« Elle est là, Monsieur. Elle est sous le choc, bien sûr. »
Nathan hocha lentement la tête, et se redressa, s’écartant de la scène de crime, retirant les gants en latex, ainsi que la charlotte et la combinaison blanche qu’il avait dû enfiler afin de ne pas contaminer la scène de crime. Dehors, il pleuvait, ce qui allait de concert avec l’atmosphère glauque et maussade qui régnait dans ce hangar situé le long de la gare de Seikusu. Au milieu de rails e tde trains de marchandise à l’arrêt, les cheminots avaient trouvé ce spectacle glauque, à six heures du matin, et avaient immédiatement averti leurs supérieurs et la police.
Il était sept heures et demi du matin, et Nathan avait pris plusieurs cafés pour se préparer, après avoir reçu plusieurs appels qui l’avaient arraché de sa nuit pour l’avertir que le Désosseur avait à nouveau frappé.
Au milieu des guerres de gangs, Seikusu avait aussi son lot de serial killers et de psychopathes, donnant parfois l’impression que Seikusu était la Chicago du Japon. 70 000 gangs sévissaient à Chicago, une ville ravagée par la criminalité organisée et les guerres de gangs, qui avaient transformé certaines parties de la ville, certains districts, en véritables no-man’s-land, comme dans tous ces polars noirs et ces films potentiellement uchroniques où, face à de beaux quartiers huppés, il y avait des quartiers désœuvrés, anachroniques... Et Chicago, c’était tout à fait ça. Des quartiers délabrés, avec des bâtiments datant d’avant-guerre, où la loi avait un impact virtuel. Détroit, Oackland, Baltimore, étaient autant de villes relativement similaires à Chicago. La criminalité organisée était terrible, et le Japon n’y faisait pas exception. Surtout à Seikusu, l’une des villes les plus ouvertes vers l’extérieur.
En attendant, le Désosseur avait fait une nouvelle victime.
Le Désosseur était le nom donné par les médias à un tueur en série qui sévissait maintenant depuis quelques semaines à Seikusu. On l’appelait aussi, au début, le « Cannibale », « l’Homme-Bête », la « Bête Humaine », mais c’était finalement « le Désosseur » qui avait fini par s’imposer. Le mode opératoire de ces crimes était particulièrement violent. La créature attaquait des corps, et semblait les dévorer, comme une sorte de bête enragée. On avait même cru, au début, à de simples chiens, mais la fréquence des attaques avait fini par écarter cette hypothèse, et ce surtout quand l’enquête avait, en reconstituant la mâchoire du monstre à l’aide des empreintes dentaires relevées sur les cadavres.
Ces expériences avaient permis de montrer que cette mâchoire était trop grosse pour appartenir à un loup, ou à un chien. C’était donc quelque chose d’humain, et Nathan, ainsi que d’autres agents, menaient l’enquête. Une enquête qui piétinait, et qui prenait maintenant un retentissement politique. La criminalité avait grimpé dans les rues de Seikusu, et, après l’épisode de la Duchesse, et les conflits entre Yakuzas et les Russes, le Maire était l’objet de multiples critiques émanant de l’opposition, et voulait qu’on arrête le Désosseur.
Il n’y avait aucun ordre logique dans les victimes du monstre. Il s’en prenait aux clochards, aux prostituées, tout simplement à n’importe quelle personne qui semblait croiser son passage. Le seul lien reliant tous ces meurtres était donc la particulière sauvagerie, et le côté surréaliste de l’enquête allait très probablement amener le SHIELD à devoir s’en rapprocher. En effet, les autopsies avaient permis de démontrer que les corps avaient été mangés sur place. Or, on avait mangé des organes, de la chair, en un laps de temps trop court pour un être humain. De plus, sur les scènes de crime, de nombreux poils avaient été trouvés, et appartenaient à une espèce de loup qui n’existait pas à Seikusu.
Le SHIELD, qui avait eu vent de cette affaire, était donc en train d’intervenir, car tout laissait entendre que ce tueur ne venait pas de ce monde, mais visiblement de Terra. Or, le temps était maintenant compté, car la dernière victime n’était pas n’importe qui. C’était un criminel russe, et il était mort sur un territoire appartenant aux Yakuzas. Nathan redoutait une escalade des choses.
Ce matin, toutefois, il y avait une bonne nouvelle, qui l’attendait dans la station de police la plus proche, que l’homme rejoignit : une jeune femme, qui avait été retrouvée par les policiers dans les alentours. Une adolescente nue, hagarde, qui avait été retrouvée dans un wagon, le long du train de marchandises qui démarrait dans l’entrepôt où le cadavre avait été retrouvé.
On avait donné à la femme une couverture, et des vêtements, ainsi qu’un chocolat chaud et à manger.
« Elle s’appelle Mori Amane, indiquait un policier en le guidant le long des couloirs. Elle a 18 ans, et elle est un peu perturbée.
- Elle vous a indiqué ce qu’elle faisait dans ce train ?
- Non. »
Nathan hocha lentement la tête. En début de matinée, le poste de police était déjà comblé, avec toute une série de cinglés nocturnes... Et Dieu sait que le Japon en avait. Le policier le guida jusqu’à une porte, et l’ouvrit.
On avait installé Mori dans un petit bureau, avec des posters, et Nathan sourit à la femme. Il ne portait pas un uniforme, mais des vêtements civils.
« Bonjour, Mori. Je m’appelle Nathan. Ça te dérange, si on parle un peu ? »