[FINI] « La nuit, tous les chats sont gris » [PV : Joana Zinaïda]

Suivant le conseil de la Chatte Noire, Jo ne tarda pas à se transformer en un petit oiseau et la suivit de près alors qu'elles couraient à travers la forêt. Peu de temps plus tard des coups de feu retentirent derrière elles, sans pour autant se rapprocher. Eux aussi allaient à pieds. Les deux femmes n'avaient plus le temps pour la diversion, ni pour se battre : elles ne pouvaient rien contre les balles, à part s'enfuir le plus rapidement possible.

Bientôt elles arrivèrent à un parking, et Joana abandonna sa complice pour s'envoler plus haut dans les airs. Beaucoup moins dangereux dans le sens où ils ne risquaient pas de l'avoir repérée, loin d'imaginer qu'un chat, un serpent, un oiseau et une jeune femme rousse étaient une seule et unique créature.

Bientôt Jo opta pour un immense aigle qui s'envola très haut dans le ciel, sans pour autant se détacher de la course poursuite qui s'était engagée plus bas. Elle ne pouvait pas non plus abandonner son ancienne complice, et voulait ardemment savoir ce qui allait lui arriver. Agir si les choses se complexifiaient. Elle n'avait pas encore trouvé comment, mais il y aurait certainement quelque chose qu'elle pouvait faire, si cela ne la mettait pas trop en danger.

On comptait trois longues voitures blindées et aux vitres cendrées s'élancer à la poursuite de la bécane qui s'enfuyait, toujours pus rapide, entre les autres voitures de la circulation, klaxonnant et s’écartant sur leur passage . Un énorme bouchon commença à se créer, la fusillade retentissant dans les rues. Puis, sans prévenir, la bécane prit un virage particulièrement serré et pénétra dans une ruelle si étroite que ses poursuivants ne pouvaient plus continuer sans abandonner leurs voitures.

Peut-être la Chatte Noire s'était-elle sauvée de leur course-poursuite ? A moins que cette ruelle ne débouche sur un endroit plus vaste encore où l'attendraient ses poursuivants ?

Si c'était le cas, Jo pourrait bien la prévenir.

L'oiseau attendit de voir la réaction des poursuivants pour agir.

Félicia ignorait si cette mystérieuse femme capable de se transformer en animal l’avait suivi. Si elle était intelligente, elle n’avait aucune raison de le faire, car elle avait obtenu ce qu’elle voulait, et ce de justesse. La Chatte Noire filait le long des rues de campagne, rejoignant rapidement Seikusu. Elle s’enfonça dans la forêt entourant la ville. Les voitures la poursuivaient rapidement, mais elle avait l’avantage dans les virages. La Chatte Noire pouvait plus facilement les aborder, sans trop freiner, contrairement aux solides voitures. Elle entendait les moteurs rugir. Le convoi passa assez rapidement dans la forêt, pour rejoindre Seikusu par plusieurs tunnels permettant de pénétrer directement dans la ville. Slalomant à gauche et à droite, Félicia évitait les voitures et les camions, et rejoignit un grand boulevard très lumineux. Les voitures continuaient à la poursuivre, et la Chatte Noire regarda dans son rétroviseur. Les voitures continuaient à la traquer, et elle vit également des motards débarquer. Ils étaient plus rapides que les voitures, et chaque moto se composait d’un pilote et d’un copilote, le copilote ayant un pistolet-mitrailleur. Les Uzis canardaient, mais avec très peu de chances de l’atteindre. Félicia s’élança le long du grand boulevard, et fila sur la gauche, laissant des traînées de pneus sur le sol, puis fila à nouveau, remontant une rue en sens interdit.

*La vache, ils ont une dent contre moi !*

La Chatte Noire partit sur la droite en arrivant de l’autre côté de la rue. Les trois berlines venaient à nouveau de la rejoindre, et des trappes s’ouvrirent à hauteur des toits, livrant passage à des hommes armés de mitraillettes. Plusieurs balles filèrent juste à côté de la moto, et Félicia recommença à zigzaguer. Elle fila en plein milieu d’un carrefour bondé, amenant un bus des transports publics à piler brutalement. Il heurta l’une des trois voitures, celle à l’arrière, amenant le véhicule à partir en vrille, et à faire une série de tonneaux, avant de se heurter à un camion de marchandise. La voiture noire explosa brutalement, répandant un chapelet de flammes.

Le chaos se déchaînait autour de la Chatte Noire, qui continua sa course, et fila sur la gauche, rejoignant une rue plus étroite, une rue piétonne avec des escaliers publics. Elle les descendit avec sa moto, les berlines s’arrêtant à l’entrée de cette rue.

