Shhhhhling !
La douce lueur du métal doré sous ce soleil d'automne... Bien que la morsure du froid était belle et bien présente, il faisait étrangement très lumineux. Alors qu'on s'attendait aux pluies et tempêtes automnales, le ciel était bleu et entièrement dégagé. Cette saison intermédiaire avait tendance à nous faire perdre le fil de l'année : quel jour sommes-nous, au juste ? Coyote ne compte pas, il voit, et il constate. Le Décepteur savait une chose : il faisait juste assez froid pour que Serpent ne veuille plus sortir de sous sa cape de fourrure. Ah, ces reptiles...
Cela faisait à peine quelques heures qu'il était à Nexus. En vérité, il ne savait pas où il était si ce n'est le résultat de ses pérégrinations. Coyote errait dans les quartiers marchands de la ville – dont il ne connaissait pas le nom – et il avait peine à se repérer. Il perdait tous genres d'objets, alors se perdre lui-même n'était pas quelque chose de bien compliqué pour lui. Et qu'est-ce qu'il se sentait mal dans cette ville... Oui, notre déité Amérindienne se sentait très mal à l'aise ici : cette ville ressemblait aux villes construites par les colons lors de leur arrivée sur la côte Est de l'Amérique du Nord. Ainsi, des pensées extrêmement négatives l'envahissaient : il voyait chaque visage comme une moquerie envers son peuple, son peuple décimé et torturé par les blancs... Coyote se calma tant bien que mal, serrant les poings et les dents. Après tout, il n'était plus « chez lui », peut-être faisait-il erreur, tout simplement.
Quelque chose lui rendit bien vite le sourire : l'exotisme de la population. Des hommes, des femmes, dans divers habits, autant des tenues de cuir d'aventurier que des belles robes devant coûter les yeux de la tête. Des hybrides, des créatures, d'autres se dressant fièrement au-dessus de la population humanoïde et d'autres traînant au bout d'une laisse de chaînes. (Il est à noter que les Amérindiens n'avaient aucun soucis avec l'esclavagisme, chose qu'ils pratiquaient beaucoup lors de l'arrivée des colons blancs. Ils capturaient des blancs pour leur servir d'esclaves et un véritable marché d'esclaves blancs s'était installé entre les peuples Indiens. Tout ça pour dénoncer la colonisation des Amériques et malheureusement pour les Indiens, leurs efforts furent vain).
Finalement, Nexus, ce n'était pas si mal. Il y avait un peu trop de monde, mais c'était sympathique.
Le sourire aux lèvres, Coyote s'approcha de deux hommes en armure, des armures qu'ils n'avaient jamais vu auparavant. C'était plus fort que lui : il voulait faire une connerie. Si ça marchait, tant mieux pour lui. Si ça ratait, il innoverait et il se rattraperait éventuellement aux branches. Diable, qu'est-ce que toutes ces facéties lui manquaient. Il remonta légèrement sa cape sur le bas de son visage et il la ferma de manière à ce qu'on ne puisse pas voir les objets qu'il porte à sa ceinture : le bougre était lourdement armé. Corbeau restait sagement sur son épaule droite, son regard furetait les environs. Serpent était caché quelque part, sous son accoutrement, changeant d'endroit en fonction de ses envies. Avec toutes les couleurs qu'il arborait, Coyote n'était pas des plus discrets. Les deux gardes se retournèrent vers lui, hallebardes en main. Il voyait qu'ils le dévisageaient, ils le méprisaient avec ses airs de mendiant. Et il voyait aussi quelque chose d'autre : la jolie bourse avec l'insigne de la garde Nexusienne. Peu importe qu'il y ait de l'or dans cette poche de cuir, le Décepteur ne la voulait que pour l'avoir et non pour s'enrichir : il ne voyait aucun intérêt dans l'or, c'est juste un métal qui brille, comme tant d'autres.
- Arrière, manant ! Rugit l'un des hommes à son encontre.
- Je suis un sage, pauvre ignare. Je donne la bonne aventure. Se contenta-t-il de répondre avec un grand sourire aux lèvres. Sa réponse fut appuyée par un croassement enjouée de Corbeau.
- Tu as entendu ça Endrik ? Le premier garde riait. C'est homme est un diseur de bonne aventure !
- Pour seulement dix pièces d'or, mes braves.
- Croaaa !
- Fichtre, c'est de l'arnaque, pauvre fou ! Allé, passe ton chemin, avant qu'on se décide à être moins clément avec toi !
- Mais je suis très fiable, moi, messieurs ! Répondit Coyote d'un air indigné, comme si on mettait en doute ses compétences.
- Croaaa !
- Ah ouais ? De toute façon, on marche pas dans ce genre de combines. Dégage, va chercher d'autres pigeons à plumer ou c'est au trou que tu finiras !
