Dans les yeux de l'enfant. - Hiroshi Nijima

En tant que dirigeante de la grande famille Hua, Li devait administrer tous les comptes, entretenir les affaires, les relations, obtenir des nouveaux clients et broyer les autres. Ce n’était pas de tout repos et elle se devait d’être toujours attentive, les journées de la mafieuse étaient très longues et ses nuits courtes. Le repos c’est pour les morts comme aime bien déclarer sa mère quand elle va la voir. Du côté de son père c’est autre chose, Li éprouve une peur intérieure en sa présence, la peur du jugement, de la rage à son égard et surtout du châtiment.

Lors de ses derniers rapports, Li avait reçu des compliments gagnant des contrats juteux avec des hommes politiques autant de gauche que de droite, ici il n’y avait pas de favoris tant qu’on pouvait obtenir de l’argent sans difficulté. Malheureusement, aujourd’hui sur le livre de comptes de la patronne il y avait un manque, un lourd manque… Le nom d’un client très ancien qui rapportait considérablement avait disparu, c’était justement son père qui avait réussi à mettre en place ce contrat en se pliant en quatre, passant sur toutes les lubies de celui-ci. Le géant d’une boîte informatique avait investi chez les Hua dans la drogue et les femmes. Deux grandes passions qu’on ne pouvait pas lui débarrasser, Li faisait en sorte de toujours lui fournir le meilleur pour le satisfaire. Sauf, qu’au début du mois, il y a eu un petit accident qui a contraint l’homme à se retirer…

Li s’avançait vers les appartements de son père, ses talons claquaient sur les planches de bois du jardin, ses fesses ondulaient dans sa robe ajustée aux couleurs du soleil. La mafieuse avait pris le soin d’attacher ses cheveux avec des broches en or qui reflétaient la lumière naturelle. L’air extérieur était quelque peu suffocant, même avec la verdure aux alentours et pourtant Li préférait être là à attendre pendant des heures que de rentrer chez son paternel. Sauf qu'elle n’avait pas le choix, son père regardait tout ! En retraite, il ne l’était pas vraiment tant qu’il était en vie. Li s’arrêta devant la porte d’entrée, elle prit soin d’enlever ses escarpins avant de faire coulisser celle-ci pour rentrer.

- Père…

Les mains moites, Li les essuya sur sa robe faisant attention de ne pas faire choir sa mallette contenant le livre de comptes et son ordinateur. D’une voix plus énergique et assurée, elle reprit la parole.

- Papa, je suis là.

À son habitude, la réunion se déroulait dans le salon, Li y alla pour y découvrir son père sur son fauteuil. Même avec l’âge il était toujours bien entretenu, la mafieuse le soupçonne de faire encore du sport alors que le médecin lui a demandé de lever un peu le pied et profiter de sa retraite pour se détendre. Comparé à des anciens voûtés, avec la peau flasque, des problèmes articulaires. Père se tenait encore bien droit, les muscles de ses bras et de son torse se dessinaient sous sa veste, ses mains énormes si dures quand les punitions tombaient. Li, allait devoir la jouer astucieusement pour y échapper…

- Bonjour, papa.

La cheffe de famille ne savait pas si son paternel était au courant de cette aventure, pour l’heure elle décidait de ne pas lui en causer, se mettant à genoux pour s’agenouiller devant lui comme le ferait une croyante devant une statue de son dieu. Ses mains en cœur au-dessus de sa tête qui regardait le parquet, son dos droit pour aboutir à ses fesses moulées dans sa robe tendue vers l’arrière. Elle attendait le signe de son père pour se lever et entamer la réunion.

La retraite, dans son monde ce mot ne désignait pas grand-chose car on ne se retirait vraiment des affaires qu’une fois dans la tombe et malgré l’âge le vieil homme était bien loin de quitter la terre des hommes. Eiji Hua était assis dans son fauteuil en attendant sa fille, il était semblable à un empereur sur son trône, à ses pieds étaient couchés deux énormes tigres blancs qui se redressèrent quand les bruits de pas celle qu’il attendait se firent entendre. Le patriarche restait impassible et silencieux alors que Li entrait dans le salon pour faire son rapport habituel, il la regarda s’agenouiller et se prosterner devant lui.