« On la tient, c’est une impasse ! s’exclama l’un des Japonais.
 -  On se dépêche ! »

Félicia arrêta sa moto dans une sorte de place publique avec une fontaine, plusieur bancs devant, et quelques parterres. Elle était en fait dans une place cernée par de multiples immeubles, et entendait les bruits de pas précipités des Yakuzas. Regardant autour d’elle, la Chatte Noire chercha une piste pour fuir, et les Yakuzas dévalèrent les marches, puis lui tirèrent dessus, de loin. La femme courut rapidement, et longea un immeuble. Elle fila le long d’une petite promenade dallée serpentant entre les immeubles pour rejoindre un gros mur séparant la résidence de la rue., et approcha de l’entrée arrière de l’un des immeubles. La porte était éclairée par un lampadaire fixé contre le mur, et Félicia prit son élan, puis bondit.

Elle atterrit à pieds joints sur ce lampadaire et s’en servit pour rebondir gracieusement, et ainsi se poser sur un balcon. Rapidement, elle se coucha sur le balcon, et vit, en contrebas, les Yakuzas arriver.

« Merde, elle est où ?!
 -  Elle a pas pu filer comme ça ! »

L’un des Yakuzas s’approcha de la porte, et constata qu’elle était fermée. Pour l’heure, le plus important était de ne pas se faire repérer, et Félicia, en conséquence, restait aussi silencieuse qu’une ombre. Les Yakuzas finirent par s’écarter, et elle se redressa lentement, choisissant de rester sur le balcon... Puis se retourna subitement. Bouche bée, un petit garçon la regardait depuis le salon, tenant dans sa main une glace qu’il était venu chercher à la cuisine, juste à côté. Une porte entrouverte sur la gauche, au sein de l’appartement, diffusait la lueur bleuâtre caractéristique d’un reflet d’écran télévisé. Félicia lui fit un clin d’œil, puis lui souffla un baiser avec ses lèvres, et descendit en contrebas, se réceptionnant sur l’herbe.

*Les vilains chiens sont partis, la chatte est sauvée...*

Ou presque. Car il lui fallait encore récupérer sa moto. Cependant, elle avait avec elle l’avantage de la surprise, ce dont elle espérait bien profiter.

Ses larges ailes d'aigle l'emmenaient rapidement, et sa vue perçante suivait avec intérêt la course poursuite qui agitait les rues de la ville. L'aigle descendit rapidement, afin de vérifier si la femme avait bien réussit à s'en aller. Bientôt elle put aisément distinguer la fine silhouette de la Chatte Noire se faufiler avec rapidité et adresse dans les ruelles de ce quartier, courant encore et encore, plusieurs hommes élancés à sa poursuite. Qu'elle n'ai pas été touchée par les balles que les mafieux lui envoyaient relevait du miracle, selon Joana. Pourtant, toujours plus rapide, l'inconnue – car elle ne connaissait même pas son nom – finit par s'échapper.

Arrivée dans un cul-de-sac où il aurait été normalement impossible qu'elle s'en sorte, elle tourna la tête à droite et à gauche avant de repérer un haut lampadaire qui atteignait presque le balcon du premier étage de l'immeuble qui la cernait.

Elle ne fut pas lente à escalader avec adresse le-dit lampadaire et à se glisser sur le balcon.

Joana n'en vit pas vraiment plus, préférant ne pas se risquer à intégrer le lieu où se déroulait l'action alors que cela aurait été, en plus d'être dangereux, totalement inutile. Elle tournoya donc un peu, sans quitter du regard le lieu, pour confirmer ce qu'elle savait déjà : les poursuivants, croyant tomber sur un magnifique femme en moulants noirs, aux aguets, couteaux en mains, débouchèrent sur un cul-de-sac sac vide et calme. Sûrement se dirent-ils alors que leur carrière dans la mafia venait à l'instant de s'écrouler sous cette défaite, mais ce n'était pas ce qui intéressait la changeforme. Son alliée de cambriolage plus ou moins raté s'en était sortie saine et sauve, et le clan de Toshirō ferait des enquêtes poussées pour découvrir qui se cachait derrière le masque que la jeune femme portait et la chevelure rousse de la métamorphe.

Quoi qu'il en soit, elle n'avait plus rien à faire d'intéressant dans les airs. Certes, elle aurait pu continuer son manège bien des heures, se penchant sur d'autres formidables endroits de la ville, observant sans relâche, engendrant des connaissances qu'on aurait pu qualifier d'inutiles. Comme par exemple connaître les heures d'ouverture de la boulangerie Le Fournil, ainsi que l'heure habituelle d'arrivée du serveur dénommé Maxime qui ne manquait jamais de débarquer en retard.

Mais elle était assez fatiguée pour aujourd'hui.

L'aigle continua sa voltige, lançant un dernier regard aux immeubles en se demandant où allait se diriger cette mystérieuse femme, et si leurs chemins se croiseraient de nouveau, dans un futur plus ou moins proche.