Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

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Ireland's Call [PV]

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Yamagashi Hitomi

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Re : Ireland's Call [PV]

Réponse 15 lundi 25 juin 2012, 15:25:41

Mon refuge a disparu, effacé par un nouveau fantôme avec lequel je n'arrive pas à vivre. Je ne peux plus être dans cette maison sans voir le peu qu'il y a passé. Et dehors ce n'est pas mieux. Comme si les profondes marques de ses bras qui ont défoncé le goudron de la route abritaient des graines. Où que j'aille je sens leurs racines sous mes pieds. Même les choses que j'étais la seule à voir me fuient depuis cette nuit maudite. Plus de Leprechauns ou de fées aperçus du coin de l'œil dans la forêt. La Bean'Sidh des Finnegan ne pleure toujours pas. Même Mister Tic-Pic m'a abandonnée. Fini les petits signes discret, l'en-cas que je lui avais laissé en arrivant n'a fait que moisir. La maison est écrasée par la peine qui se terre au fond de moi. Jusque dans ses plus intimes recoins le monde est devenu terne à mes yeux. Ça veut peut-être dire que je suis enfin devenue adulte ?

En me réveillant je jette un œil par la fenêtre de ma chambre. Je n'ai pas mis les pieds au village depuis que Kyle m'a dit qu'il y allait. Comme tous les matins je guette, sans craindre ou espérer de le voir. Mais rien. Demain je repars à Seikusu, dans cette ville de merde qui aura fini par avoir ce qu'elle voulait. À force de s'acharner le Japon a bousillé ma vie, et le plus ironique c'est que l'homme qui a porté le coup de grâce n'est même pas Japonais. Je n'ai pas pleuré. À quoi bon ? Comme si mon cœur ne lui avait pas suffit Kyle a laissé son empreinte sur le monde entier, je ne peux ni le fuir ni m'en cacher. Et je n'imagine pas une façon dont il pourrait se présenter devant moi sans que je me défoule sur lui. Mais ça ne ferait que rallonger inutilement l'épilogue. Au moins, à Seikusu, il y aura quelqu'un pour me soutenir. Je vais sans doute encore en faire de toutes les couleurs à Gabriel, mais j'espère qu'il me le pardonnera. Ou au moins qu'il comprendra.

Je finis par sortir de ma chambre, les épaules voûtées, traînant les pieds. Direction la cuisine où je me force à sourire.

" Bonjour, maman.
- Bonjour, ma petite fée. "

Quand elle m'a trouvée seule sur le canapé en rentrant, elle a annulé ses vacances. Mes parents n'ont pas souvent l'occasion de se retrouver, et on les a privés de ce plaisir trop rare. Oui, "on". Je ne suis pas devenue mesquine au point de tout remettre sur le dos de Kyle. C'est moi qui l'ai amené ici. Vu comment ça s'est fini je ne suis pas près de me le pardonner. Au moins je ne craque pas comme ma mère le craint. Elle n'a pas besoin d'en parler, je le lis dans chacun de ses regards. Elle a peur que je sombre à nouveau. Je ne peux pas lui en vouloir de s'inquiéter, d'autant que ma petite poupée en robe noire ne me quitte quasiment plus. Je voudrais croire qu'elle m'aide, qu'elle absorbe le choc à ma place d'une façon ou d'une autre. Mais je sais très bien pourquoi je m'y accroche, en vain.

Au moins il ressort de cette histoire un peu de réconfort : le bon vieux irish breakfast, bien copieux, que ma mère me prépare chaque matin. Si je passais mon temps à me morfondre sur le canapé au lieu de sortir me balader, j'aurais déjà pris pas mal de kilos. Puisqu'il faut bien commencer quelque part je redécouvre tous les lieux de mon enfance. Les plages, des collines et les vallées, les champs d'herbe grasse parfois infestés de moutons, les forêts, les falaises... J'ai du mal à les reconnaître ces endroits, les gamins qui y jouent dans mes souvenirs, la jeunes femmes qui revenait en pèlerinage chaque année il n'y a pas si longtemps. Alors c'est comme ça que tous les autres voient le monde ? C'est ça que je devais découvrir pour comprendre ? Je trouve ça cher payé pour avoir échappé à cinq connards qui en voulaient à mon utérus défaillant.

