Le Grand Jeu - Forum RPG Hentai

Bonjour et bienvenue.

Ce forum présente des œuvres littéraires au caractère explicite et/ou sensible.
Pour ces raisons, il s'adresse à un public averti et est déconseillé aux moins de 18 ans.

En consultant ce site, vous certifiez ne pas être choqué par la nature de son contenu et vous assumez l'entière responsabilité de votre navigation.

Vous acceptez également le traitement automatisé de données et mentions légales de notre hébergeur.

Voir les derniers messages - Telka

Nos partenaires :

Planete Sonic Reose Hybride Yuri-Academia L'Empire d'Argos Astrya Hybride Industry Iles Mystérieuses THIRDS Petites indécences entre amis
Inscrivez-vous

Voir les derniers messages

Cette section vous permet de consulter les contributions (messages, sujets et fichiers joints) d'un utilisateur. Vous ne pourrez voir que les contributions des zones auxquelles vous avez accès.


Messages - Telka

Pages: 1 2 3 [4] 5
46
Les bas fonds / Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
« le: mercredi 01 mai 2013, 15:51:50 »
Je remercie silencieusement le seigneur d'avoir ôté de leur esprit, au moins un moment, l'idée de profiter de nos corps. Quand bien même le mien n'avait rien de comparable avec la vénusté de celui de la jeune femme, je ne suis pas sotte : ils sont trois, et il y a bien parmi eux un impatient qui m'aurait fait subir le même sort. J'ignore comment j'aurais réagi à un telle souillure, pourtant si courante dans de tels quartiers... Le simple fait que l'un d'eux touche ma poitrine m'a déjà profondément écœurée. Même si je devrais m'y préparer un tant soit peu mentalement, je préfère ne pas y penser, sortir ces perspectives de mon crâne.

Pourtant, bien plus tard, alors qu'ils nous mènent sans hâte vers le poste de garde, je sens encore la marque laissée par son doigt rugueux, plein de cal, sur ma peau. Je ne peux pas leur en vouloir. Ils ne font que leur travail, et n'ont sans doute pas beaucoup d'autres objectifs que de ramener un peu d'ordre dans la ville et surtout du pain sur leur table. Même si leur réaction est dictée par la peur d'une sanction, leur renoncement les met dans la moyenne haute des miliciens de Nexus en terme d'étique.

Le trajet, d'une dizaine de minutes, est plus long que je le pensais, mais finalement, cela s'accorde assez bien avec mon impression première. La présence des soldats, dans les bas-quartiers, n'est guère fréquente. Et quand bien même, s'ils étaient arrivés quelques instants plus tôt, ils auraient peut-être été, au contraire, des alliés. Ce qui ressemble à un incroyable coup de malchance, pour moi, est un signe clair. Avec la même évidence que le Seigneur ne me mène jamais à un endroit choisi au hasard, malgré les apparences, cette occurrence aussi probablement qu'elle est improbable, est destinée à quelque-chose de particulier... Une leçon ? Pour moi, pour ma protégée ? Je n'en sais rien, mais j'en suis à présent convaincue.

Je songe à cela, alors qu'on nous retire nos liens et qu'on nous jette dans une cellule. Passablement humide, malodorante, elle est néanmoins loin d'être parmi les pires du genre. Je distingue même un banc qui a l'air d'une qualité correcte, et un sceau, ce qui nous évitera de la rendre plus malodorante encore. Et puis, au moins, nous sommes ensemble, et seules. Il n'aurait plus manquer, après avoir éviter les violences des miliciens, que nous tombions dans celles, peut-être encore pire, de détenus agressifs.

Enfin, la jeune femme m’interpelle : ce doit être sa troisième phrase, depuis notre rencontre. J'espère que libérée de la tension de l'instant, elle se montrera un peu plus bavarde, sinon, la détention risque de paraître longue... Mais je devrais peut-être simplement prier pour qu'elle n'ait pas de nouvel accès de fureur tant que nous sommes dans un espace aussi clos. Je suis méfiante, cependant, sa voix inquiète me rassure. Dans l'obscurité, j'essaie de lui sourire. Elle n'a pas à se sentir coupable de m'avoir fait enfermer. Son crime n'est pas là.

-T'inquiète pas pour moi. Par contre, je crois aussi que tu devrais songer à mettre quelque-chose de plus couvrant. Quand tu sortira.

Pour appuyer mon propos, je me baisse et passe ma main sur ses genoux, qui ont de nouveau souffert de son combat contre le garde. Il ne me faut pas plus d'une seconde pour refermer dans une douce chaleur les écorchures superficielles. Je ne veux pas la tourmenter, toutefois, je dois m'assurer qu'elle ait compris, quitte à être un peu lourde. Il en va tout simplement de sa survie en ce monde.

-Les soldats avaient raison sur un truc. On peut pas se promener comme ça dans Nexus, c'est juste pas possible... surtout pour toi.

Elle doit être si attirante, pour un homme. Je ne conçois même pas qu'elle ne se soit pas déjà fait la réflexion avant. Tout son corps, ses formes, sa grâce, sont autant d'incitations puissantes au pécher de chair. Même dans le plus civilisé des pays terriens, elle aurait peut-être trouvé un voyou à la volonté plus faible que les autres, pour l'agresser. Je me relève et pose une main fraternelle sur son épaule.

-Je vais rester aussi longtemps que je le pourrais avec toi. Mais si on doit passer quelques jours ensemble là-dedans, je pourrais avoir ton nom ?

Je me remémore sa réponse positive, lorsque je lui ai demandé si elle s'était perdue. Sur l'instant, cela m'avait paru correct, mais à présent, cela me semble un peu léger. Il est quand même rare, lorsqu'on s'égare, d'aller vers des quartiers qui sont visiblement les plus crasseux et mal famés. Tenter de mieux la cerner ne me coûte pas grand-chose, et me permettra peut-être de lever une part de mystère.

-Tu travailles quelque-part, ou tu es toujours chez tes parents, tu as un mari ?

47
Elle décroche les chaînes. Le poids du métal retombe sur mes épaules, me pèse douloureusement. Je n'ai d'autre choix que de revenir à genoux. Je n'aime pas cette posture, j'aurais préféré rester debout. Cela doit lui donner l'impression qu'elle me domine, qu'elle est supérieure. Elle doit s'en délecter, cette sadique, alors qu'elle passe sa main sur mon menton et caresse ma joue. Je détourne sèchement la tête, pour refuser le contact de sa main. Puis elle me tient un discours abject de méchanceté gratuite. Cette fille est un vrai démon.

-Vous êtes ignoble. Pourquoi tout ça ? Pour votre plaisir ? Vous n'avez pas trouvé de meilleur moyen d'utiliser vos richesses ? Il y a tant de belles causes à défendre... Quel drame a pu vous rendre aussi immorale ?

Cela fait pas mal de temps que j'ai compris qu'elle était perverse et machiavélique. Non pas machiavélique, Nicolas Machiavel était bien loin d'être aussi cruelle qu'elle. C'était un homme qui se souciait du bien-être du plus grand nombre, par le sacrifice éventuel de quelques individus, par le mensonge, la manipulation. Autant de techniques que je ne pourrais jamais approuver, mais qui n'ont rien à voir avec ce que cette gamine fait, sans doute par pur égoïsme.

-J'ai vu l'enfer. J'ai vu les ténèbres qui ne s'arrêtent jamais de brûler, les étangs de magma, la géhenne. J'ai vu les damnés être déchiquetés par des dizaines de crochets qui arrachaient leur peau nue, leurs chairs sanguinolentes. Je les ai vus soupirer et pleurer alors que leur corps était carbonisé par des tessons ardents.

