Un congé n'est pas forcément de tout repos [Milady de Culam]

« Alors, c’est là ?
 -  Oui… C’est charmant, tu ne trouves pas ?
 -  Ça a l’air... Même si j’ai le sentiment qu’on va se ruiner…
 -  On a bien le droit de se détendre un peu, non ? »

Nika hocha la tête, et rangea sa moto, l’arrêtant, et descendit de cette dernière, suivant Ryouka, qui s’engageait le long d’une petite cour menant devant un grand manoir. Un discret écriteau à l’entrée annonçait qu’on se trouvait bien devant le « Voile d’Aphrodite », une structure assez récente, qui avait attiré l’attention de Ryouka quand elle avait fait des recherches il y a quelques jours. Nika revenait d’une mission assez éprouvante, et son anniversaire approchait. Sa sœur avait donc décidé de lui offrir un cadeau d’anniversaire un peu particulier, en l’invitant à une maison de charme qui serait d’un très bon niveau. Connaissant les goûts assez ouverts de Nika, Ryouka avait cherché quelque chose, en recherchant un peu partout. C’était presque par un heureux coup du hasard.

Les deux femmes s’avancèrent, entrant à l’intérieur du manoir. L’ensemble était très propre et très élégant, impressionnant et grand. Il y avait de grandes fenêtres avec de longs rideaux. Ryouka se fit la réflexion que, s’il y avait une tempête, on aurait pu se croire dans un décor de film d’horreur...

« J’ai réservé une chambre avec la propriétaire de cet établissement, susurra-t-elle à son oreille.
 -  Oh, rien que ça ?
 -  Il paraît qu’elle est super douée !
 -  Tu t’es encore ruinée pour moi, pas vrai ?
 -  Tu sais bien que rien n’est jamais trop cher pour toi... »

Nika lui fit un léger sourire amusé, et les deux femmes s’approchèrent de la réception. En réservant, Ryouka avait du préciser ses orientations sexuelles, ce qu’elle refuserait de faire, et ce qui lui ferait plaisir. Elle avait également parlé au nom de Nika, se disant être « ouverte à bien des supplices sans que ça ne vire dans la laideur ». Elle avait refusé de se faire vomir dessus, ou de recevoir des excréments, ce qui était un peu extrême pour elle. Elle n’avait pas été contre, loin de là, l’idée de faire l’amour à plusieurs, et d’être méchamment humiliée et battue... Tant que ça n’impliquait pas d’être mutilée, grièvement blessée, ou de finir dans uns eau de merde. Ryouka avait tenu à faire ces précisions, car elle avait vu, sur Tekhos, certains faits divers qui étaient à vous en retourner l’estomac. Elle était perverse, certes, mais pas cinglée.

Les deux femmes se rendirent vers le comptoir, où des hôtesses dans le style de l’endroit les accueillirent.

« Je m’appelle Ryouka, et... J’ai passé une réservation pour moi et ma sœur. »

Les deux femmes portaient leurs tenues habituelles, c’est-à-dire, pour Ryouka, une robe moulante avec des manches longues, des collants longs et des bottes, et, pour Nika, une minijupe, un long manteau noir dans le dos, un haut collant et noir, et des collants. Elle portait également ses inséparables lunettes, et observait les lieux. L’endroit était... Plutôt sympa. Difficile de se dire que c’était une maison de charme orientée sadomasochisme, quand on voyait certains trous putrides de Tekhos... Comme quoi, les apparences étaient parfois trompeuses.

La novice de faction à l'accueil du manoir soupira.  Non pas que l'ennui la gagnait ni qu'elle détestait sa condition, mais ce début de soirée s'annonçait difficile. Le dress-code du jour lui imposait le port d'un nouvel accessoire dont elle se serait bien passée, une paire de ballet-boots. Ces ignobles choses de cuir lui avaient fait perdre l'équilibre à de nombreuses reprises depuis le début de son service, sans compter la douleur que cette position imposait. Et évidemment le poste d'accueil se tenait debout, tout siège étant interdit au comptoir.

Elle grimaçait de gêne alors qu'elle vérifiait une nouvelle fois que sa tenue était impeccable. Le corset noir bien ajusté, les bas résilles intacts, le string en place et prêt à être bougé au moindre ordre de sa maîtresse, et bien sur le collier ornementé indiquant son statut de soumise ainsi que sa place dans la hierarchie de la maison.