Il resta silencieux sans bouger pendant cinq longues minutes qui devaient durer une éternité pour sa fille qui, elle le savait bien, n’avait pas intérêt de se redresser sans y avoir été inviter. Le patriarche était au courant de tout, on venait lui murmurer à l’oreille tout ce qu’il devait savoir sur la situation du clan mais il préférait l’entendre de la voix de sa fille. Il mis fin à l’attente :

« Bien, relève toi et raconte moi les nouvelles. »

Son ton ne laissait rien transparaître comme à son habitude, il était froid comme la pierre et n’attendait de sa fille que la vérité factuelle, sans mensonge et sans oublie. Il la laissa s’installer sans que lui ne bouge de son fauteuil, pour une réunion père-fille on ne pouvait pas dire que l’ambiance respirait la joie mais il était de la vieille école et il n’avait jamais été démonstratif, il laissait la faiblesse des sentiments à sa femme.

Pour lui, un chef se devait d’être fort et infaillible et quand il avait passé le relai à sa fille, il s’attendait à ce qu’elle soit aussi dur que lui.

Li resta dans la même position en face de son père de très interminables minutes, elle ne bougeait pas d’un cil, la tête constamment en direction du sol, son corps écrasé contre le sol à son maximal pour se rendre toute petite à côté du puissant. Il lui était déjà arrivé par le passé de faire ça, elle ne savait pas si c’était un début de punition ou seulement un caprice de sa part de voir sa fille à genoux devant lui. La mafieuse essayait de maintenir son calme, mais elle pouvait sentir de nouveau ses mains devenir moite, cette impression dérangeante à l’arrière de son crâne, son cœur sautait parfois des battements quand elle entendait son paternel bouger dans son fauteuil ou ses tigres changer de position. Et au bout de cinq minutes, il lui donna l’autorisation de se relever pour lui relater les nouvelles. C’était le moment…

Doucement, Li releva son buste pour se tenir droite sur ses genoux, ajustant une mèche de cheveux qui était tombée devant son visage.

- Merci papa. Nous allons débuter par les bonnes nouvelles, nous avons un nouveau client le patron d'une importante entreprise alimentaire, il se passionne pour les œuvres d’art, nous avons…

La mafieuse se lève pour chercher le livre de comptes pour le déposer sur les genoux de son père, de son côté elle prend son ordinateur pour ne rien omettre. Comme il n’y a pas de deuxième siège à côté de son père et qu’il est le seul à avoir un trône, Li se met à genoux juste à côté de lui. Entre les deux tigres, la mafieuse lui tourne le dos pour qu’il puisse avoir une vue sur l’écran d’ordinateur s’il le voulait, ne pas voir les expressions de son visage était éprouvant pour Li qui avait comme spécialité de percer les émotions. Elle devait juger à la voix pour ne pas faire des fausses notes.

Continuant l'avalanche des bonnes nouvelles, Li parlait des nouveaux clients, des contrats pas spécialement juteux mais en masse produisait une bonne somme surtout s’ils duraient dans le temps. Et maintenant la phase plus compliquée allait commencer…

- Dans les mauvaises nouvelles… Nous avons la perte de votre contrat avec Monsieur Yuzui…

La voix de Li descendait dans les graves.

- Vous savez comment il a été dur de négocier avec lui dans le passé, il en voulait toujours plus… Petit à petit, il voulait imposer son autorité dans notre famille. Et sa dernière lubie était de me demander en mariage. Il voulait s’unir à notre famille, prendre votre place de chef, père…

Li allait dans l'exagération pour dramatiser la situation, certes il l’avait demandé en mariage, mais son dessein était de pouvoir la grimper quand il le voulait. Li était une femme qui le faisait bander, il n’avait jamais eu l’occasion de l’avoir dans son lit obligé à passer ses vigueurs sur des pauvres prostituées qui n’avaient rien demander. L’épouser allait dans l’excès mais c’était le seul moyen qu’il avait trouvé pour pouvoir la fourrer nuit et jour.

- J’espère que vous allez me comprendre, papa. Je ne pouvais pas tolérer une pareille chose pour notre famille.