Silencieusement, Toshiro laissa la femme parler. Se pouvait-il que cette scène malencontreuse aboutisse sur quelque chose ? Le jeune homme était après tout un pervers. Oh, pas dans le sens où il matait discrètement des filles, les harcelait, ou se montrait obséquieux, mais... Clairement dans le sens où les valeurs morales sexuelles l’avaient toujours agacé. Il trouvait même cela dangereux, et il avait développé toute une théorie là-dessus. Alors, quand il entendit Miho dire, sans doute un peu dédaigneusement, que sa sœur ne pourrait pas mener cette vie éternellement, il haussa les épaules.
« Vous avez vraiment un raisonnement tout à fait différent, c’est fascinant... Mais... Désolé de te dire ça, mais je ne crois pas que ce soit elle qui soit la plus à plaindre. »
Il allait sans doute se lancer sur un terrain glissant, mais, après ce qu’ils venaient de faire, il ne pouvait plus faire marche arrière. Toshiro se pinça doucement les lèvres, observant Miho, avant d’expliquer sa position :
« Tu pars du principe que Kenja n’aime pas cette vie, mais... Objectivement, c’est elle qui mène une vie épanouie. Tu sais, elle pourrait avoir son propre studio, son propre appartement. Tu ne t’es jamais demandée pourquoi elle continue à vivre avec toi, Miho ? »
Question purement rhétorique, et il enchaîna ensuite, se retournant vers elle :
« Kenja tient à toi, Miho... Et elle sait que... Que le mariage... Enfin... Euh... Je sais que le mariage est sacré chez nous, c’est... Toutes les filles rêvent de se marier, et certaines organisent même des simulacres de mariage juste pour pouvoir avoir des photos d’elle en robe de mariée. Mais après ? Tu ne trouves pas ça triste, toi ? Pourquoi vivre uniquement au nom du devoir ? Et en quoi se marier est un quelconque de voir ? Les divorces sont rarissimes dans notre pays. Nous sommes encore des arriérés, Miho, sur le rôle des femmes, sur la place du mariage dans notre pays... J’envie les Occidentaux là-dedans. Ok, ils divorcent beaucoup, et ce n’est peut-être pas l’idéal pour les enfants, mais... Pourquoi continuer à vivre ensemble si on ne s’aime pas ? Juste pour les apparences ? Pour faire plaisir aux voisins et éviter les commérages ? »
Il secoua la tête. Il aurait encore pu parler comme ça pendant des heures, mais il s’efforça de se calmer, soucieux de ne pas non plus dépasser les bornes avec la jeune femme.
« Ce que tu dois comprendre, Miho, c’est que Kenja a choisi cette vie par opposition à la tienne. Elle a choisi de se concentrer sur le fait de vivre, de s’éclater, tandis que toi, si j’ai bien compris, tu as toujours été très sérieuse. Alors, tu peux considérer qu’elle a raté sa vie, oui... Mais elle est libre, au moins. Et ça, ça n’a pas de prix. »