Ses vérifications faites, elle reprit la lecture de son livre. Milady savait que le poste d'accueil pouvait être ennuyeux et elle autorisait, et encourageait même, la lecture chez ses filles. "Une journée passée sans apprendre est une journée perdue" disait-elle souvent, aussi la grande bibliothèque était toujours disponible et régulièrement approvisionnée d'ouvrages de toutes sortes.

Elle eu l'impression qu'elle venait à peine de commencer à lire quand deux demoiselles franchirent le seuil de la demeure pour se présenter à elle. Au premier regard, elles semblaient un peu perdues, comme si elles doutaient être au bon endroit. La novice les accueillit d'un sourire poli, attendant qu'elles prennent la parole.

«Je m’appelle Ryouka, et... J’ai passé une réservation pour moi et ma sœur.»

L'hôtesse hocha la tête, souriant toujours poliment et vérifia, plus par prudence que par nécessité, le registre. Elles avaient bien pris reservation, avec sa maîtresse elle même, celle ci l'ayant avertie de la visite plus tôt dans la journée.
Elle sorti donc de derrière son comptoir et leur fit signe de la suivre, les menant au travers de la résidence, jusqu'à une chambre de l'étage dont elle leur désigna la porte avant de retourner à son accueil sans avoir prononcé le moindre mot.

Elles tombèrent sur une muette qui leur fit signe de la suivre. Nika et Ryouka obtempèrent, en profitant, tout naturellement, pour reluquer la belle.

« En voilà une qui est bien habillée, au moins... murmura Nika à voix basse.
 -  Tu trouves ? répliqua Ryouka avec un léger sourire.
 -  Une tenue comme je les aime... »

Il fallait effectivement dire qu’elle était bien habillée. Elle portait un joli corset noir, un collier, et de curieuses chaussures, qui devaient l’amener à marcher constamment à pieds joints... Ce ne devait pas être pratique tous les jours. La femme était silencieuse, en position de soumise, et les guida vers une porte  la déverrouillant, avant de s’en aller. Soit cette fille était l’exemple même de l’impolitesse, soit elle était tellement soumise qu’elle n’osait pas, ou n’avait pas le droit, de parler aux clients. Nika ne s’en formalisa pas vraiment, et entra dans la pièce.

C’était une belle chambre, typique d’un manoir. Il y avait de la tapisserie, un grand lit, des poutres apparentes, de grandes fenêtres victoriennes avec d’épais rideaux, et un grand tableau. Plusieurs meubles se tenaient là, et Ryouka commença à les inspecter, trouvant un certain nombre d’outils et d’objets qui allaient probablement trouver une quelconque utilité cette nuit. En revanche, leur Maîtresse attitrée n’était pas encore là... Sans doute était-ce un moyen de les faire patienter. Ryouka continuait à inspecter le décor, quand Nika se blottit contre elle, posant ses mains sur le postérieur de sa sœur, les caressant.

« Tu réalises que tu as tes mains posées sur mes fesses, là ? minauda Ryouka.
 -  Vraiment ? Ça ne me ressemble pas, pourtant... »

Ryouka sourit, et se retourna, puis embrassa sa sœur, langoureusement. Sa langue se faufila dans sa bouche, et elle enroula ses bras autour de sa nuque, tandis que Nika vint lentement la soulever, posant les précieuses fesses de sa sœur sur un meuble, contre un miroir. Elles continuèrent ainsi à s’embrasser, Killer caressant ses jambes, glissant ses doigts sous la courte robe de sa sœur.

« Tu crois que cette femme arrivera à te dresser ?
 -  Je suis facile à dresser, moi... objecta Ryouka.
 -  Ce n’est pas vraiment le diagnostic que je ferais... »

Il n’y avait plus qu’à attendre. Nika s’écarta de sa sœur, regardant autour d’elle, espérant qu’elle n’aurait pas trop à attendre.

Milady entendit depuis le couloir les voix résonnant dans son boudoir privé. Ses jouets du soir étaient arrivés.
Elle se plaça dans l'encadrement de la porte, observant le manège des deux soeurs qui se calinaient tendrement sans se savoir observées et esquissa un sourire narquois en admirant ce mélange de tendresse et de perversité.