Je serre les dents, alors que sa proximité devient plus forte, presque insupportable. Je ne sais pas exactement ce qui m'arrive. Sous le coup de la colère, mes menaces pleuvent. Je me retiens de haïr même les criminels les plus endurcis, mais rien que d'imaginer ce que cette fille doit faire à toutes ses esclaves, ce qu'elle va me faire bientôt, me met hors de moi. Ma voix, pourtant, est froide.

-Tu ne sais pas combien une âme peut souffrir, à quel point cette douleur est supérieure à celle du corps. Quoi que tu me fasses subir, ça ne sera jamais qu'une goutte d'eau, comparé à ce qui t'attend.

Mon regard, lui, la défit maintenant ouvertement, alors que je me mets soudain à la tutoyer. Je comprends qu'elle ne ressent pas de pitié, pas de compassion. Qu'il est impossible de négocier en termes corrects avec elle. Je n'ai plus que ma foi, et ma fierté. Je n'ai plus aucun intérêt à être servile plus longtemps.

48
L'Art / Re : Et une demande d'editing, une!
« le: samedi 27 avril 2013, 00:14:07 »
J'ai essayé de travailler un peu dessus, mais c'est très loin d'être parfait.




Voilà, voilà. :)

49
Les bas fonds / Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
« le: vendredi 26 avril 2013, 23:19:15 »
J'ai de la chance : la tunique dans laquelle je suis, avec des sandales toutes simples à mes pieds, est parfaite pour courir. En même temps, il est assez rare que je porte quelque-chose de réellement handicapant, et cela doit faire plusieurs années que je n'ai pas porté de robe, ni même de jupe. J'ai toujours besoin de bouger, et il faut bien dire que ce genre d'habit à plutôt tendance à attirer les regards des hommes. Je comprends que la plupart des jeunes filles de mon âge ont tendance à chercher ce regard, à se sentir séduisante... Pour ma part, cela fait pas mal de temps que j'y ai renoncé. Mettre en valeur mon corps ne fait vraiment pas partie de mes préoccupations, bien au contraire.

Malheureusement, ça n'est pas réellement le cas de la jeune femme -il faudrait que je pense à lui demander son nom, d'ailleurs, lorsque la situation s'y prêtera plus-. Alors que j'arrive à prendre de l'avance sur les gardes qui nous poursuivent, elle perd peu à peu du terrain. Régulièrement, je jette des coups d’œil derrière mon épaule, pour m'assurer qu'il ne lui arrive rien. Je ne peux cependant pas me permettre de ralentir. Elle n'a pas l'air très avisée. Elle a toutes les chances d'être essoufflée avant les soldats, malgré leurs armes et leurs armures. J'espère qu'elle ne va pas non plus trébucher. Mes cheveux châtains volent au vent, alors que je prends de la vitesse. J'ai bien fait de les couper assez courts.

Finalement, un dernier regard arrière m'apprend que ma protégée, elle, est en train de ralentir. Je me résigne. Elle n'y arrivera pas. Un cri de rage me le confirme. Je soupire, j'hésite un peu. J'entends encore, sur le pavé, les pas de deux hommes qui sont toujours à mes talons. J'ai encore la possibilité de les semer, je suis endurante, plutôt entraînée, je crois en avoir la force. Cependant, je ne peux pas abandonner cette fille à son sort. Me faire prendre, pour moi, ça ne représente, au bout du compte, pas grand-chose. Les risques sont minimes. Un simple mauvais moment à passer. Au moins, si je me fais arrêter en même temps qu'elle, je pourrais lui éviter de faire des bêtises. Elle paraît si perdue et presque muette.

Ma décision est prise, et soudainement, je m'arrête. Je dispose d'une poignée de secondes avant que les miliciens soient à mon niveau. J'en profite pour me retourner, avec une certaine lenteur, jeter sur le côté le tube de métal qui constitue ma seule arme. Je fais quelques pas calmes, en leur direction.

-C'est bon, j'articule simplement. Je me r...

L'un des soldats me saisit par le bras et me tire violemment vers lui, interrompant ma réédition. Il doit faire environ un mètre quatre-vingts : quinze bons centimètres de plus que moi. Sans ménagement, il m’appuie sur le haut du crâne, m'obligeant à m'agenouiller. Je le vois sortir une corde de sa poche, et entreprendre de me lier les mains dans le dos. J'essaie de tourner un peu la tête, pour voir comment est traitée la jeune femme. Une gifle m'en dissuade.

-Bon, allez. Fais attention, il court vite, celui-ci, fait remarquer l'autre milicien.
-Tu penses qu'on devrait lui casser les jambes pour être sûrs ?

Le garde ricane un instant, avant m'appuyer le bout en bois de sa pique dans la cuisse, accentuant rapidement la pression. Je lâche prématurément une petite plainte. Autant simuler un peu, pour qu'il arrête plus vite. Il s'arrête au bout de quelques secondes, et, tiquant, fait passer le manche dans l’entrebâillement de la déchirure de ma tunique, l'élargissant. Je lui jette un regard noir.

-Sales gamins des rues, jure l'autre, depuis quand ils assassinent des ivrognes ? Et depuis quand ils ont ce genre de copines ?
-Attend, soit pas jaloux. C'est une gonzesse aussi.

Ses yeux s'attardent sur la simple bande de tissu qui recouvre ma poitrine. Elle est surtout là pour la forme : je pourrais m'en passer. Je ne me vexe pas plus que ça qu'ils m'aient pris pour un gosse. Habillée ainsi, ma féminité est loin d'être évidente, et seule ma voix relativement aiguë me trahit. Ce qui me dérange, c'est l'attention qu'ils portent à présent tous deux à mes attributs. Ils paraissaient s'interroger sur la marche à suivre. Celui qui me tient toujours se baisse légèrement, et passe sa main sous mon vêtement. Le contact de ses doigts me dégoûte, mais je me force à ne pas broncher. Il n'attend que ça. L'autre observe mon visage. Il fait, prenant son temps, le tour de mon sein, puis effleure son sommet. Je serre les dents. Brusquement, il appuie plus violemment. Je ne peux retenir un petit souffle rauque. Il pousse un grognement dubitatif, et retire sa main.

-Les planches à pain, ça m'a jamais excité, lance-t-il, en me soulevant par mes liens.

Je me remets tant bien que mal sur mes pieds, et me laisse porter jusqu'à l'endroit où ma protégée est tombée sur le sol. Elle est attachée, à peu près de la même façon que moi. Je remarque qu'elle a de nouveau plusieurs meurtrissures sur le corps. Elle a du essayer de se débattre. Ils m'agenouillent à côté d'elle. Je lui jette un regard désolé.

-Bon, allez, on a des tueuses gouines, c'est ça ?
-Y'en a une qu'est plus bonne que l'autre, quand même.
-Je trouve pas, moi.
-Ouais mais toi t'aime que les gamines. Tu devrais te faire soigner.
-Elles crient mieux que les autres. Et puis c'est plus sympa à déchirer, tu devrais essayer.
-Sérieux, c'est dégoûtant.
-Bon, allez. Pourquoi l'avoir tué ? coupe finalement le troisième garde.

Je soupire. Je ne peux même pas nier ; le plus terrible, c'est que ce soldat a parfaitement raison. Cet homme est bien mort assassiné, brutalement, et c'est tout-à-fait de notre faute. Je n'ai même pas la conviction que je suis innocente. Je ne peux même pas tenter de faire éclater la vérité, tout simplement parce que la vérité nous est défavorable... Je prends quand même les devants. C'est stupide, et ça ne va rien changer, mais ça ne me coûte rien d'essayer.

-C'est moi. Je l'ai tué parce qu'il a violé mon amie.

C'est aussi simple que cela... et même si c'est un mensonge, ça reste assez crédible. Personne ne peut penser qu'une personne aussi délicate qu'elle ait pu égorger ainsi un tel individu. Le milicien hausse les épaules.