Coyote eut un geste très rapide : sa main aux longs ongles noirs attrapa quelque chose au niveau de l'épaule d'un des gardes : un serpent. Le reptile siffla sur les deux gardes et pourtant il ne tenta même pas d'attaquer son assaillant. Serpent aimait jouer dans les tours de son gardien. Le Décepteur pointa le Serpent d'un geste accusateur vers les deux gardes visiblement pas très malin.
- Je viens quand même de vous sauver, là. Fit la déité en hochant la tête et avec un air sérieux surjoué.
- Croaaa !
- Il a pas tort, Luke... putain, j'ai la trouille des serpents !
- Tu vas pas t'y mettre non plus, là ! Puis bon, tout le monde l'aurait vu, ce machin !
- Mais je viens quand même de vous sauver, braves gens. Je l'avais prédit ! Ajouta-t-il avec un ton pseudo-mystique exagéré de manière à presque paraître ridicule.
- Croaaa !
- Mais il va la fermer, ce piaf ?!
- Un peu de respect pour les Esprits de la Nature, ignorants ! Le ton commençait à monter.
- SSSsss !
- Et ça fera quand même dix pièces d'or pour la prestation.
- Parce que tu crois qu'on va payer ? Tu as entendu ça Endrik ! T'as fait que dalle, manant ! On va pas payer pour rien.
- Je peux vous faire un prix sinon.
- Que dalle, ouais ! Tu bouges ton cul ou c'est nous qui te le bottons, au choix !
- C'est regrettable, tout cela partait d'une bonne intention. C'est dommage pour vous, je vais devoir sévir !
Serpent était toujours enroulé autour de l'avant-bras de l'Indien. Il tendit le reptile face aux gardes. L'animal sifflait et les deux hommes n'arrivaient pas à le quitter du regard. L'hypnose était un don inné de l'esprit Serpent, qu'il n'utilisait que peu. Personne autour ne semblait faire attention à cette altercation, après tout, dans une grande ville, on devait en voir de ces choses en une seule journée. Coyote se rattrapait quand même aux branches, là. Voire aux racines.
- Je vois, je vois... un avenir proche... Vous êtes pauvre, sans le sou... les bourses vides...
Corbeau profita de ce moment d'absence des deux gardes Nexusiens pour voler leur bourse à leur ceinture. Une fois les deux bourses dans les serres du charognard, Coyote porta une main à sa ceinture pour sortir une fiole remplie de sable rouge. Il la lança au sol et ainsi il disparut dans une fumée rouge étouffante à la plus grande surprise de la foule. Le tout se passa très rapidement.
- Et sans mauvais jeu de mooooooooots ! Ajouta-t-il avant de prendre la poudre d'escampette dans la foule.
Coyote venait de réapparaître quelques mètres plus loin dans la foule dans ce même nuage de poussière rouge.
- Attrapez le !
- Gardes, arrêtez cet homme !
Certes, il était en possession de son butin mais s'avancer dans la foule n'était pas une une tâche aisée. Trois autres gardes en plus des deux premiers avaient rejoint la course. Corbeau, quant à lui, préférait la voie aérienne et il alla se dissimuler parmi ses collègues corvidés. Serpent était encore enroulé autour de son avant bras malgré le mouvement de la course. Les hommes armés gagnaient du terrain... Il fallait faire quelque chose... Là, oui !
- Maître... Maître... Maaaaaaîîîître ! Fit-il en couinant.
Coyote se laissa tomber à genoux devant un homme choisi tout à fait aléatoirement. Il prit un air de chien battu, la larme à l’œil. De plus, il était couvert de poussière rouge et son maquillage commençait à couler. Le Décepteur attrapa son futal dans ses mains griffues, se plongeant dedans pour étouffer ses quelques sanglots. Les gardes regardaient la scène, intrigués par cet étrange retournement de la situation. Y avait-il quelque chose à comprendre ?
- Iiiiiiiik ! Hoqueta Coyote après avoir retourné la tête pour voir ce qui se passait derrière lui, voyant enfin les gardes à ses trousses.
De ce fait, il alla se cacher derrière cet étranger choisi totalement au hasard pour son numéro. Assis de la sorte, on ne voyait qu'une boule blanche de fourrure et des cornes derrière cet individu.
- J'ai pourtant fait ce que vous m'avez dit, Maître ! S'il vous-plaît, aidez-moi ! Expliquez-leur la situation !
Sa voie était troublée par quelques sanglots. Cramponné aux jambes de son « sauveur », Coyote osa pencher sa tête pour s'adresser aux gardes.
- Ce n'est pas ma faute, vous dis-je ! Beugla-t-il avec difficulté entre quelques sanglots.
Le Décepteur ne savait pas s'il était convaincant ou s'il surjouait. Oh, il devait surjoué, comme toujours. Les gardes semblaient perplexes. Et ils n'avaient pas l'air très commode.