"Vraiment touchant cet amour sororal..."
Elle avait pris la parole en entrant dans la pièce, ne souhaitant pas être ignorée plus longtemps. Sans même attendre la réaction de ses convives, elle s'avança, suivie d'une soumise, jusqu'à une superbe chaise ouvragée, pas vraiment un trône mais bien plus majestueux qu'un fauteuil, où elle prit place et profita de la douceur du feu qui crépitait dans la cheminée. Sa suivante vint derrière elle, restant debout, fière et digne d'escorter sa maitresse.  Sa tenue était sensiblement différente de la "muette" qui avait conduit les soeurs jusque là. Elle portait un corset, un string et des résilles comme sa consoeur mais son collier avait une apparence différente, plus compliquée, elle n'avait pas à subir la torture des ballet-boots et se dressait sur des talons aiguilles. Un masque de cuir venait compléter sa tenue, masque qui ne s'ouvrait que pour les yeux, la bouche et pour laisser tomber une longue tresse de cheveux noirs.
Milady, tout juste vêtue d'un kimono de soie rouge et dorée, assez ouvert pour laisser deviner une peau pale et délicate ainsi qu'une poitrine généreuse mais zébrée de traits rouges, preuves d'ébats récents et sauvages, ne pouvait détacher ses yeux du couple singulier qui avait choisi de s'offrir à ses désirs pour la nuit.  Elle avait eu trop peu souvent l'occasion de s'amuser avec les membres d'une même famille, elle n'allait donc pas bouder son plaisir.
"Bienvenue en ma demeure mesdemoiselles."
Elle ponctua sa phrase d'un sourire bien trop carnassier pour être honnête...

Les deux sœurs se caressaient et s’embrassaient mutuellement pour passer le temps, mais aussi parce que, de manière plus intime, elles n’avaient pas eu l’occasion de se faire un câlin de ce genre depuis bien des semaines. Il fallait dire que l’activité de Nika avait été assez intense ces derniers mois. Elle avait effectué beaucoup de missions pour le compte du groupe, et, à chaque fois qu’elle revenait au bunker, c’était pour y apprendre que Ryouka se trouvait à Tekhos Metropolis. Elles avaient donc posé un congé en commun, et se trouvaient ici. Leurs baisers et leurs caresses témoignaient de la profonde et lointaine affection que les femmes ressentaient l’une pour l’autre. Le sang qui coulait dans leurs veines n’était pas le même, mais elles n’en restaient pas moins des sœurs, car elles se connaissaient depuis leur plus jeune âge.

« Je suis tellement heureuse de retrouver ton corps, Nika... » souffla Ryouka dans son oreille.

Des deux, Ryouka était la plus romantique, la plus sensible, mais aussi, paradoxalement, la plus perverse. Killer lui sourit, et alla lui répondre, quand elles entendirent du bruit. Les deux femmes tournèrent simultanément la tête, afin de voir une troisième femme entrer... Ainsi qu’une quatrième, qui se tenait derrière elle. Il n’était pas difficile de deviner qui était la Maîtresse, et qui était la soumise. Celle qui avançait la première portait un élégant kimono rouge avec des teintures dorées, qui recouvrait son corps tout en laissant des parties assez découvertes. Son décolleté permettait ainsi de voir quelques griffures rouges ornant ses seins. Nika vit naturellement ce petit détail de son anatomie, étant, après tout, une bonne observatrice. Sa langue passa sur ses lèvres, tandis que la femme, lentement, allait s’asseoir sur un impressionnant fauteuil rembourré, sa servante à côté d’elle.

Cette dernière était différente et similaire à l’hôtesse. Différente, car elle portait d’autres vêtements, mais similaire, dans la mesure où elle avait l’air aussi muette que l’autre... Nika, qui n’avait pas une très grande expérience des clubs SM, se dit que ce devait être normal, et ne chercha pas à en savoir plus. Elle était belle à regarder, que ce soit pour son corset qui avait l’air bien serré, sa culotte visible, ou ses résilles. Nika trouvait également son masque très sensuel, ainsi que son collier, et sentait l’excitation monter de manière irrépressible.

« Bienvenue en ma demeure mesdemoiselles » lança alors la femme, avec un sourire sur les lèvres.

Un sourire pervers. Nika ne répondit pas sur le coup, observant cette femme, son air déterminé, ses belles lèvres, sa longue chevelure de corbeau. D’elle, de son corps, de sa tête, de ses seins griffés, il se dégageait un charme à la fois sauvage et noble. Pour l’heure, Nika était sous le charme.

« Merci, Madame, répondit Ryouka, en baissant respectueusement la tête.
 -  C’est Milady de Culam ? » demanda Nika dans le creux de l’oreille de Ryouka.

