- Comment avez-vous obtenu ce document ?!
De toute évidence, la nouvelle choquait le Roi de Sylvandell, mais pour Serenos, ce n’était pas plus surprenant que ça. De nombreux opposants, révolutionnaires, terroristes ou un maître du donjon plus opportuniste que d’autres n’hésiteraient pas à s’en prendre à une princesse si cela avançait leur agenda. Non, ce qui surprenait davantage le Roi, c’était que ce codex ne disait rien à propos de celui qui avait donné ces ordres.
- Je l’ai obtenu dans une investigation des niveaux plus profonds de Kor-Tarath, dans une salle que je crois avoir été construite pour préparer des rituels, passé la grande bibliothèque. Ce codex parle de la descendante d’Erwan Korvander, et de la spécificité de votre lignée, ce lien avec les Dragons. J’ignore les détails, et je ne crois pas que quelqu’un d’autre que l’auteur de ce codex sache vraiment quelles sont ses intentions. J’ai vu ces symboles apparaître récemment en Meisa et en Aranie, et certains Nordiens prétendent avoir vu certains membres d’une nouvelle tribu peindre ce
même symbole sur leurs vêtements. Nous les avons chassés, évidemment, mais le mouvement prend de l’ampleur.
Serenos s’abstint de dire qu’il avait également vu ce symbole apparaître en Galadie lors de son dernier voyage diplomatique chez ses voisins de l’Est. C’est à croire que le culte des Dieux commençait à prendre une nouvelle forme, mais Serenos ne pouvait pas agir directement, puisque le Grand Pontife refusait qu’il intervienne, un comportement étrange pour un dévoué serviteur des Dieux lorsqu’il fait face à un mouvement hérétique ou païen.
- J’essaie de rejoindre les experts de tous les continents, mais je n’ai rien de concret. Peut-être que votre Omniprêtre a des réponses. J’ai épluché tous les livres d’Hector, et si ce symbole existait autrefois avec une certaine signification, elle a été perdue, ou quelqu’un a manipulé l’histoire pour que seul ceux qui connaissent l’histoire savent ce qu’il représente. Une espèce de voile du Sorcier, si vous voulez.
Hector était un historien Nexusien qui collaborait avec de nombreux scribes et hommes d’états pour consigner par écrit l’histoire de tous les royaumes de son époque, avec les contes et le folklore que les royaumes conservaient. Le folklore ne semblait pas très important, mais c’était souvent par là que passait la personnalité d’un peuple, donc, Hector avait jugé bon de conserver les faits vérifiables et les faits à prouver dans ses écrits. Pour ce qui est du voile du Sorcier, c’était un sortilège que certains mages pouvaient lancer pour faire en sorte que quelqu’un, ou quelque chose, perte toute signification. On n’oublie pas la chose, mais elle devient tellement triviale qu’elle devient un très vieux souvenir qu’on peine à ramener en mémoire, même si elle est l’évidence même. Si un voile du sorcier perdure assez longtemps, l’objet devient oublié de la mémoire collective à l’exception du lanceur.
Serenos marqua une pause avant de lever les yeux vers Tywill.
- Tywill, comme la mienne, votre famille a beaucoup de secrets. Pouvez-vous penser à quoi que ce soit qui pourrait expliquer que votre enfant puisse être visé? Un secret magique, un rituel, une prophétie, n'importe quoi qui serait lié à vous ou à votre ancêtre, Erwan?
Le Roi de Meisa savait que c'était presque comme demander à Tywill de révéler des secrets d'états à une puissance étrangère, mais Serenos croyait avoir prouvé sa bonne foi envers le royaume de Sylvandell. Il agissait dans l'intérêt des jeunes femmes et jeunes hommes cités dans le document, mais aussi pour une autre raison. Parmi les hommes cités dans le document, si Tywill y portait attention, il pourrait y lire le nom d'Aldericht, le second fils de Serenos et l'un des mages les plus proéminents de sa génération et, comme son père, un Sorcier. Serenos voulait protéger son fils, mais il devait savoir ce qu'il avait en commun avec Alice, hormis son titre de prince. Par sa mère, Serenos descendait d'une très longue lignée de mages et sa généalogie remontait jusqu'à l'époque des premiers Sorciers, ce qui lui avait permis de survivre à son hybridation.
***Veronique***
La faim de Veronique était un monstre, et comme tout bon monstre, il était mieux pour tout le monde de le laisser dormir. Trop tard pour prévenir la princesse de Sylvandell, car les pages apportaient déjà la nourriture, et Véronique perdit tout intérêt en elle ou en Melendil. Elle grimpa sur la table, où elle s’assit et agrippa une cuisse de poulet et la dévora avec appétit. Depuis la pomme et la tentative d’Alice de lui faire manger du chocolat, elle n’avait pas eu grand-chose à se mettre sous la dent, alors quand on lui présente de la volaille encore fumante, l’empêcher de s’en faire un plein ventre était une entreprise presque impossible. La jeune femme dévora rapidement tout ce qu’on lui présenta, et encore, après que les cuisiniers semblèrent croire qu’elle en avait eu assez, elle semblait encore prête à en manger plus.
Au moment de repartir avec une assiette sale, un des pages ne put s’empêcher de faire remarquer.
-Euh, mademoiselle… vous avez une tâche, là.
Et il pointa un endroit sur son chandail, trop poli pour l’indiquer directement. Veronique ne sembla pas comprendre, avant qu’une odeur sucrée ne lui fasse remarquer la très grosse tâche de sauce sur son haut. Avec la désinvolture propre aux sauvageonnes, elle retira son chandail devant Alice et Melendil, exhibant une poitrine généreuse et bien ronde à leur vue. Le page rougit jusqu’au bout de ses oreilles et détourna le regard en s’en allant vers la cuisine, non sans se prendre le cadre d’une arche en plein visage.
Maintenant sans pull pour se réchauffer et faire office de pelage, Veronique sentit un frisson monter le long de son échine. Elle frissonna puis lâcha un éternuement. Un tout petit « pitchu ! » adorable. Elle se regarda un moment, puis regarda Alice et vint se presser contre elle pour profiter de sa chaleur. Après tout, contrairement aux Terranides de sang pur, elle tenait la même résistance physique au froid que les humaines, et Alice semblait plus que volontaire pour lui faire des câlins, ce qui était une bonne chose pour elle!