J'ai largement eu le temps de me repasser tout le film depuis le début, des dizaines de fois. J'ai trouvé toutes les raisons qui lui ont donné cette fin, toutes les erreurs et tous les reproches. Comme je n'ai personne à qui les cracher je les laisse se tasser dans un coin.

" Tu as bien dormi ? "

Je hausse les épaules en attaquant mon petit déjeuner. Pas très Yamagashi d'attaquer la journée aux saucisses et au porridge. Mais je déprime, platement, alors je m'en fous.

" Tu veux encore du café ?
- Non merci. Ça va.
- Du jus d'orange ?
- Ça va, je te dis. Arrête de me couver, ça devient ridicule. "

Aussi ridicule que le reste, ni plus ni moins. Je soupire.

" Excuse-moi, maman. Je sais que tu t'inquiètes mais je vais bien.
- C'est pas grave. "

Je connais ma mère, je ne tiens pas d'elle que pour mes cheveux et ma poitrine. Elle souffre bien plus que moi de ce qui se passe. Un inconnu est venu jusque dans sa maison pour lui enlever sa fille, et ne lui laisser qu'une pâle copie qu'elle ne reconnaît pas. C'est bien la seule chose qui me fasse de la peine, le reste me met trop en colère. Je n'arrive pas à revenir vers elle, seulement à passer sur sa maladresse au moins aussi grande que la mienne.

" Tu sais, quand ton père et moi on s'est rencontrés : ça a été le coup de foudre.
- Je sais. "

Comme pour Kyle et moi, ce qui ne m'empêche pas de sourire un peu. Mes parents m'ont toujours raconté leur histoire comme un conte de fée, alors qu'il suffit de choisir d'autres mots pour en faire un drame.

" Mais ça a pas toujours été facile, surtout de son côté. On aurait sans doute pas tenu sans toi.
- Je comprends, c'est bon.
- On a quand même eu pas mal de problème, même quand on t'avait. Il a fallu qu'on se batte et qu'on aille se chercher à l'autre bout du monde.
- Maman, s'il te plaît...
- C'est pas perdu entre toi et ce garçon si...
- ARRÊTE ! "

Je me suis levée d'un bond pour lui hurler dessus. Mais une fraction de seconde la colère qui se lisait sur mon visage s'évapore. Je m'effondre sur mes deux jambes, incapable de retenir mes larmes ou de maîtriser ma voix sanglotante.

" T'es en train de... me dire que... si j'étais... "

Je détourne les yeux, mon regard désespéré le distingue plus rien dans la pièce. Une main tremblante devant ma bouche semble vouloir retenir ces mots qui me font aussi peur que mal. Si je n'étais pas née mes parents n'auraient pas tenu ensemble, leur belle histoire aurait fini comme la mienne. Alors si j'étais tombée enceinte, ou si j'en étais seulement capable...

" Ho non ! Mon dieu non ! Pardon, Hitomi ! Je voulais pas dire ça ! "

Elle est déjà près de moi, autour de moi. Je fonds en larmes sur son épaule en sanglotant des mots déformés. Ça y est, j'ai fini par craquer, je ne suis pas devenue aussi forte que je le croyais. Je me laisse submerger, déborder par le chagrin. Tout revient m'écraser, de la seconde où j'ai remarqué ce grand brun dans une classe que je ne voulais pas, à celles qui s'écoulent ce moment et le font mentir. Il m'avait promis de toujours revenir, envers et contre tout. Moi aussi je lui ai donné mon cœur.

J'arrive encore à me sentir coupable d'avoir une mère qui me tient dans ses bras, me caresse la tête et chuchote à mon oreille pour me rassurer. Je voudrais oublier tous les gens autour de moi qui n'ont pas, ou n'ont plus cette chance. Gabriel, Mélinda, Shii... Kyle. Surtout Kyle. Ils ne veulent pas sortir de ma tête, et la douleur ne fait que grandir. Heureusement que je craque ici, avec elle.

À Seikusu personne n'aurai pu m'aider à tenir sur mes jambes.


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