-Et c'est grave, ça ? T'as vu comment elle est habillée, ta copine ? Elle porte même pas de sous-vêtements.
-Vraiment ? Ça mérite vérification...

Le garde qui vient de parler soulève la robe sans ménagement, laissant apparaître une grande étendue de peau pâle. D'une main, il force la jeune femme, toujours à genou, à se pencher en arrière. Ma colère commence à monter. Je la contiens. Je suis pour l'instant impuissante, elle ne ferait qu’aggraver les choses. Je détourne les yeux. Je suis bien la seule à le faire.

-Bordel, quand même.
-Bon, allez. Ça va au trou, ça. On aura tout le temps d'en... profiter, plus tard.
-Faudra partager avec les autres cons. On pourrait plutôt trouver un coin discret et s'amuser un peu... au moins avec celle-là, propose le milicien, en désignant l'autre jeune femme.

50
Les bas fonds / Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
« le: vendredi 26 avril 2013, 19:04:15 »
Sa réponse me laisse un peu perplexe, elle ne m'aide pas beaucoup. Je me doute qu'il lui a fait mal, je ne comprends pas bien ce qu'elle veut me dire ; je suis déjà en train de m'occuper de ses blessures, et la plupart sont déjà propres. Je fronce légèrement les sourcils, puis je la laisse guider mes mains. Lorsqu'elle les glisse sous sa robe, au niveau de son entrejambes, je percute enfin. Mes joues prennent une teinte rosée. Je bégaie, confuse.

-Ah... oui, je vois...

J'avais bien sûr pensé à lui restaurer sa virginité, mais je n'ai pas songé une seule seconde qu'elle pouvait souffrir d'autres sévices qui n'avaient rien à voir. La chose ne m'a même pas traversé l'esprit avant qu'elle me l'indique clairement. Il faut dire que dans le domaine, je suis loin d'être un puits de science. J'ignore dans quelle mesure se faire -enfin- de la sorte, peut être douloureux. Je ne peux que supposer, avec le peu d'expérience que j'en ai, que ça n'a pas du être agréable, et que la violence du coït lui a sans doute laissé quelques marques.

Je ne peux décemment pas lui demander de relever sa robe pour que je puisse localiser avec exactitude ses blessures. Je n'ai pas besoin de les voir, en théorie, juste d'approcher mes doigts... Ce qui est assez vite gênant, également, si on prend en compte la profondeur à laquelle elles peuvent se trouver. Du moins si je veux de la précision. Heureusement, de la même manière que pour soigner les maladies, je ne suis pas obligée de pénétrer à l'intérieur du malade jusqu'aux organes concernés, mon don possède une certaine portée. Pour réparer les déchirures de cet endroit dans ces conditions, je n'ai donc pas vraiment le choix : qu'elle le veuille ou non, son hymen sera reconstitué avec le reste. Ne pas avoir le choix m'arrange, puisque je n'ai pas compris, de toute façon, si elle l'était ou non. Au moins je n'ai pas à m'en embarrasser.

Je me concentre, alors que mes mains s'approchent le moins possible de sa peau, la frôlant seulement. Cela ne change rien à la chaleur guérisseuse qui s'y applique. À peine mon travail est achevé qu'une exclamation horrifiée retentit derrière moi. Je me retourne, et distingue trois hommes en armure légère, uniforme de la garde de Nexus. Bon sang, pourquoi eux, maintenant ? Depuis que je parcours les bas quartiers, je ne les ai encore jamais croisé. J'en étais même venue à penser qu'ils désertaient totalement l'endroit, le laissant dans son chaos et sa violence. Ils choisissent vraiment pas leur moment pour arriver. Je peux difficilement faire face à trois hommes armés et entraînés, sans avoir moi-même d'épée digne de ce nom.

-Hey ! Vous ! On ne bouge plus ! nous ordonne un soldat.

La poigne effrayée de la jeune femme se referme sur mes bras. J'analyse rapidement la situation. Nous sommes toutes deux couvertes de sang, particulièrement moi. Leur expliquer ce qui s'est passé va être particulièrement complexe... et les miliciens de la ville ne sont pas connus pour leur grande faculté d'écoute, et leur clémence hors du commun envers les victimes de viol. Selon la justice du moment, ils vont probablement nous jeter dans des cellules pendant des semaines, si ce n'est pire. En ce qui me concerne, ça n'est pas si grave : avec un peu de chance, je serais dehors dans une vingtaine d'heures.  En revanche, pour celle que je viens d'aider, cela risque d'être bien plus long et pénible.

-Allez, on reste pas ici ! je lui lance, assez fort, je l'espère, pour créer chez-elle une réaction.

Je la pousse légèrement et me met moi-même à courir. Pourvu qu'elle ne reste pas sur place, paralysée... La probabilité de leur échapper n'est déjà pas très élevée, vu ma connaissance approximative du quartier. Si elle pouvait mettre à profit pour s'enfuir la violence et la vivacité dont elle a fait usage pour poignarder son agresseur, nous aurions peut-être une chance. Les gardes n'ont même pas de moment d'hésitation : ils sont habitués à poursuivre les malfaiteurs, et se précipitent sur nous.

51
Les bas fonds / Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
« le: vendredi 26 avril 2013, 04:43:52 »
-Telka de Szczecin, guérisseuse surtout, aventurière parfois.

Je constate avec un certain soulagement que je n'aurais pas à lui courir -façon de parler- après, pour tenter de la soigner. Elle semble plutôt coopérative. Malgré son état pitoyable, elle est encore assez gracieuse. Décidément, elle ne va pas du tout avec le lieu, crasseux et obscur. C'est une jolie fille avec une silhouette et un visage de princesse, du genre qu'on fait garder en haut d'une tour par un dragon féroce, pas qu'on envoie dans la rue se faire violenter.

-Je suis la voie du Dieu triple et unique, que tu ne connais peut-être pas... L'essentiel pour le moment est que tu saches qu'il est bienveillant, je suppose.

La religion chrétienne, d'autant que j'ai pu le constater, n'est pas très répandue dans Nexus, ni dans aucune autre ville de ce plan que j'ai visitée. Les fidèles sont encore plus rares qu'au Japon, où ils ne sont déjà pas très nombreux. Je ne sais comment sont venus sur Terra ceux qui sont déjà dans le culte. Je sais qu'il existe des portails permettant ponctuellement à des individus normaux de voyager entre les plans. Peut-être des individus ayant la foi ont-ils été happés, et ont ensuite fondé des familles dans la tradition chrétienne. Peut-être est-ce aussi l'action de quelques anges, mais ils s'occupent finalement assez peu eux-même de convertir des individus.

Du reste, l'environnement ne rend pas très aisé l'adoration à un Dieu unique, quel qu'il soit. Les manifestations des dieux de panthéons polythéistes sont, paraît-il, chose courante. L’Histoire a montré que les idoles païennes sont bien plus faibles que la sainte Trinité, mais elles sont aussi plus accessibles.

-Désolée de t'avoir frappée, mais je ne pouvais pas te laisser tuer cet homme sans rien faire. Je peux comprendre ta réaction. Mais enfin, toute cette violence, par Josaphat ! Une telle vengeance n'est jamais la solution... Repense-y, et essaie de réaliser toutes les conséquences de ton acte.

