Sarkesh, son Maître s'était montré très clair quant à la mission qui l'attendait et ses conditions. Elle devait lui trouver des individus pourvu de magie, des êtres auxquels il pouvait aspirer les capacités et ainsi les posséder. C'était ainsi qu'il fonctionnait. Voilà peu de temps qu'il avait décidé de lui confier ce genre de tâche. Elle s'était montrée obéissante, loyale et fidèle. Car ce jour où son village avait été détruit et ses habitants tous massacrés, elle avait été la seule à en réchapper. Non, en fait, elle devait sa vie à son Maître. Sans son secours, elle serait morte elle aussi. C'était la raison pour laquelle, elle avait accepté sa servitude avec autant de facilité. Certes, elle aurait préféré être libre, mais sa vie avait un prix, et elle paierait sa dette éternellement à Sarkesh, quoi qu'il lui en coûte. Kahera lui était entièrement dévouée et aujourd'hui, pour sa première mission elle ne voulait pas le décevoir.
Elle n'était pas entièrement libre lors de ses déplacements. Tout d'abord, ne jamais se détourner de sa mission, parler avec le minimum de personne possible, peu de contact. Seule la mission comptait. Et surtout, ne pas trop s'éloigner. Cela ne paraissait pas si compliqué de prime abord.
Kahera se rendit dans la région des Contrées du Chaos, dans une ville nommée Gastmere. Elle savait peu de chose au sujet de cet endroit, mais cela n'avait pas réellement d'importance.
Pour plus de discrétion, la jeune femme était enveloppée dans une longue cape noire. Si ses cornes ne l'en avaient pas empêchée, elle aurait sans doute ajouté une capuche, mais tant pis. Elle était suffisamment discrète pour ne pas se faire remarquer malgré tout.
C'était jours de marcher. La jeune terranide avançait lentement, mais sûrement, slalomant entre les chariots remplis de fruits, de légumes, de cotons, et même de pierres taillées venant de la carrière plus loin. Il y avait beaucoup de monde, une aubaine pour elle. Ses yeux semblaient partout, elle avait un don d'observation hors du commun, et rien ne semblait lui échapper. Elle avait enfilé
une tenue sombre et légère lui permettant de voyager confortablement, et se fondait plutôt bien dans la masse.
A priori, un magicien avait élu domicile ici, mais elle ne savait pas grand chose à son sujet. Elle se rendit donc dans un lieu particulièrement intéressant lorsque l'on recherchait des informations ou des rumeurs : la taverne. Au beau milieu de la place du marché, elle la remarqua grâce à son enseigne : "La Chopine de Pierre". Une fois certaine de ne pas être suivie, elle y pénétra. Bien entendu la salle était comble. Elle s'adressa directement au patron, qui lui expliqua que l'homme en question, un dénommé Eustache Courtois, vivait dans une petite rue non loin. Parfait.
Elle sortit de l'établissement, non sans devoir éviter lestement quelques ivrognes mal peignés. Elle attendit que la nuit soit sur le point de tomber, profitant entre temps du marcher. Une fois l'heure arrivée, elle suivit les indications du tavernier à la lettre et ne tarda pas à se retrouver devant une lourde porte en bois. Elle inspira un grand coup, et frappa trois fois. Au bout de quelques secondes, comme personne ne venait, elle réitéra son geste, espérant qu'il soit chez lui et qu'elle n'ait pas à guetter son retour toute la nuit. Enfin, la porte s'ouvrit sur
un homme à l'air plutôt aimable et... courtois. Comme l'indiquait son nom. Mais il semblait nerveux.
- Heu... oui ? Puis-je vous aider ?- J'aurais besoin de votre aide. Je viens de loin... puis-je entrer ?L'homme sembla hésiter et regarda de droite à gauche dans la rue. Il était prudent. Mais au visage avenant et doux de la terranide, il finit par sourire te l'inviter à entrer chez lui. Il s'excusa du bazar qui régnait ici. En effet, il y avait des feuilles et des parchemins dans tous les sens, recouvrant le sol ou s'entassant sur des meubles. Il y avait également beaucoup de livres, très gros pour la plupart, éparpillés de-ci de-là, vomissant leur page comme de vieux cadavres agonisants.
