« ...Ici Kara Sylver, en direct du Japon pour CNN News. Comme vous pouvez le voir à l’écran, la police a déployé un solide cordon policier, avec l’assistance de plusieurs agents spéciaux du FBI dépêchés exclusivement pour la poursuite d’Orlando. Un impressionnant cordon policier s’est mis en place, et la police espère bien réussir à attraper l’insaisissable criminel... Et à pouvoir, cette fois, le laisser en prison ! »
Kara Sylver parlait depuis un hélicoptère stationnant en hauteur, la caméra filmant une espèce de bâtiment d’habitations dans la banlieue de Seikusu. Il y avait une bonne dizaine de voitures de polices, et plusieurs hélicoptères de police. De nombreux hélicoptères de journalistes étaient là, et la police avait établi un cordon autour de la zone, afin de retenir les badauds. Les agents devaient parfois repousser des journalistes, et seuls quelques individus pouvaient passer. C’est ainsi que la police avait laissé passer l’agent spécial Jack Knight, du FBI. « White » Knight, comme l’appelaient les collègues du bureau, était particulièrement excité. Il se sentait sur le point de conclure une enquête de longue haleine qui l’avait amené des casinos de Las Vegas à cette ville japonaise, en passant par les plus grandes capitales européennes, à la poursuite d’un gars qui, mince exploit, avait réussi à se mettre à dos la moitié des forces de police du monde, ainsi que de nombreuses organisations criminelles organisées, allant de la mob aux Yakuzas, en passant par les cartels et d’autres organisations.
Le filou en question était un véritable surdoué, un pro de l’évasion qui avait été capturé en Allemagne, et qui avait réussi à s’évader. Les tueurs de la mafia avaient également, selon les informations de Knight, réussi à lui mettre la main dessus, mais, encore une fois, le Flambeur des Casinos, l’Arnaqueur, individu dont les médias n’avaient pas manqué de surnoms pour tarir ses exploits, avait réussi à leur échapper. Orlando n’était pas son vrai nom, mais, à ce stade de l’enquête, Knight n’avait jamais réussi à trouver son nom réel.
Les activités du Flambeur avaient commencé à Las Vegas, où il n’apparaissait alors que comme une simple petite frappe, un touriste venant se faire plumer devant les machines à sous, le poker, la roulette, et tous ces jeux destinés à plumer les pigeons. Au lieu de ça, il avait réussi à se faire des millions de dollars en allant dans divers casinos. Il lui avait fallu des mois pour réussir ce tour de force, et il se débrouillait pour perdre de temps en temps, de manière à ne pas trop éveiller les soupçons. Son petit manège avait duré un certain temps, jusqu’à ce que les mafieux, qui contrôlaient Las Vegas, ne décident de se renseigner un peu plus sur son cas. Il dépensait une partie de son argent chez certaines prostituées, et on le soupçonnait de tricher. Le Flambeur avait alors reçu la visite des gros bras de la mafia, afin de dire d’où venait une telle chance. Ils l’avaient rossé dans son appartement, et l’avaient emporté dans le coffre de leur voiture, afin de le conduire dans le désert, et accomplir ce qu’on faisait dans les films : lui faire creuser sa propre tombe dans le désert du Névada. Ils l’avaient menotté, mais, en chemin, un pneu avait crevé, et ils avaient du s’arrêter à une station-service pour réparer le pneu. Leur erreur avait été d’ouvrir le coffre une seule fois, pour s’assurer que le sujet était toujours en vie. Jack Knight était sûr que c’était cette ouverture qui avait permis au Flambeur de sortir. Son premier surnom n’avait pas été Houdini pour rien. Il s’était débarrassé des menottes pendant le trajet, et avait utilisé une espèce d’adhésif sur le coffre de la voiture. Quand on avait ouvert le coffre, et qu’on l’avait refermé, Orlando s’était débrouillé pour mettre l’adhésif sur la serrure, et ainsi empêcher la fourniture du coffre. Il avait ensuite assommé le gars refaisant le pneu, tandis que les deux mafieux fumaient dehors. Il avait pris sa place, balancé le gars à l’intérieur, pris son bleu de travail, et était tranquillement parti.
« Vous avez réussi à l’avoir en ligne ? demanda Knight à un agent.
- On a une ligne fixe, Monsieur.
- Okay, super... Contactez-le moi, je vais lui dire deux mots, à cet enfoiré. »
Knight avait une monstrueuse envie de fumer, mais tentait de se retenir. Plutôt bien bâti, l’agent fédéral était assez musclé, et avait un regard bleu acéré. Après son exploit devant les mafieux, on aurait pu penser que Houdini aurait disparu de la circulation, mais on l’avait revu, dès le lendemain, dans l’un des plus luxueux casinos de Las Vegas, le Casino Royale. Il n’avait pas cherché à être discret, et les agents de sécurité avaient été le voir quand il avait en poche des millions de dollars. Il avait alors montré toute l’étendue de son pouvoir, et avait demandé à voir le patron du casino, sauf si ce dernier tenait à voir des photos compromettantes dans tous les tabloïds dès le lendemain.
« Vous avez une ligne, Monsieur.
- Merci. »
Knight s’empara du telephone.