Je soupire. J'aimerai trouver des mots plus convaincants, mais si je me mets à lui parler des épîtres de Saint Pierre, elle ne comprendra pas. Jésus aimait beaucoup utiliser des paraboles. J'en cherche une, seulement pendant une fraction de seconde, puis, agacée, j'abandonne. J'espère l'avoir rassurée, et qu'elle se laissera faire, à présent. Avec des gestes lents, pour ne laisser aucun doute sur leur nature, je m'approche un peu plus d'elle, puis place ma main au niveau de son visage. Mes doigts viennent toucher délicatement les bosses et les éraflures qui le constellent : les premières dégonflent, les secondes se referment en ne laissant que de petites marques rouges. Mon pouvoir, pour des blessures aussi bénignes, est agréable. Il ne se manifeste que parce quelques picotements, et une douce impression de chaleur. Lorsqu'il s'agit de plus grosses plaie, il est parfois plus douloureux, forçant les tissus à cicatriser, surtout si je dois me dépêcher.

-Qu'est-ce que tu fais ici, à cette heure ? Dans cette tenue ? je lui demande d'une voix neutre, qui tente de cacher le reproche. On est dans l'un des quartiers les plus mal famés de Nexus... Tu t'es perdue ?

Je passe mes mains jointes sur son cou, puis les fait descendre sans précipitation le long de ses bras, et enfin de ses jambes. Je prends mon temps pour être sûre que je n'oublie rien, je ne vois pas l'urgence. ce sont des gestes que j'ai l'habitude de faire, maintenant, ils me sont parfaitement familiers. Elle n'est pas vraiment très habillée, ce qui facilite mon travail, mais augmente ma perplexité. Cette fille doit avoir quelque-chose à dissimuler. On ne se balade pas ainsi vêtue et en pleine nuit dans les bas-fonds. Personne ne serait assez stupide pour ça. J’agrippe un lambeau de ma tunique, qui en pend encore, arraché par feu l'ivrogne dans sa chute, et le déchire. Je lui tends l'étoffe brune, pour qu'elle puisse s'essuyer le nez. J'en viens finalement à la dernière étape. Je baisse d'un ton, légèrement gênée.

-Est-ce que tu étais vierge ? Je peux réparer, ça aussi, si tu veux, je lui indique posément.

52
Les bas fonds / Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
« le: jeudi 25 avril 2013, 21:22:30 »
Le pauvre homme n'est pas la première personne que je vois périr dans des circonstances violentes... pourtant, à chaque fois, je suis horrifiée de constater qu'on envoie prématurément, et dans une telle violence, une âme au Seigneur. Bien sûr, cet individu avait commis des fautes, dont la dernière lui a d'ailleurs été fatale, mais si j'avais pu lui parler, il aurait eu une chance de se repentir. De plus, il était sous l'emprise de l'alcool. Moi qui me suis, hélas, parfois trouvée dans de fâcheuses postures à cause d'une consommation excessive, je suis bien placée pour savoir qu'il peut amener à faire des choses terribles. Ceux qui sont sous son influence lorsqu'ils commettent des crimes devraient bénéficier d'une plus grande indulgence encore au niveau de la justice des hommes.

Je me relève à présent sans précipitation, sentant que la jeune femme s'éloigne de moi en claudiquant. J'y ai peut-être été un peu fort. Sa réaction a été terrible, toutefois, elle n'a sans doute agit que par vengeance. Je sais, depuis longtemps, qu'il ne faut jamais agir par vengeance : c'est l'un des premiers commandements de l'apôtre Pierre. Cependant, je ne peux en vouloir à une païenne de ne pas avoir reçu la même éducation que moi. Elle a agit de manière affreusement primitive... enfin, je suppose que je peux comprendre. Avec un peu de recul, je me rends compte que c'est surtout contre moi que je dois être en colère. Non-seulement je n'ai pas su protéger l'ivrogne de son funeste destin, mais de plus, j'ai échoué à préserver sa victime du pécher. Je me mords les lèvres. La seule chose que je peux faire, maintenant, c'est d'essayer de réparer le mal que j'ai fais.

Je n'ai pas de mal à la rattraper. La sauvagerie avec laquelle elle s'est jetée sur son agresseur était impressionnante, néanmoins, son attitude, ensuite, a été loin de celle d'un foudre de guerre. N'importe quel combattant un peu chevronné aurait encaissé les coups que je lui ai porté, aurait amorti sa chute, et se serait relevé bien plus vite qu'elle. Ici, sa démarche est boiteuse. Bon, les dégâts physiques seront certainement plus faciles à réparer que ceux psychologiques. Je tends la main vers elle et je m'exclame, sans agressivité :

-Attends. T’ira pas loin comme ça, de toute façon.

Du reste, c'est vrai : femme, découverte et jolie, et incapable même de courir, elle risque très vite de faire une nouvelle mauvaise rencontre. C'est une cible parfaite pour le premier bandit qui croisera son chemin, et ils ne sont pas rares. A-t-elle seulement quelque part où aller ? J'effleure son épaule, lui montrant que je suis en mesure de la saisir, mais que je m'abstiens.

-Je suis guérisseuse. Je m'occupe de ce que t'ai fait, si tu veux.

53
On frappe à la porte. Je me mets un instant à espérer que cette intervention sonne la fin de mon épreuve, et que quelqu'un va dire à cette gamine retorse de me laisser tranquille et de me relâcher. Je n'ai pas encore vraiment souffert physiquement, à l'exception de quelques coups desquels je me suis déjà remise, mais cela me semble déjà assez : les perspectives qui me sont passées par la tête m'ont déjà suffisamment abîmée comme ça. J'en aurais sans doute des cauchemars des jours. Malheureusement, cela ne semble être qu'un simple homme de main parmi toute sa horde qui requière son attention. Ma tortionnaire le suit, me laissant de nouveau seule.

La lumière étant allumée, cette fois, j'ai un peu plus conscience de mon environnement. J'essaie de repérer d'éventuels points de sortie. Il y a une fenêtre assez haute, que j'arriverais sans doute à atteindre, et dans laquelle je passerais peut-être... si elle n'était pas grillagée, et bien sûr, si je n'étais pas enchaînée. S'il a une occasion, je me retrouve de nouveau libre de mes mouvements, j'ai une petite chance de pouvoir m'enfuir par là, à condition que je trouve quelque-chose pour forcer les mailles de la grille. Je cherche des yeux, sur les promontoires, d'éventuels objets pouvant faire l'affaire. Je repère une sorte de pince s'écartant au moyen d'une manivelle : j'en ai déjà vu, en moins gros, dans les hôpitaux où j'aidais les malades, il me semble que le nom exact est spéculum. Il pourrait m'aider à me défaire du grillage, mais je n'ai pas envie de savoir pourquoi une telle chose est ici.

Très vite, je comprends que l’observation de ces instruments, qui semblent pour la plupart relever de l'outil de torture, ne m'apportera rien d'autre que des idées abjectes. Debout, je tremble étrangement un peu moins que lorsque j'étais assise. Mon cœur s'agite dans ma poitrine douloureuse de stress, l'angoisse ne diminue pas. J'essaie de souffler. Je ne trouve plus que le Pater Noster à réciter, je suis trop énervée pour me souvenir d'autre chose. Ma voix est basse, confuse. J'essaie de chasser les pensées macabres qui envahissent peu à peu mon esprit. Je fais quelques fautes, alors que je vais pourtant lentement.

-Pater Noster qui es in caelis : sanctisictur nomen tuum. Adveniat regnum tuum. Fiat voluntas tua, si cut in coelo, sic et in Terra...

Je n'ai pas le temps de terminer ma prière, qui est de toute façon laborieuse, malgré sa simplicité. Yukio vient de revenir, avec un dossier à la main. Je ne peux rien voir de son contenu, et elle ne m'en montre rien. Je ne baisse pas les yeux, je reste droite tant bien que mal, ce qui fait que nos regards sont presque au même niveau. Très vite, je comprends ce qu'elle est en train de m'expliquer : elle a tous les moyens à sa disposition pour me faire chanter. Peut-être est-ce du bluff, je n'en sais rien. Je ne lui ai donné que mon prénom, et un lieu... Combien y a t-il de Telka nées près de Szczecin aux alentours de 1994 ?

