Le plus douloureux quand on sait qu'un de nos hommes de confiance nous trahira, ce n'est pas la trahison, c'est bien l'attente de savoir quand il nous trahira.
C'était ce que je vivais, depuis deux mois. Je n'en laissais rien paraître à mes hommes, laissant une image imperturbable de moi et ce, peu importe où j'allais. J'avais cependant peur de croiser un des miliciens de Belgrif, qu'il ait reçu l'ordre de m’éliminer et me saute dessus. Bon, je suis immortel, mais l'idée de retourner au fleuve des morts me déplaisait beaucoup…
Belgrif était devenu très puissant, connaissant ce terranide comme ma poche, je savais qu'il en voulait plus, que je lui aie donné trop de pouvoir et qu'il essaye de me tuer, tôt ou tard. J'avais décidé de me contenter de vendre les produits que lui et ses hommes me rapportaient, et chaque fois, il m'amenait des meilleurs produits et prenait cet argent pour faire grossir ses terres, son armée, il avait même formé une milice, réduisant à l'esclavage tous ceux qui s'opposaient à lui. Plus les jours s'écoulaient, plus ils prenaient du pouvoir à la royauté, et à moi. Beaucoup de mes généraux me disaient que je me devais de réagir... Mais la curiosité l'avait emporté, allait il me tuer de manière douce, ou violente?
Puis, comme à chaque semaine, nous avions un repas d'affaires. Entrant dans la maison, ou plutôt le manoir, de Belgrif, je me penchai vers ma sœur.
Reste de marbre, Belgrif va tenter de me tuer aujourd’hui, regarde l’absence de serviteurs, que des soldats…
Ouais, j’ai remarqué aussi…
Nous nous rendîmes alors vers la salle à manger, où nous attendait Belgrif, nous servant des verres de vin. D’un remerciement de la tête, je pris place à la table, suivit des deux autres, avant de commencer à discuter affaires avec le terranide. Depuis qu’il s’occupait de rapporter des esclaves, j’avais fait construire deux bâtiments de plus, qui étaient aussi pleins…
J’aime bien ce que tu fais, Belgrif, et on dirait que l’élève risque bientôt de surpasser le maître… Content que tu sois dans mon camp!... Cependant, arrêtes tes raids, ne serait-ce que pour une ou deux semaines, je ne vais pas commencer à construire deux nouveaux bâtiments par mois, je ne ferai plus de profits! Contente toi, pour les semaines à venir, de seulement coordonner les clients à défauts de paiement, et voir à la sécurité des esclaves ainsi qu’à la défense des bâtiments. Pour l’instant, je ne t’en demande pas plus. Tu as été utile, cette dernière année, même vital, mais être trop gourmand cause notre perte…
Mon père me répétait ça sans cesse cette phrase, enfin, ce n’était pas la phrase au complet, mais peu importe, c’était pas mal l’essentiel.
Après quelques minutes, un servant vint porter de la nourriture et nous commencèrent à manger. Comme à l’habitude du félin, la nourriture était irréprochable. Cependant, lorsque je pris une gorgée de vin, un drôle de goût me fit froncer les sourcils.
Je ne sais pas qui t’as vendu se vin, mon ami, mais fait le écarteler par tes miliciens au plus vite! C’est un vin beaucoup trop acide.
Ma sœur en prit alors une gorgée et, comme pour confirmer mes faits, grimaça un peu. Alors que Belgrif détourna le regard, nous échangeâmes les nôtres, alors que j’hochai la tête, un peu pour confirmer les peurs d’Inu. Retenant un petit sanglot, je vis alors une expression de tristesse et de peur énorme, retenant avec difficulté ses larmes.
Moi, qui n’avait nullement peur de la mort, car je savais très bien que Charon me laisserait repartir, ayant cependant de la compassion pour ma sœur, je feintais le fait que j’ignorais qu’il nous avait empoisonné, riant de ma plaisanterie, puis continuant à manger, même si je n’en avais plus l’appétit.
Soudain, brûlement d’estomac, nausée, fièvre se succédèrent. Tombant de ma chaise, je ne réussis pas à me lever, mes pieds étaient de plus en plus douloureux, mes mains aussi. Lentement mais sûrement, la douleur monta jusque dans mes jambes et mes bras, les paralysant complètement. Bientôt, je n’arrivais plus à respirer, mes poumons, contractés par le poison, refusaient de m’obéir. Seul mon cœur faisait encore ce pourquoi il était fait, mais faisant un peu trop un bon travail, il battait à une vitesse inouïe, laissant peu de place à l’espoir de survivre. J’avais remarqué que c’était la même chose pour ma sœur, car je pouvais encore entendre ses petits gémissements de douleur, devenant des soupirs, puis plus rien, ni pour elle, ni pour moi. La grande porte et le fleuve.
Charon! C’est lui qui a fait ça, hein?
La mort acquiesça.
Laisse moi partir avec ma sœur.
Cette fois, cependant, ce ne fût pas un oui que j’eus…
Occupes toi de lui…
Inu… Je t’aime
Puis la terre s’effrita sous les pieds de ma sœur… Elle me regarda, puis alla rejoindre mon père et mes frères dans le fleuve des âmes perdues.
Charon, laisse la avec mon père, et mes frères, j’aime mieux qu’elle passe l’éternité avec eux.
Ne t’inquiète pas. Cependant sache que remonter les marches des esprits n’est pas sans danger, ce sera de plus en plus dur à chaque fois que tu mourras
J’hochai la tête, puis posa le pied sur la première marche de l’escalier, alors qu’il apparaissait pour moi… Chaque pas était une douleur à mon âme, mais elle était supportable.