La Fédération Spatiale de Thallom était une vaste corporation commerciale, dont le pouvoir était tel qu’elle contrôlait de nombreuses planètes officiellement souveraines. Cette fédération regroupait un vaste ensemble de banques galactiques et d’entreprises coloniales, spécialisées dans l’extraction de ressources minières et/ou agricoles sur des planètes invivables. La Fédération était le groupe qu’Ulrik cherchait à éviter, ce qui l’amenait à devoir s’éloigner des grandes routes de commerce, où les patrouilles de la Fédération étaient fréquentes. Il pilotait un vaisseau usagé et hors d’âge, un vieux coucou dont le générateur était endommagé. Les boucliers tenaient le coup, ainsi que le système d’hyperpropulsion, mais l’ensemble n’était pas terrible. Le contrat était en soi relativement simple : Ulrik devait se rendre sur une colonie, afin de récupérer du matériel dans ce vaisseau, et l’amener ensuite à ses clients, sur une autre planète, pour y toucher sa paye. Pour autant, les risques étaient forts, car la Fédération n’aimait guère le marché noir. Ainsi, de nombreux satellites de surveillance étaient positionnés dans son espace, ainsi que de nombreuses patrouilles. Si Ulrik tombait sur eux, il aurait bien du mal à leur dire qu’il n’était qu’un simple touriste.
*
Quelle merde ! Si j’aurais su que je devais piloter un engin aussi merdique, je serais tranquillement resté chez moi !*
L’appareil tremblait dangereusement. Ulrik était en hyperpropulsion, ce qui revenait à dire que son vaisseau filait bien au-delà de la vitesse de la lumière. Les boucliers, indispensables, permettaient de maintenir l’intégrité du vaisseau, mais ils étaient en train de souffrir, et l’ordinateur de bord émettait quelques signalements, avertissant Ulrik que tout ne fonctionnait pas très bien, et que le générateur allait rendre l’âme d’ici quelques minutes. En catastrophe, l’homme essayait de calculer un endroit où arrêter le vaisseau, le temps de réparer le générateur, mais il n’était jamais spécialement recommandé de s’arrêter sans savoir où. On pouvait en effet atterrir sur une planète, dans un champ d’astéroïdes, etc... Ce n’était pas spécialement l’endroit rêvé pour faire des réparations d’urgence, mais ce n’était pas comme si Ulrik avait le choix.
Le vaisseau était en danger, et un voyant l’avertissait que la coque risquait de se rompre. Ulrik n’hésita dès lors plus, et coupa l’hyperpropulsion. Les vibrations cessèrent, alors que l’espace commençait à se former devant ses yeux. Il y eut des tremblements violents, et il atterrit au milieu de nulle part. Aucune planète, rien d’autre que des étoiles à perte de vue sur un fond noirâtre... Et quelques constellations visibles, au loin, dégageant une forte couleur orangée. L’appareil était en train de gémir, et, alors qu’Ulrik se mettait à soupirer, d’autres voyants se mirent en marche, l’avertissant que l’appareil était inexplorablement attiré par une sorte de source gravitique.
«
Ah putain, une saloperie de trou noir ! »
Il essaya d’enclencher les moteurs, mais c’était complètement inutile. On l’avertissait que le vaisseau déviait de sa trajectoire, filant vers une sorte de vide noirâtre. Un trou noir n’avait en soi aucune forme, et la meilleure manière de le visualiser était de s’imaginer une sorte de vortex noirâtre avalant tout. Mais celui-là... Celui-là n’était pas vide, mais attirait malgré tout le vaisseau. Ulrik, qui avait tout de même quelques connaissances spatiales, identifia un
trou de ver, ces espèces de passerelles permettant un déplacement extrêmement rapide d’un point à l’autre de l’Univers. Le vaisseau s’enfonça dans le trou de ver, se mettant à trembler, tandis que les alarmes hurlaient dans les oreilles d’Ulrik. Si un trou noir constituait un champ gravitationnel écrasant, un trou de ver était légèrement différent. Cependant, les chances de survie de l’homme avoisinaient le néant. Son vaisseau risquait en effet d’exploser en mille morceaux, ou d’apparaître au milieu de nulle part, s’il parvenait à sortir indemne d’un tel endroit.
Pour essayer d’améliorer ses chances, et malgré le risque qu’une telle action représentait, Ulrik enclencha l’hyperpropulsion. Le contrecoup eut pour effet de le sonner, tandis que le vaisseau arriva dans une autre partie de l’Univers, dans un endroit qui n’était pas répertorié dans les cartes stellaires datées de l’homme. Le vaisseau filait à la dérive, jusqu’à ce que ses générateurs s’éteignent. Par mesure d’urgence, le vaisseau retourna en vitesse subliminique, et échoua près d’une planète bleue, frôlant de peu un satellite.
Une alarme résonnait dans les oreilles d’Ulrik, ce qui permit à ce dernier d’émerger progressivement de son sommeil.
«
Mais qu’est-ce que... ?! Oh merde !! »
Le vaisseau était en train de brûler, descendant dans l’atmosphère d’une planète inconnue. Tout se mit à vibrer dangereusement, les alarmes rugissaient, et Ulrik se mit à serrer des dents en essayant de guider le vaisseau. La carlingue tremblait dans tous les sens, se fissurait de partout, alors que le vaisseau pénétrait dans l’atmosphère terrestre. Tout était rouge autour de lui, la vitre se craquelait et se fissurait de partout, alors que l’homme avait mal partout. Ses muscles lui faisaient mal, et il serrait les dents.
Ce fut ainsi que le vaisseau ravagé se mit à tomber comme une pierre droit vers une ville japonaise installée près de la côte. Il perdit en chemin plusieurs morceaux qui se dispersèrent dans l’Océan Pacifique, tandis que le cockpit tombait à toute allure. Dans la chute, Ulrik fut partiellement soulagé de reconnaître, en contrebas, des habitations, signe qu’il n’avait pas atterri sur une planète aride, mais, vu la vitesse à laquelle le vaisseau tombait, il n’aurait peut-être pas l’occasion de profiter très longtemps de sa survie.
Il tombait à pic, et réussit à déclencher un système d’urgence en abaissant un levier, ce qui libéra quatre parachutes, l’idée étant de ralentir la chute du vaisseau. L’un des parachutes explosa instantanément, l’autre s’enflamma, et les deux autres ralentirent très légèrement le vaisseau. Il ne s’écrasa pas au cœur de la ville, mais dans la forêt, tombant comme un astéroïde au milieu d’une forêt, fauchant plusieurs arbres, en dégageant une épaisse fumée.