L’agglomération est assez grande, peut-être une cinquantaine. Mais il y a bien quelques articles sur moi, et les quelques guérisons miraculeuses de ma jeunesse, où j'étais beaucoup moins discrète qu'aujourd'hui, qui doivent encore traîner. Mentionnent-ils mon nom complet ? Quelques infos me concernant au Vatican, aussi, bien protégées, enfin... probablement. Sinon, je ne me suis inscrite sur aucun registre depuis plusieurs années, je n'ai pas de domicile fixe, ma seule activité déclarée est un travail irrégulier d'intervenante en latin. Je fais un rapide bilan que ce qu'elle aurait pu trouver. Mes parents, avec un peu de chance, des anciens camarades de classe. Si elle ne bluffe pas, il y a aussi des chances non-négligeables qu'elle se trompe de personne, tout simplement.

Au final, ça ne change rien du tout. Que je connaisse ces gens ou non, je ne peux me permettre de les laisser se faire assassiner à ma place. Je ne mérite pas un tel sacrifice de vies humaines. Je ne veux pas qu'ils meurent à cause de moi, qui qu'ils soient. La situation est risquée, si elle se sent trahie, et même si je garde le silence sur ses sordides affaires, pourquoi ne prendrait-elle pas l'initiative d'en faire abattre quelques uns. Mon regard s'assombrit sous le coup de la colère lorsqu'elle affirme s'apprêter à en exécuter une poignée pour l'exemple. Je secoue la tête nerveusement.

-Ça n'est pas correct. Ces gens n'ont rien fait. Je... Je préfère que vous me tiriez une balle dans la tête plutôt que des innocents souffrent à ma place. Tuez-moi...

Une boule dure bloque les mots dans ma gorge, et rend mon articulation du japonaise, déjà peu naturelle, encore plus difficile. Ma bouche est sèche, emplie d'un goût toujours plus désagréable. J'ajoute, plus bas, dans un souffle :

-S'il-vous-plaît.

54
Les bas fonds / Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
« le: mercredi 24 avril 2013, 23:35:39 »
Je la regarde, intriguée. Elle semble étrangement paralysée, ce qui n'est pas vraiment surprenant. Je la laisse reprendre son souffle et ses esprits. Elle a vécu quelque-chose difficile, et je suis prête à la soutenir du mieux que je le pourrais. Je repère qu'un hématome commence à gonfler près de son œil. Son cou est aussi cruellement rougi, sans doute par la poigne de son agresseur. Très lentement, je commence à m'approcher d'elle, dans le but de soulager au mieux sa douleur. Puis je remarque que son visage se métamorphose peu à peu, et ne présente plus d'autres signes de chagrin, ou de douleur, que les larmes qui mouillent encore ses joues. Je m'arrête un instant, hésitant quant à l'attitude à avoir face à cette métamorphose.

Brutalement, elle m'indique par un hurlement la proximité d'un danger, dans mon dos. Ça ne peut pas être le même homme, lourd et saoul, je l'aurais senti se relever bien avant qu'il puisse tenter même de s'enfuir. Et je ne suis pas sûre qu'il soit toujours en état de courir. Peut-être un autre homme, un complice ? Mon cœur fait un bond et je me retourne aussitôt en posture de combat, prête à nous défendre vaillamment. Rien. Le vide. Je scrute la nuit : il n'y a pas un chat, je ne vois que le mur en bois pourri d'un bâtiment, de l'autre côté de la ruelle. Un sentiment désagréable, un mauvais pressentiment m’envahissent.

Ils sont de suite confirmés lorsque je sens un choc au niveau de mon bassin : pas dans le sens où je m'attendais à résister. Je suis repoussée, et je tombe sur le côté. Je pivote vers la jeune femme et place mes bras en croix pour protéger mon visage, incapable de prévoir la façon exacte dont elle va mener son assaut. Elle est plus grande que moi, mais j'ai quand même mes chances. Une seconde plus tard, un bruit écœurant de métal pénétrant la chair m'apprend que je ne suis visiblement pas sa cible.

-Josaphat !

Je me relève et me rue aussi vite que je peux sur l'ex-victime. Mon coude cogne sèchement contre sa mâchoire, alors que je lui envoie un coup de poing expéditif dans le ventre, cherchant à lui couper la respiration. Je repère son arme, une sorte de longue aiguille à tricoter, et lui tord sans douceur le poignet pour l'obliger à la lâcher. Je lui arrache des mains, puis percute encore ses jambes d'un pied rageur, avec une violence et une fureur, peut-être paradoxalement, bien plus grande que celle dont j'ai fais usage contre l'homme pourtant plus lourd. Tout ça n'est pas vraiment bien maîtrisé, mais j'ai agit dans la précipitation.

Je considère la jeune femme comme temporairement hors d'état de nuire, et je me précipite sur l'ivrogne dont le sang, autour de sa gorge, commence à former une flaque. À califourchon sur son corps à demi-nu, de mes doigts, j'essaie de compresser ses plaies : si elles ne sont pas très larges, les coups ont été portées avec précision. La scène est macabre. J'ai du liquide rouge plein les mains, et le fluide vital imbibe la manche qu'il me reste. Mon pouvoir de guérison entre en action : je le concentre aussi puissamment que je peux. Le saignement s'arrête au bout de quelques secondes. Quelques secondes de trop. J’appuie mon oreille sur ce qui n'est plus qu'un corps sans vie, m'assurant du diagnostic fatal. Je serre les dents.

-Puisse le Seigneur te pardonner tes fautes et t’accueillir en son royaume, je chuchote rapidement à l'oreille du défunt homme en fermant délicatement ses paupières.

Je n'ai pas le temps de faire mieux. Il y a une meurtrière derrière moi.

55
Les bas fonds / Re : Lorsque deux prédateurs se croisent... [ Telka ]
« le: mercredi 24 avril 2013, 17:58:47 »
J'ai déjà eu l'occasion de visiter pas mal de dimensions. Certaines, comme les enfers, défient l'imagination, en matière de cruauté. Mais, au final, ça n'est pas réellement un problème : c'est la nature même de ces plans de constituer un infâme charnier. En revanche, Terra est différente... Ces dernières années, j'y ai passé autant de temps que sur ma planète d'origine. C'est un monde différent, que je considère d'un alignement aussi neutre que la Terre. Aussi, des choses plus ou moins condamnables, s'y passent. On pourrait croire que Nexus, cette ville marchande et libérale, s'opposant à la nation conquérante d'Ashnard, constituerait un lieu plutôt bénéfique. Il n'en est rien, loin de là. Bien sûr, il y a l'excuse du niveau technologique : les habitants de la cité n'ont guère, pour la plupart, l'éducation et les privilèges des populations terrienne occidentales. Reste que les commerçants de Nexus, pourtant classe assez aisée, figurent parmi les personnes les plus amorales que j'ai jamais rencontrées.

Je crois donc, qu'au final, je n'aime pas vraiment, Nexus... Malheureusement, il y a tant à faire, ici. La chose est simple. Si je veux être sûre d'aider quelqu'un, ou du moins de pouvoir essayer, il suffit pour cela d'errer dans une de ces rues délabrées où les malfaiteurs grouillent, surtout de nuit. Il y a toujours un individu blessé, ou en mauvaise posture, pour lequel je peux faire quelque-chose. Ça tombe bien, parce que j'ai actuellement un problème mineur, mais tout de même assez handicapant : le décalage horaire. C'est un désagrément que je rencontre souvent, lorsque je me téléporte. Je pars de la Terre, où il fait jour, et je me retrouve sur Terra, vers minuit, mais en pleine forme. Mieux vaut quand même ça, pour moi, que de me téléporter épuisée, évidemment, mais cela implique de trouver quelque-chose à faire. Comme à l'habitude, lorsque je me rends à Nexus, j'ai été chercher des habits chez un ami aubergiste, qui me fait le privilège de me mettre quelques vêtements de côté, depuis que j'ai soigné sa fille d'une maladie infectieuse. Puis je suis descendu dans une des rues sus-nommées.