L'homme repoussa les affaires sur la table principale et lui annonça qu'il allait faire du thé. Elle accepta d'un signe de tête tandis qu'il disparaissait dans une petite cuisine. Lorsqu'il réapparut, elle se tenait sagement assise sur une chaise. Ils prirent le thé ensemble, elle lui raconta une histoire incroyable, prétextant avoir besoin de sa magie pour aider un proche. L'homme l'écoutait et semblait plutôt d'accord pour la suivre, ajoutant qu'il voulait justement quitter la ville. C'est alors qu'on frappa à la porte. Le magicien se crispa, puis finit par se lever, s'excusant, et alla ouvrir.
Kahera sursauta lorsque la porte s'ouvrit avec violence et balaya le pauvre homme, l'envoyant s'étaler sur le sol. Trois hommes entrèrent, donc le plus grand et le plus baraqué, le visage traversé d'une immonde cicatrice, devait être le chef. Il ricana et s'approcha d'Eustache avec ses deux compères.
- Alors Eustache, il me semble que nous avions rendez-vous n'est-ce pas ? Tu me dois toujours du fric !- Je... je vous en prie... ne me faites pas de mal... je voulais venir, mais, mais...Le pauvre homme tremblait comme une feuille. Kahera ne pouvait s'empêcher d'éprouver de la pitié pour lui. Elle se leva doucement de sa chaise, et le bandit se rendit alors compte de sa présence. Il l'observa de bas en haut, et fronça les sourcils.
- T'es qui, toi ?Comme elle ne répondait pas, il beugla de nouveau sa question, puis fit signe à ses deux acolytes de s'occuper d'elle. Seulement voilà, elle était beaucoup plus rapide. Elle n'eut aucun mal à éviter leurs grosses paluches et à se glisser entre eux pour se lancer en direction du Magicien. Il fallait qu'elle le tire de là. Non seulement parce qu'il ne méritait pas de mourir, mais aussi parce que son Maître avait besoin de ses pouvoirs. Elle devait terminer la mission. Arrivée au niveau du sale type, elle envoya son genoux se loger violemment contre ses bijoux de famille. Puis, sans perdre de temps, elle agrippa le magicien par le bras et le força à se lever, l'entraînant dehors.
- M... mais... que faîtes-vous ? S'écria Eustache.
- Je sauve votre peau ! J'ai encore besoin de vous. Allez, ne trainez pas !Elle le lâcha, et ils se mirent à courir aussi vite que possible, tournant à gauche, puis à droite. Ayant un bon sens de l'orientation, elle n'eut pas trop de mal à savoir où se trouvait la sortie de la ville. A cette heure-ci, les portes n'étaient pas encore fermées, mais ce n'était qu'une question de temps. Elle s'élança dans cette direction, suivie de près par le magicien qui soudain, s'écroula. Kahera freina d'un seul coup et s'agenouilla près de lui.
- Relevez-vous ! On y est presque ! Eustache ?Elle poussa un cri horrifié. Une flèche s'était plantée dans son dos. Il était blessé. Elle le secoua, tentant en vain de le porter ou de le trainer vers la sortie de la ville. Pas tout à fait mort, l'homme gémit :
- Je suis foutu... sauvez-vous Miss. Ne les laissez pas vous attraper...La jeune femme ne savait plus quoi faire. Sa première mission était un fiasco ! Qu'allait donc penser Sarkesh ? Tant pis, elle ne pouvait pas rester là et prendre le risque de se faire prendre. Elle continua donc de courir, rapide, mais pas assez. Des gardes, certainement alertés par les cris, lui bloquèrent le passage. Elle voulut prendre un autre chemin, mais se rendit compte qu'elle était encerclée. Bon... au moins il ne s'agissait pas des bandits.
- Plus un geste ! Kahera eut beau tenter de trouver une solution, elle était maintenant prisonnière. Malheureusement pour elle, la chance du débutant n'avait pas compté aujourd'hui.