Les deux femmes avaient baisé comme des folles furieuses. Ouais, Mélinda le reconnaissait, elle s’était pas mal déchirée, pour le coup. Oh, certes, elle aimait bien le sexe extrême, et elle n’allait pas jouer la fausse prude, en prétendant que ce qui s’était passé ici avait dépassé ce qu’elle avait envisagé… Mais là, putain… Ah, ça avait été clairement intense ! Pour une première fois… Woow.. Mélinda accusait encore clairement le coup, et son corps se frottait tendrement contre celui de Vanillia. Elles étaient dans l’après-séance, comme après avoir vu un bon film… Non, plutôt un excellent film, le chef-d’œuvre inattendu, l’outsider qui vous clouait sur place comme si un trente-six tonnes venait de vous passer dessus. Et, après ça, on ne savait pas quoi dire. Il y avait eu un trop-plein d’émotions à digérer, et Mélinda était dans cet état. Pendant quelques minutes, la si loquace et si prolixe vampire, qui avait toujours le bon mot et le sens de la formule, ne trouvait absolument rien à dire, si ce n’est l’envie de savourer ce moment. Son phallus caressait celui de Vanillia, leurs corps spongieux, recouverts de leur foutre respectif, se frottaient tendrement. Elle s’était enlacée contre Vanillia, lui offrant un tendre baiser. Elles étaient plus que jamais sur la même longueur d’onde, et Mélinda n’arrivait pas à se détacher du corps chaud et tendre de Vanillia.
Quand on disait les vampires froids et égocentriques, on n’avait pas tort… Mais on pouvait dire la même chose des humains. Il fallait de tout en toutes choses, et, en ce domaine comme en tant d’autres, un vampire ne saurait se résumer à un seul et réducteur trait de caractère. Mélinda était égocentrique, oui. Orgueilleuse ? Arrogante ? Narcissique ? Assurément. Elle ne pourrait le nier, et ne pouvait que le confirmer. Elle avait sauvé l’entreprise familiale d’une fin programmée, elle avait sauvé ses esclaves, avait même réussi, comble du culot, à faire peser les choses. Sa méthode avait fait des émules, car les esclavagistes avaient réalisé qu’il était peut-être plus utile, sur le long terme, d’avoir des esclaves aimants, et de diminuer les coups de fouet. Elle, l’anti-esclavagiste, l’ancienne esclave torturée, humiliée et violée, était devenue l’égérie d’un système qu’elle haïssait profondément. Une femme nuancée et complexe, l’ennemi de l’intérieur. Plutôt que de se lancer bêtement dans une campagne contre l’esclavage, elle était rentrée dans les rouages du système, afin de détruire le système de l’intérieur, en en embellissant les poings positifs, et en en atténuant les points négatifs. Sa vie était une réussite sociale et sexuelle… Mais elle était comme ces puissants chefs d’État, comme l’Empereur d’Ashnard. Elle était seule sur son trône, seule et solitaire… Et, si elle pouvait donner le change en jour, face aux autres, le soir, quand elle était seule face à elle-même, quand, dans son sommeil trouble, elle venait se défier elle-même, elle ne pouvait plus se défiler. Plus de mensonges. Plus de faux-semblants, plus d’apparences, plus de tromperies, et plus de dissimulations. Là, Mélinda affrontait l’échec de la vie : son héritage. Le harem Warren n’était pas une entreprise familiale, c’était une entreprise personnelle, conçue, pensée, et développée autour de sa personne. Si elle mourrait, l’entreprise disparaîtrait. Même en étant vampire, elle n’était pas immortelle. Nul être ne pouvait surmonter la Mort. Alors, voilà… Mélinda savait qu’elle allait devoir faire quelque chose contre ça.
Et Vanillia serait sa première pierre.
La belle vampire parla la première, et Mélinda fut aussi muette qu’une statue grecque. Elle ne dit rien, et sentit son cœur se pincer quand Vanillia, de ses belles, de ses magnifiques lèvres, souffla les mots… Ces fameux mots magiques. Mélinda savait très bien ce qu’elle voulait dire, et, même si Vanillia s’évertua à le préciser, la vampire l’écouta. Elle termina en se blottissant contre elle, et le silence répondit à sa litanie… Un silence méditatif, un silence contemplatif, un silence qui était plus parlant que mille mots prononcés à la hâte… Car, quand les choses devenaient sérieuses, il ne fallait pas se hâter. Et ça, Mélinda le savait mieux que personne.
« J’ai aimé quelqu’un, une fois… Une femme. »
Son nom dansait encore dans l’esprit de Mélinda, revenant de temps en temps, dans les jours sombres. Son visage pencha vers le bas, et elle croisa le regard de Vanillia… Mais, cette fois-ci, elle ne l’embrassa pas.
« Je lui avais proposé de devenir une vampire… Car elle était une simple humaine. Mais… Les choses ne se sont pas très bien passées. Elle… Elle a rejeté mon offre, et, depuis lors, je ne l’ai plus jamais revu. »
Aux dernières nouvelles, Hitomi avait été mutée ailleurs… Ou elle était peut-être morte. Pour le peu que ça lui importait, maintenant… Mélinda avait fait son deuil de cette femme. Elle croisa le regard de Vanillia, et s’humecta les lèvres, réfléchissant à ce qu’elle allait dire.
« Depuis lors, je me suis plus promise de ne plus jamais aimer d’humains… On ne peut pas leur faire confiance. Le caractère éphémère de leur existence les rend instables par nature… Mais toi, Vanillia, toi… Toi, tu es… Tu es comme moi. Ça, je m’en suis rendue compte dès que je t’ai vue… Je n’ai jamais cru au coup de foudre, pourtant. Mais, dès que je t’ai vue, et notre nuit l’a confirmé, j’ai su qu’il y avait… Quelque chose de spécial à notre sujet. »
Elle lui sourit alors, et vint frotter son nez contre son visage.
« Je te veux, Vanillia… Je veux que tu sois la première femme qui m’accompagnera pour fonder mon clan… »
Sa bouche se rapprocha ensuite de son oreille, et elle termina sa déclaration :
« …Parce que, pour mon malheur, et pour mon plus grand bonheur, j’en ai acquis l’intime conviction… »
Elle déglutit alors. Quelques secondes de silence, comme si la note finale était suspendue au bout des doigts du pianiste…
« Je t’aime. »