L'odeur, c'est toujours ce qui me choque, d'abord. Les égouts fonctionnent mal, voire pas du tout. Les déchets sont souvent simplement abandonnés dans la rue. Je suis emmitouflée dans une épaisse tunique brune asexuée, qui cache totalement mes formes, déjà peu prononcées. Ma démarche n'est pas très féminine, je ressemble à un vagabond anonyme, qu'il ne vaut même pas la peine de dépouiller. C'est l'effet recherché. Je ne tiens pas à attirer l'attention de pervers, ou de bandits, sur moi. Il est beaucoup plus facile d'intervenir quand je ne suis pas directement agressée. Sur la route, j'ai ramassé un morceau de métal rouillé qui devait être jadis le bras d'une remorque, et je l'ai enfouie dans mes habits. J'espère que je n'en aurais pas besoin. En règle générale, je suis aussi efficace à main nue qu'avec ce genre d'arme improvisée. De toute façon, je ne suis pas une combattante.

Je connais quelques lieux chauds, la sortie de tavernes mal famées, où les bagarres sont nombreuses. Mon objectif n'est pas de les empêcher, mais de veiller à ce que tout le monde passe la nuit. J'observe avec préoccupation, à distance, quelques soûlards, qui la finiront sans doute sur le pavé, n'ayant plus les moyens de payer d'autres consommations. Ils ont l'air assez calmes. Puis, un cri déchire le silence. Voilà, je n'aurais sans doute pas perdu ma soirée. Je me hâte dans la direction d'où semblait provenir la plainte. Elle était plutôt aiguë. Une femme ; battue, violée ? Je ne tarderai pas à le savoir. Mes pas me mènent à une ruelle isolée. Ça n'est pas vraiment surprenant, qu'on se fasse agresser, dans ce genre d'endroit...

Mes yeux se posent sur un dos, couvert par une tunique crasseuse. Le bas, en revanche, n'est pas couvert, et le pantalon tombe au niveau des genoux. Derrière, je distingue une autre paire de jambes, qui paraissent appartenir à la victime. Les deux individus sont plus grands que moi. Ça n'a pas d'importance, après quelques secondes passées à analyser la situation, pour être sûre de ne pas mal l’interpréter, je crois savoir ce qu'il me reste à faire. Je m'approche, sans vraiment miser sur la discrétion. L'agresseur semble de toute façon trop occupé par son affaire pour m'entendre.

J'ai eu ma période arts martiaux, il y a quelques années, et j'en ai étudié de tous les genres. Je me souviens de quelques entraînements d'Aïkido. C'est une école, basée sur une technique d'esquive, lIrimi et dont la mentalité va assez bien avec la mienne. Comme bon nombre d'entre-eux, il cherche à utiliser la rage de l'adversaire contre lui, mais, dans un optique beaucoup moins agressive que le jujitsu, ou même le judo. En général, on s'en sert plutôt en réponse à une attaque, mais il y a quelques prises qui se recyclent bien lorsqu'il s'agit d'immobiliser quelqu'un.

Mon bras se referme horizontalement sur ses épaules, enserrant son cou : kata kiri. Puis ma deuxième main va chercher son propre bras, le tire violemment vers le haut, et le rabats finalement dans son dos : ude jodan. Aussitôt, je le tire vers l'arrière, lui faisant perdre l'équilibre : ushiro otoshi. Son odeur de mauvais alcool remonte jusqu'à mes narines. Mais même ivre, il reste costaud et assez lourd. Il se débat, dans sa chute, attrape un pan de mon habit, qu'il déchire sur toute sa longueur. Je n'arrive pas à assurer ma prise au sol. Je panique un peu, et je finis par le frapper au visage : jodan tsuki. Il continue à bouger... Mon pied part droit dans son entrejambe découverte : je ne suis pas sûre que ça, ça porte un nom précis. Il grogne de douleur. Ça n'est pas très réglo.

-Désolée, je lui lance d'une voix effacée.

J'en profite pour le retourner sur le dos, et tordre ses deux bras, avant de l'aplatir un peu plus. Je remarque qu'il a une sorte d'aiguille plantée dans la chair. Je m'occuperai de refermer la plaie avant de partir, pour être certaine qu'elle ne s'infecte pas. Je le frappe encore une dernière fois à l'arrière de la tête. Son corps se relâche, je crois qu'il a eu sa dose. Je garde ma chaussure sur son cou, au cas où. Je porte mon attention sur la jeune femme qu'il était en train d'agresser. Je la détaille brièvement, en prenant bien soin de ne pas descendre trop longtemps mon regard sous sa ceinture. Comme je l'avais d'abord perçu, elle est beaucoup plus grande que moi, étonnamment fine et élégante. Elle ne ressemble pas vraiment aux filles de mauvaise vie qui traînent dans ce genre de quartier.

Je comprends très bien qu'elle se montre un peu effrayée après avoir assisté à un tel pugilat, même s'il n'a duré qu'une dizaine de secondes, au final. J'essaie de lui adresser un signe sympathique, un léger sourire, pour lui faire comprendre que ma violence n'est pas dirigée vers elle.

-Tu vas bien ? Comment tu te sens ?

Évidemment, je me doute que tout ne ne va pas merveilleusement bien : elle vient quand même de subir un viol. Je ne peux qu'espérer qu'elle n'est pas trop traumatisé, et que si elle est blessée, elle me le fera savoir. Je ne m'approche pas plus d'elle, pour ne pas l'intimider. Un courant d'air froid pénètre dans mes habits et me fait frisonner. Je ne sais même plus exactement à quoi je ressemble, maintenant. L'ivrogne a défait la majeure partie des tissus qui recouvraient mon bras droit, et laissé un large espace de peau nue sur mon côté. Heureusement, le reste du vêtement a bien tenu. J’esquisse très prudemment un pas vers elle.

-De l'aide ?

56
Le parc et son sous-bois / Re : Oh, une odeur alléchante (Telka)
« le: lundi 22 avril 2013, 14:06:45 »
Je ne m'étais pas trompée, à l'évidence, c'est un garçon adorable. Je le sens un peu gêné par le fait de me demander de l'aide, et ses joues rougissent légèrement. J'ignore s'il s'en est lui-même rendu compte, mais cela m'attendrit. Je retiens une surprenante envie de passer ma main dans ses cheveux blonds, coiffés en désordre. Ce doit être parce qu'il est un peu plus petit que moi, réveillant peut-être chez-moi certains instincts maternels. J'espère simplement ne pas trop le mettre mal-à-l'aise, ce n'est pas le but de mon attitude.

Aussi parce que ses paupières closes lui donnent un air un peu perdu. Au moins, il ne peut pas me juger sur mon apparence, c'est assez rassurant, dans un premier temps. Puis, lorsqu'il me fait remarquer que le reste de ses sens sont beaucoup plus développés que la moyenne, de suite, la situation l'est moins. Je n'ai pas vraiment d'avis sur ma voix, qui, je crois, est assez douce. En revanche, s'il est capable de sentir l'odeur de mon repas dans sa boîte, je n'imagine pas quels parfums provenant de ma personne il peut respirer. Je n'utilise jamais aucune des coûteuses eaux de toilette odorante dont se couvrent la plupart des jeunes filles à mes âges. Je n'en ai pas les moyens, et quand bien même, cela ne m'a jamais paru être une priorité...

-Ah... J'espère que je ne te choque pas trop, alors...

