Le Japon est le pays du soleil levant... Aussi, le soleil japonais... En réalité, le soleil japonais n'est pas vraiment différent des autres soleils. Ce qui ne l'empêche pas d'être agréable, quand il est haut dans le ciel, et que ses rayons viennent réchauffer les passants. Je n'ai pas vraiment été habituée à la chaleur, dans mon pays d'origine, la Pologne. Si les étés y sont assez tièdes, et les hivers sont vraiment plus durs qu'ici. Sur Terra, cependant, je me suis pas mal rattrapé. La plupart des endroits que j'ai visité dans cette dimension m'ont paru plus chauds mais aussi surtout plus secs que la moyenne de la Terre.
Sinon, c'était une belle journée, le genre qui donne envie aux gens de sortir de chez-eux. Le matin même, j'ai aidé un ami barman à servir le surplus de clients. Comme d'habitude, je n'ai pas cherché à être payée, mais j'ai accepté le paquet de cigarettes et la boîte à repas qu'il m'a proposé en récompense de mes efforts. J'ai ouverte cette dernière : les japonais, je crois, l’appellent Bento, beaucoup de riz, un peu de poisson et quelques légumes ici et là. On en trouve partout, ici. Je ne suis pas difficile, même si ce n'est pas mon plat préféré, c'est assez nutritif. Ça évitera au père Emmanuel d'avoir encore à me nourrir, aujourd'hui, bien qu'il n'y voit jamais de problème.
Joyeuse, j'ai donc décidé d'aller profiter de mon repas dans un lieu ouvert. Je repérai justement un grand parc, non-loin. Le principal coin de verdure de Seikusu, encore qu'il soit maintenant assez aménagé. Marchant, à pied, jusqu'à une table à pique-nique, je demande à un passant un briquet, pour allumer ma cigarette. Il n'est jamais très facile de repérer les gens qui sont susceptibles d'avoir du feu. Quand ils ne sont pas en train de fumer eux-même, j'essaie auprès des étudiants, ou des hommes aux cheveux longs : ce sont eux qui me donnent les meilleurs résultats. Ici, j'ai de la chance. Je le remercie et continu.
À mes lèvres, l'agréable nicotine empli mon être, alors que j'écoute, sereinement, le chant des oiseaux. Tranquille, je me demande quand ma prochaine téléportation inopinée va me tomber dessus. Je repère des yeux quelques arbres derrière lesquels je pourrais me cacher, si cela arrivait. J'espère que, cette fois, elle ne me mènera pas vers un lieu trop dangereux. Ne pas savoir ni où, ni quand, je vais me retrouver transportée, m'oblige toujours à une certaine prudence. Je suis extrêmement attentive au moindre bruit qui m'entoure, je suis, on peut le dire, impossible à approcher par surprise.
Soudain, une main entre en contact avec mes cheveux. Je sursaute, laissant tomber du même coup sur le sol ce qui reste de ma cigarette. Je me retourne, un peu vexée de m'être faite surprendre. Le caractère inattendu de l'événement me fait envisager le pire, et je me tiens prête à me défendre si nécessaire. Mais l'individu à l'origine de cette perturbation, paraît tout sauf agressif. Il est même un peu plus petit que moi. C'est un jeune homme blond au sourire rayonnant. Cependant, quelque-chose, dans son allure, est troublant.
-Oui... bonjour ? Je mets un instant à finalement me rendre compte qu'il ferme les yeux. Oh, oui...
Est-il aveugle ? Il n'a ni canne blanche, ni chien : si c'est le cas, il doit l'être depuis longtemps, ou même de naissance, et bien habitué à son état. Je me suis déjà occupé de quelques malvoyants à l'église, je sais à peu près comment me comporter face à eux. J'attrape doucement la main qu'il a utilisé pour m’interpeller et la place sur mon épaule, pour mettre en évidence ma position. Néanmoins, je ne peux pas vraiment accéder à sa requête.
-Désolée... Je n'ai pas de montre...
Je regarde autour de moi, il semble seul. Comment fait-il pour se repérer dans le parc ? Je vois une demi-dizaine d'endroit où il pourrait se faire mal, tomber, heurter un arbuste. Je lui souris à mon tour, avant de réaliser que ça ne sert pas à grand-chose. Il ne me semble pas très solide, surtout comparé à moi. Les vœux que j'ai prononcé m'obligent à l'aider, bien qu'évidemment, je ne le vis pas comme une contrainte. De plus, je dois avouer qu'il paraît gentil... et qu'il est plutôt mignon. J'essaie de mettre dans ma voix la douceur que je ne peux lui montrer par mon attitude.
-Tu cherches quelque-chose ?