Cette dernière confirma en hochant la tête, et Nika s’avança alors vers la femme. Elle fléchit un genou, et attrapa la main de Milady, lui faisant un baisemain.

« Nous vous remercions pour votre accueil, Madame... Ou peut-être devrions-nous employer un autre qualificatif pour vous désigner ? »

Après tout, elles étaient censées être les esclaves de cette femme pour la nuit.

Milady fût quel que peu surprise de l'initiative de la jeune femme. Se jeter ainsi au sol devant elle pour lui baiser la main, voilà qui était proprement pitoyable, tout juste digne d'un mauvais film mais elle ne s'en formalisa pas et passa sa main sous le menton de son invitée pour lui faire lever le visage.
Ses yeux semblaient flamboyer, mais cela était surement du au feu dans la cheminée et elle répondit d'une voix qui se voulait encore douce pour le moment.
"Vous venez d'admirer ma main de très près et pourtant vous m'appelez Madame... Voyez vous une quelconque trace d'alliance sur mes doigts? D'ailleurs voyez vous le moindre bijou?"

D'un geste dédaigneux de la main, elle fit signe à la jeune femme de reculer et de reprendre place auprès de sa soeur.
"Appelez moi Milady, c'est mon titre et je ne désire aucune autre appellation. Me suis je bien faite comprendre?"  N'attendant pas la réponse de deux filles, elle reprit aussitôt la parole. "Alors dites moi un peu ce que deux jeunes femmes comme vous attendent de cet endroit et de ma personne. J'ai accepté de m'occuper de votre cas, j'espère que ça en vaut la peine.."

Durant toute la durée de cet échange, la soumise au masque de cuir était demeurée parfaitement immobile et silencieuse, mains derrière son dos dans une pose que l'on pourrait qualifier de martiale et fixant droit devant elle avec un regard vide de toute émotion.

Nika fut proprement repoussée, et entreprit de se relever, sentant, sur le coup, une pointe d’agacement la traverser.

*Aussi aimable qu’une porte de prison...*

L’Héroïne resta les bras croisés devant la femme, qui leur demanda alors ce qu’elles attendaient de cette soirée. Nika pencha la tête, tandis que Ryouka se grattait l’arrière de la tête. Il y eut un court moment de silence. Baissant la tête, Nika essaya de se calmer. Elle n’allait pas gâcher toute une soirée pour une simple remarque.

*Ça m’apprendra à suivre les idées de Ryouka, tiens...*

Décroisant les bras, Killer attendit, et ce fut Ryouka qui, finalement, répondit, légèrement perplexe :

« Je croyais que vous le saviez déjà... s’hasarda-t-elle prudemment. Et, si je peux me permettre, c’est plutôt à nous d’attendre quelque chose d’intéressant de votre part... »

Pour Ryouka, tout ça était une sorte de comédie. Cette femme n’était pas vraiment aimable, mais ce n’était pas vraiment le rôle qu’on attendait d’elle. La sœur de Nika haussa donc les épaules, se mettant à marcher, et s’approcha de sa sœur, caressant l’une de ses joues, avant de l’embrasser tendrement. Nika soupira, se décrispant un peu, répondant au baiser de sa sœur. Il fut assez bref, avant que Ryouka ne tourne à nouveau la tête, parlant une nouvelle fois à Milady :

« Nous sommes venues vous faire l’honneur de notre présence afin de célébrer l’anniversaire de ma sœur...
 -  Autant dire que je n’ai pas envie d’être déçue. »

Ryouka se décolla du corps de sa sœur, caressant avec l’un de ses gants le rebord d’un meuble.

« Très simplement, nous sommes venues voir si vous arriveriez à... Nous stimuler par votre maîtrise de la douleur et de la soumission. Pour les détails, vous n’avez qu’à consulter le questionnaire que j’ai du remplir. »

Ce questionnaire, très simplement, énumérait ce à quoi Ryouka avait consenti et rejeté. Humiliation, blessures légères, bandage, domination... Elle était restée relativement timorée par rapport aux nombreuses options disponibles, Nika n’ayant pas sa propre expérience... Du reste, un club terrien ne proposait pas l’étendue des choses disponibles à Tekhos. Quand Ryouka avait sorti à Milady qu’elle attendait quelque chose d’intéressant d’elle, ce n’était pas que de la provocation. Elle avait été dans des boîtes tekhanes, et la technologie permettait de découvrir bien des expériences nouvelles, expériences qu’on ne pouvait pas espérer avoir sur Terre.