Il fait assez chaud, donc je suppose que je dois sentir un peu la sueur, encore que ce doit être l'odeur du tabac qui doit être prédominante sur ma personne pour l'instant. J'ai une petite grimace en me disant qu'il pourrait facilement penser que mon hygiène est assez sommaire. Du reste, il n'aurait sans doute pas tord. Je n'ai pas la possibilité de prendre une douche tous les jours. Et je ne peux pas toujours emporter de shampoing. N'en déplaise, je suis une aventurière, allô quoi...

-T'inquiète ! Je n'ai pas vraiment faim, de toute façon, je lui réponds, refusant les quelques pièces qu'il me propose gentiment.

Techniquement, ce n'est pas vrai : j'ai quand même un peu faim. Mais certainement moins que lui, la cigarette me coupant toujours un peu l'appétit (et j'ai un paquet entier pour tenir, chose assez rare). Je trouverai bien autre chose pour me sustenter, plus tard. Je comprends qu'il ne soit pas facile pour lui de trouver et de commander dans un fast-food, en aveugle. Du reste, je n'ai pas vraiment le droit d'accepter de l'argent, du moins si je n'ai pas de moyen de le dépenser à court terme. Avec mes téléportations intempestives qui m'obligent à laisser derrière moi tout ce que je possède, je le perdrai bien vite, de toute façon.

J'attrape une nouvelle fois sa main avec délicatesse, et y accroche la petite boîte en carton rouge contenant la barquette de riz et de poisson. Puis j'oriente son bras un peu sur le côté, plus loin vers l'herbe.

-Il y a une table à pique-nique dans cette direction, à quelques mètres, ça te dit ?

Il est bien sûr libre de l'endroit où il veut manger... pour ma part, je me surprends à songer que ça ne serait pas vraiment désagréable, de discuter un peu avec lui.

57
Blabla / Re : Horloge parlante
« le: dimanche 21 avril 2013, 17:16:33 »

58
Le parc et son sous-bois / Re : Oh, une odeur alléchante (Telka)
« le: dimanche 21 avril 2013, 16:04:16 »
Le Japon est le pays du soleil levant... Aussi, le soleil japonais... En réalité, le soleil japonais n'est pas vraiment différent des autres soleils. Ce qui ne l'empêche pas d'être agréable, quand il est haut dans le ciel, et que ses rayons viennent réchauffer les passants. Je n'ai pas vraiment été habituée à la chaleur, dans mon pays d'origine, la Pologne. Si les étés y sont assez tièdes, et les hivers sont vraiment plus durs qu'ici. Sur Terra, cependant, je me suis pas mal rattrapé. La plupart des endroits que j'ai visité dans cette dimension m'ont paru plus chauds mais aussi surtout plus secs que la moyenne de la Terre.

Sinon, c'était une belle journée, le genre qui donne envie aux gens de sortir de chez-eux. Le matin même, j'ai aidé un ami barman à servir le surplus de clients. Comme d'habitude, je n'ai pas cherché à être payée, mais j'ai accepté le paquet de cigarettes et la boîte à repas qu'il m'a proposé en récompense de mes efforts. J'ai ouverte cette dernière : les japonais, je crois, l’appellent Bento, beaucoup de riz, un peu de poisson et quelques légumes ici et là. On en trouve partout, ici. Je ne suis pas difficile, même si ce n'est pas mon plat préféré, c'est assez nutritif. Ça évitera au père Emmanuel d'avoir encore à me nourrir, aujourd'hui, bien qu'il n'y voit jamais de problème.

Joyeuse, j'ai donc décidé d'aller profiter de mon repas dans un lieu ouvert. Je repérai justement un grand parc, non-loin. Le principal coin de verdure de Seikusu, encore qu'il soit maintenant assez aménagé. Marchant, à pied, jusqu'à une table à pique-nique, je demande à un passant un briquet, pour allumer ma cigarette. Il n'est jamais très facile de repérer les gens qui sont susceptibles d'avoir du feu. Quand ils ne sont pas en train de fumer eux-même, j'essaie auprès des étudiants, ou des hommes aux cheveux longs : ce sont eux qui me donnent les meilleurs résultats. Ici, j'ai de la chance. Je le remercie et continu.

À mes lèvres, l'agréable nicotine empli mon être, alors que j'écoute, sereinement, le chant des oiseaux. Tranquille, je me demande quand ma prochaine téléportation inopinée va me tomber dessus. Je repère des yeux quelques arbres derrière lesquels je pourrais me cacher, si cela arrivait. J'espère que, cette fois, elle ne me mènera pas vers un lieu trop dangereux. Ne pas savoir ni où, ni quand, je vais me retrouver transportée, m'oblige toujours à une certaine prudence. Je suis extrêmement attentive au moindre bruit qui m'entoure, je suis, on peut le dire, impossible à approcher par surprise.

Soudain, une main entre en contact avec mes cheveux. Je sursaute, laissant tomber du même coup sur le sol ce qui reste de ma cigarette. Je me retourne, un peu vexée de m'être faite surprendre. Le caractère inattendu de l'événement me fait envisager le pire, et je me tiens prête à me défendre si nécessaire. Mais l'individu à l'origine de cette perturbation, paraît tout sauf agressif. Il est même un peu plus petit que moi. C'est un jeune homme blond au sourire rayonnant. Cependant, quelque-chose, dans son allure, est troublant.

-Oui... bonjour ? Je mets un instant à finalement me rendre compte qu'il ferme les yeux. Oh, oui...

Est-il aveugle ? Il n'a ni canne blanche, ni chien : si c'est le cas, il doit l'être depuis longtemps, ou même de naissance, et bien habitué à son état. Je me suis déjà occupé de quelques malvoyants à l'église, je sais à peu près comment me comporter face à eux. J'attrape doucement la main qu'il a utilisé pour m’interpeller et la place sur mon épaule, pour mettre en évidence ma position. Néanmoins, je ne peux pas vraiment accéder à sa requête.

-Désolée... Je n'ai pas de montre...

Je regarde autour de moi, il semble seul. Comment fait-il pour se repérer dans le parc ? Je vois une demi-dizaine d'endroit où il pourrait se faire mal, tomber, heurter un arbuste. Je lui souris à mon tour, avant de réaliser que ça ne sert pas à grand-chose. Il ne me semble pas très solide, surtout comparé à moi. Les vœux que j'ai prononcé m'obligent à l'aider, bien qu'évidemment, je ne le vis pas comme une contrainte. De plus, je dois avouer qu'il paraît gentil... et qu'il est plutôt mignon. J'essaie de mettre dans ma voix la douceur que je ne peux lui montrer par mon attitude.

-Tu cherches quelque-chose ?

59
Le coin du chalant / Re : Qui pour guider un jeune aveugle?
« le: vendredi 19 avril 2013, 18:57:42 »
Ton personnage est sympa ! Un RP avec moi te tenterait-il ? On peut commencer avec la troisième accroche, si tu veux, ou on pourra bien en trouver une autre.

MP moi si ça t'intéresse ! :)

60
Les chrétiens, au japon, ne sont pas beaucoup, à peine un demi-million de personnes. Alors, forcément, le rapport à la religion n'est pas tout-à-fait le même que dans mon pays, la Pologne, où elle est majoritaire à presque 90%. Je ne cherche pas absolument à imposer ma croyance aux habitants de l'archipel qui ont déjà leur propre sagesse païenne, cependant, je ne rate jamais une occasion de participer à un rassemblement des fidèles du Seigneur. C'est l'occasion de rencontrer des gens fascinants qui partagent ma foi : des individus assez rares, donc, ici. Seikusu ne possède qu'une seule église, dans un style qui n'est pas vraiment occidental, mais assez neutre. Si on ne sait pas qu'il s'agit d'un lieu de culte, on peut facilement passer à côté, ou la prendre pour un centre culturel quelconque.

