« 50 pièces d’argent ? Vous vous moquez de moi !
- C’est le prix usuel pour des articles de ce genre.
- Je crois plutôt que j’irais voir un marchand qui n’est pas un escroc... Encore que ce doit être une espèce plutôt rare dans cette ville.
- Croyez-moi, répliqua le marchand en haussant les épaules, mon offre est très généreuse. J’ignore de quel village isolé vous venez, mais nous sommes à Nexus. Les griffes de kikimorrhe se trouvent dans n’importe quelle échoppe.
- Rares sont celles qui sont en parfait morceau, et aussi bien faites ! Cette griffe n’a pas appartenu à une simple ouvrière, mais à une puissante kikimorrhe !
- J’admets qu’elle est de bonne facture, mais ce n’est pas une raison pour l’acheter à un prix si élevé. Nous ne sommes pas totalement libres de fixer nos prix, vous savez, et je ne peux décemment pas la revendre à un prix trop élevé sans porter aux principes déontologiques qui régissent notre profession.
- Aux principes déontologiques ?! Et quels sont ces principes, dites-moi ? Entubez les clients autant que possible ?
- Si votre seul intérêt est de me provoquer, Monsieur, je vous suggère de partir. Je suis tout à fait en droit de porter plainte ! Renseignez-vous ! Le cours de ce genre d’articles n’est pas favorable à la bourse ! »
Soupirant, Cahir fit un geste de la main, et reprit ses griffes, laissant là cet escroc. Le marchand d’armes attendit soigneusement que Cahir se soit éloigné, avant de faire signe à plusieurs de ses hommes d’aller le détrousser. On était à Nexus, après tout, et le marchand avait partiellement menti. Les griffes de kikimorrhe étaient de très bons articles de contrebande. Le marché noir, à Nexus, était un marché très important, utilisé par bon nombre de marchands et de guildes, en raison des taxes nexusiennes, excessives. Tout était corrompu dans cette ville, et les marchands n’aimaient pas trop voir une part importante de leurs bénéfices partir dans les assiettes et les grands tableaux luxueux des bourgeois nexusiens. Les griffes de kikimorrhes étaient des ingrédients alchimiques précieux, mais elles permettaient aussi de forger des armures solides. Le marchand connaissait des alchimistes qui seraient très intéressés par ces articles, mais il ne tenait pas à débourser trop d‘argent pour les obtenir. Dans ce genre de situations, il fallait être rusé. Ses hommes allaient suivre cet étranger, et l’égorgeraient dans un coin. En bonus, le marchand aurait même l’épée de cet énergumène ! On ne venait pas au marché de Nexus proposer des articles en étant indépendant. Or, il n’y avait aucun signe visible sur lui témoignant d’une appartenance à une quelconque guilde. Personne ne viendrait porter plainte s’il venait à mourir.
Cinq hommes suivaient prudemment Cahir. Si cet homme avait réussi à tuer des kikimorrhes, c’est qu’il devait être un bon combattant. Il valait donc mieux se méfier, et envoyer plus d’hommes que nécessaires. Cahir, de son côté, comprit très rapidement qu’il était suivi, mais fit mine de ne pas s’en rendre compte. Il avait tué plusieurs kikimorrhes dans des marécages, et s’était rendu au marché de Nexus, bien loin de sa patrie natale, afind ‘essayer de les revendre.
*Plus j’erre dans ce trou-à-rats, et plus je réalise à quel point la propagande ashnardienne n’est pas si éloignée que ça de la vérité... Il n’y a que des corrompus ici, des mendiants, des clochards, des voleurs, des arnaqueurs, des escrocs... Cette ville n’est plus que l’ombre de ce qu’elle fut jadis...*
Il manquait à Nexus une personne forte, un véritable souverain qui servirait de modèle. La Reine Ivary était trop jeune pour ce rôle, et ses conseillers n’étaient que des opportunistes, des requins et des comploteurs. Cahir y songeait tout en se rapprochant d’un boucher, prenant un morceau de viande. Il avait faim, et s’écarta un peu, s’éloignant progressivement du marché, se dirigeant vers une auberge. Il empruntait volontairement des rues isolées, jusqu’à entendre des hommes l’entourer. Cahir s’arrêta alors. L’apatride était encerclé, et il les regarda brièvement.
« Je suppose que vous ne cherchez pas à discuter, Messieurs.
- Y a deux manières de régler ça, mon petit pote. Soit tu nous refiles tout ce que t’as, et p’t’ête qu’on t’laissera vivre, soit tu décides de faire chier, et on te zigouaille comme une sal’perie de porc.
- Je prends note... Mais je suis très attaché à mes effets personnels. »
Le malotru se fendit d’un large sourire.
« J’aime mieux ça... gloussa-t-il. Zigouayez-le ! »
Dans le dos de Cahir, un homme armé d’un poignard s’approcha rapidement, levant sa lame pour l’abattre. Cahir le laissa approcher, puis réagit rapidement, envoyant son coude en arrière. Ce fut rapide, et il l’envoya fracasser le nez du bandit, qui, surpris, tomba à la renverse. Les autres réagirent rapidement. Un bandit tenait un fléau dans sa main, et courut rapidement vers Cahir, abattant l’arme sur lui. Il faisait tournoyer son arme, et Cahir fléchit les genoux, roulant sur le sol, évitant le coup. Il se redressa rapidement, et porta sa main à son épée. Au même moment, il vit un autre bandit foncer sur lui, armé d’une épée.
*Ces types sont des amateurs...*
L’homme venait bien trop vite, et, tout en ayant la main gauche sur la garde de son épée, il leva son pied, et l’envoya atterrir dans l’estomac de l’homme, le couchant au sol. Le brigand avec le fléau courut vers Cahir, mais ce dernier dégaina son épée, avant de se retourner, et de trancher d’un coup sec la main de l’homme tenant le fléau. C’était une longue et belle épée, qu’il tenait à deux mains. La lame était forgée dans le plus pur acier valyrien, l’un des plus puissants aciers du monde. L’acier valyrien était très rare et très précieux. L’homme n’eut pas le temps d’hurler sa douleur, car l’épée de Cahir siffla à nouveau, lui décapitant proprement la tête.
« Tu t’en tireras pas comme ça, enfoiré ! »
Un bandit leva la main vers lui, et Cahir, à sa grande surprise, réalisa avoir affaire à un magicien. Ne boule de feu se matérialisa dans la paume de sa main, avant qu’il ne l’envoie vers l’apatride. Ce dernier fit une pirouette, évitant proprement la boule de feu, puis utilisa sa lame pour trancher une seconde boule de feu, quelques flammèches venant rapidement s’éteindre sur son manteau. Énervé, le bandit visa à nouveau, et tenta d’envoyer une autre boule de feu, lorsque Cahir porta l’une de ses mains gantées au collier autour de son cou, ouvrant un pendentif. Un cristal se mit à briller, et la boule de feu disparut presque instantanément.
« Mais que... ?! »
Soupirant, Cahir sortit de sa ceinture une petite dague, et l’envoya droit vers l’homme. L’arme traversa la gorge de ce dernier, crevant sa pomme d’Adam.
« La dymérite est très efficace contre la magie... Je vous laisse trois secondes pour fuir, cancrelats. »
Les tueurs n’en demandèrent pas plus, et fichèrent le camp. Cahir récupéra ses armes, contempla les cadavres avant de grogner, puis reprit son gigot, et s’éloigna.
Un peu d’exercice, ça ne pouvait jamais faire de mal.