'a plus d'arme pour se défendre, mais aussi comme sil est nu et offert à il ne sait quelle succube. Mais cette jeune femme n'a rien des guerriers qu'il a affrontés, et ne semble pas impatiente de se jeter sur lui pour quelques étreintes. Et, tout bien réfléchi, ce serait presque dommage...
« Bon, nous allons prendre le prochain bus alors... tenez vous tranquille cette fois... »
En plus, elle lui donne des ordres ! Ca doit être la dague qui lui donne cette audace, comme si son pouvoir lui avait été transféré. Le bus, c'est cette infâme boîte sur roues, où l'on est secoué, et où l'on vous regarde bizarrement.
« D'accord, mais si nous n'y restons pas trop longtemps. D'ailleurs, où m'emmenez-vous ? »
Voilà la première fois qu'il pose cette question. Il aurait déjà dû s'en inquiéter ! Ce n'est pas parce qu'une jolie guide, au profil très troublant, lui propose de lui montrer le chemin, qu'il ne doit pas savoir quelle chemin elle veut emprunter.
« Et si ce n'est pas indiscret... vous m'avez parlé de passer dans l'au delà ?... enfin vous m'avez dit que vous n'y arriviez pas ? Je ne comprend pas bien ce que vous voulez dire... »
Il n'y a pas à dire, la dague lui confère bien des audaces ! Mais, après tout, il a une histoire digne des plus belles légendes arthuriennes ; alors, autant l'exposer avec fierté...
« Eh bien voilà. A la fin du quinzième siècle, ma mère, de sang royal, a fauté avec le descendant de l'un des pires criminels, dont vous avez d'ailleurs la dague dans votre sac."
Il guette sa primo réaction, car il y est allé franco !
« J'ai donc en moi le bien et le mal, et parfois ça se déséquilibre. Alors, à chaque fois que je meurs, le Paradis ne me veut pas car je suis trop mauvais, et l'Enfer ne me veut pas car il reste trop de pureté en moi. »
Là, normalement, ses jolis yeux devraient s'arrondir davantage...
« Donc, même si je viole une femme ou si je tue un ennemi, je ne connaîtrai pas le Diable. Et, même si je fais œuvre de pauvreté et de charité, ou si je sauve une femme du danger, je n'irai pas voir Saint-Pierre. »
Elle devrait s'enfuir, si elle a peur. Mais pas question, elle a sa dague !
« Quand vous m'avez trouvé, la seule chose dont je me souvenais, c'était une femme aux longs cheveux blonds, dans une sublime robe de soirée, qui m'avait offert un verre. Mais, après, le néant, le trou noir, jusqu'à ce banc, là où tout le monde semble fou, à part vous peut-être. »
Reste à espérer qu'elle le reçoive comme un compliment...