Les règles, d'une manifestation à l'autre, sont souvent les mêmes. Et s'il y a une chose qui ne change presque pas, à l'exception d'un jour saint dans l'année, c'est la présence d'une messe, à un moment où à un autre. À la chaire, c'est le père Emmanuel qui célèbre l'eucharistie. C'est un saint homme que je connais bien : c'est lui qui m'héberge lorsque je suis sur Terre. Contrairement à ce que son nom semble indiquer, il est asiatique. Sa famille est l'une des assez rares survivantes chrétiennes des persécutions des différents régimes, et restée cachée, mais fidèle au Christ depuis le XVIe siècle. Il commence la prière eucharistique, en langue vernaculaire : pour des questions d'accessibilité, cela a été, après vifs débats, décidé ainsi. Je préfère les textes latins, plus fidèles au sens original, plus empreints de sacré mais je ne crois pas que cela compte beaucoup, dans le fond.

Père infiniment bon,
   toi vers qui montent nos louanges,
nous te supplions
   par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
d'accepter et de bénir ces offrandes saintes.


Je jette un  œil autour de moi. Il n'y a pas que des japonais dans la salle, loin de là. Beaucoup des fidèles sont européens, sans doute expatriés. Un léger vertige me prend. Puis des picotements remontent le long de mes jambes. Je sais ce que cela signifie, ces signes augurent toujours la même chose. Bientôt, dans quelques secondes, je vais disparaître sans laisser d'autres traces que mes habits sur le sol. Je grimace : la salle est grande, j'ignore si j'aurais le temps d'en sortir avant que cela arrive. Aussitôt, je me lève. Je ne dois pas traîner.

Nous te les présentons,
   avant tout pour ta sainte Église :
accorde-lui la paix et protège-la,
   daigne la rassembler dans l'unité
   et la gouverner dans toute la terre ;


Je suis presque obligée de sauter par dessus les jambes pour sortir du rang : bon sang, les gens ne pourraient-ils pas être un peu plus maigres ? La panique me prend, alors que je me sens ma tête qui tourne de plus en plus. Je réalise que je ne sortirais jamais à temps. J'aurais du rester à ma place, sans attirer l'attention, et avec un peu de chance, personne n'aurait rien remarqué. Maintenant, l'attention de certains, outrés, se tourne vers moi. C'est normal, ce que je fais est extrêmement peu respectueux. Je cours aussi vite que je peux, j'abandonne l'objectif de la porte. M'éclipser derrière ce pilier porteur en béton, auquel on a vissé un bénitier, fera l'affaire.

Souviens-toi, Seigneur, de tes serviteurs
   de tous ceux qui sont ici réunis,
   dont tu connais la foi et l'attachement...


Les fidèles, sur un signe du père Emmanuel, choisissent ce moment précis pour se lever. Je ne me suis pas encore extirpée de la foule. Je me sens presque déjà soulevée du sol, complètement déséquilibrée. Ma vision, jusqu'alors simplement chancelante, commence à se brouiller. Dans ma précipitation, je heurte assez violemment un jeune homme. Je veux m'excuser, mais je réalise que ma bouche a perdu le contact avec l'air, et ne peut plus émettre le moindre son. Trop tard. Les chants, repris par toute la salle résonnent à mes oreilles, de plus en plus lointains, de plus en plus déformés.

Saint ! Saint ! Saint, le Dieu de l'univers !
   Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire,
   Hosanna au plus haut des cieux.
Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ;
   Hosanna au plus haut des cieux...


***

J'ignore combien de personnes se sont rendues compte de ma disparition. Pour moi, la sensation de décoller (ou de tomber, ayant perdu, en réalité, toute notion de bas et de haut) est habituelle, je sais ce qui m'attend me sentir peu à peu débarrassée de la gravité, du poids de mon propre corps. Pourtant, cette fois, quelque-chose ne va pas. Au lieu d'éprouver une légèreté croissante, je suis un instant lourde et incapable de m'élever, comme si un poids tirait sur mon être, me tenait attachée au sol. Puis, la puissance du phénomène augmentant de façon exponentielle, cette masse inconnue est emportée elle aussi. Je ne peux m'empêcher de regarder autour de moi pour tenter de la distinguer. Il n'y a qu'une lumière intense, évidemment, comme à chaque fois. Je ferme les yeux, pour éviter la nausée.

Pendant un très court moment, je ne suis qu'un pur esprit, sans corps, c'est toujours ainsi que cela se passe. Cependant, ici, je perçois comme une seconde présence qui vient frapper contre mon âme. Je me rends compte que la place est limitée. Il n'y a pas la place pour deux essences, dans ce voyage. Que se passe-t-il ? Je me sens comprimée contre cette autre entité, serrée dans un espace infiniment petit. Nous ne rentrerons jamais dans ce... cet... endroit, tout les deux, c'est impossible. Je n'ai plus d'enveloppe, mais étrangement, je parviens à souffrir. Alors que normalement, cette étape ne dure qu'un instant, elle me semble ici se prolonger pendant une dizaine de secondes. Enfin, la pression retombe. Je retrouve le poids de mon corps, infiniment moins lourd !

***

Et je chute, d'une demi-dizaine de centimètres, sur un sol en pierre. Étrange, jusqu'ici, ma téléportation m'avait toujours exactement transportée sur un solide, au millimètre près, et jamais dans les airs. Je soupçonne la singulière sensation d'avoir à voir avec l'imprécision de mon voyage : j'arrive quand même à atterrir debout, ce qui était loin d'être le cas, les premières fois. Une très forte odeur de pourriture arrive à mes narines. Ça sent la vieille charogne. Je rouvre rapidement les paupières, et aperçois le plafond en pierre brute de ce qui semble être une grotte. Je suis dans un coin obscur, un dénivelé, presque un trou, d'environ un mètre trente de haut. La seule source de lumière est lointaine et irrégulière, comme les flammes d'une torche, le reste de la pièce, qui paraît assez petite, est plongée dans le noir.

Portant mon attention sur le sol, je vois que non-loin, des carcasses d'animaux plus ou moins gros sont entreposées, à côté de quelques denrées. La plupart sont dans un état de décomposition peu avancé, ce qui ne les empêche pas de puer. Je sais que sur Terra, il est d'usage de manger du gibier faisandé de plusieurs semaines, mais cela ne me met pas l'eau à la bouche pour autant. L'une des premières choses que je m'attache généralement à faire, lorsque je suis projetée dans un endroit, quel qu'il soit, est de chercher un quelconque vêtement, drap, tapis, pour m'habiller. Cette idée n'occupe toutefois pas plus longtemps mon esprit, car je distingue, à quelques centimètres de moi, un individu qui bouge. Était-il là avant mon arrivée... où était-ce lui, la fameuse masse qui m'empêchait de m'élever ? J'entends des pas de quelqu'un qui vient en notre direction, en provenance de ce qui paraît être un couloir.

Par réflexe, je me baisse. J'hésite un instant, puis je fais en sorte que l'inconnu à côté de moi adopte lui aussi une position moins visible. L'obscurité m'empêche de distinguer ses traits, mais dans le même temps, je parviens à appuyer sur sa bouche, pour prévenir tout cri susceptible de nous faire repérer. La grotte ressemble à la demeure d'une quelconque peuplade primitive, terranides, gobelins, humains archaïques, je l'ignore, mais ce sont presque toujours des chasseurs peu amicaux avec les étrangers. J'espère simplement qu'il n'est pas trop sujet au vertige, comme moi lors de mes premières téléportations, cela éviterait qu'il vide dans ma paume le contenu de son estomac... Les pas continuent de se rapprocher.

Pages: 1 2 3 [4] 5