« Mike ? C’est Jack.
- Ah, Jack. C’est un Bonheur de vous entendre ! Mais vous devriez choisir de m’appeler Orlando, c’est comme ça qu’on m’appelle à la télé.
- Mike, ça te va mieux.
- Si vous le dites, inspecteur.
- T’es foutu, Mike. Toute la zone est bouclée, tu pourras pas t’échapper. Tu le sais, ça, non ?
- J’ai des yeux, j’ai pu voir tout ça, inspecteur.
- Alors, tu sais que c’est fini. Rends-toi, et arrête cette comédie. Je crois pas du tout à cette histoire de bombe. »
D’après les informations, Mike, ou Orlando, avait dynamité une partie de ce bâtiment. Il avait regroupé plusieurs otages dans un appartement où il s’est retranché, avec des explosifs.
« C’est vrai que vous me connaissez plutôt bien...
- Je te traque depuis six ans, Mike... Je connais tous tes trucs, tu pourras pas t’en tirer.
- Alors, vous prétendez enfin me connaître mieux que votre femme ? »
Jack ne répondit pas. Sa femme et lui allaient bientôt divorcer, mais, cela, Mike, naturellement, le savait. Ce gars était un véritable génie, et c’est comme ça qu’il s’était fait connaître à Las Vegas. Les agents de sécurité l’avaient emmené voir le patron du Casino Royale, un gros bonhomme influent, et Mike lui avait calmement dit qu’il avait eu une conversation avec quelques prostituées de luxe, et avait ainsi appris les penchants sexuels de l’homme. Ceci tombait d’autant plus mal pour lui qu’il se voyait bien devenir sénateur, et suivait une ligne politique conservatrice. Mike avait réussi à s’infiltrer dans une chambre où l’homme s’était amusé à jouer au cochon et à la fermière, selon ses propres mots, dans la pièce. Lui se tenait dans un placard et filmait. C’était une autre des facultés sidérantes de ce criminel : sa capacité à se faire passer pour ce qu’il n’était pas. Ceci lui avait valu un autre surnom : le caméléon. On lui avait planté un flingue sur la tempe, mais il n’avait pas bronché, disant que la cassette était entre les mains d’un notaire, qui se chargerait de la remettre à la presse s’il arrivait du malheur à Mike.
Le patron du Royal Casino avait alors ordonné à ses gars de lui délier la langue, et de faire ça dans la cave. Mike ne pouvait plus s’enfuir, et avait donc montré un autre aspect de sa personne. Il avait tué les deux hommes. Knight ignorait toujours comment il avait fait, car il ne s’était pas contenté que de les tuer. Non, dans la cave, il les avait aussi massacrés à la scie. Il avait coupé leurs corps, les avait enroulé dans des papiers-cadeaux, et les avait envoyé à plusieurs adresses différentes de las Vegas, avec, à chaque fois, une petite lettre de bienvenue émanant du Casino Royale. L’enquête avait révélé que toutes les adresses appartenaient à des clients du Casino Royale, et la rumeur s’était répandue que les responsables du casino charcutaient ceux qui avaient des dettes envers eux. Le casino avait enregistré une subite baisse d’activité, à tel point que ses vrais responsables avaient décidé de se débarrasser de leur patron, dont l’image avait de toute façon été ternie depuis qu’un tabloïd avait révélé qu’il avait des goûts sexuels bizarres. Pour autant, Mike n’avait pas encore montré toute l’étendue de son talent. Le patron mort, il avait décidé de se venger à sa façon, et avait réussi à savoir, auprès des pompes funèbres de Las Vegas, où et quand l’enterrement de ce ponte avait lieu. Cérémonie officielle oblige, de nombreux collègues et « amis » étaient venus. Ce que tout le monde ignorait, c’était que l’un des agents chargés de l’entretien des pompes funèbres avait placé une bombe dans le cimetière, la dissimulant sous une pierre tombale. Pour cela, Mike avait placé la bombe pendant la nuit, et avait trouvé un poste d’observation sur une terrasse en face. Avec un fusil à lunette, il s’était fait plaisir. L’explosion de la bombe avait tué bien des gens, pulvérisant le pasteur, dont on avait retrouvé des morceaux de peau un peu partout, et tuant de nombreux gens. Avec son fusil à lunette, Mike avait ensuite fait feu, fauchant des mafieux, leurs femmes, et même leurs enfants. Ce fut une hécatombe, et cet évènement tragique signa le début officiel d’une traque mondiale, qui touchait à sa conclusion.
« je vais ordonner l’assaut, Mike. Tu l’as vu, il y a un hélicoptère d’intervention juste au-dessus du toit. C’est bien pour ça que tu as choisi un étage intermédiaire, je suppose ?
- Tout juste, inspecteur.
- Mais, tu vois, je ne marche pas avec toute cette histoire… Ça ne te ressemble pas, de te mettre des bombes sur le corps. Voilà pourquoi je crois que tu essaies de gagner du temps, et voilà pourquoi je vais ordonner à mes hommes d’intervenir. »
L’homme avait miné plusieurs appartements, affirmant avoir relié des détonateurs aux portes. Knight commençait à s’avancer le long du parking. L’immeuble était le long d’une rue assez dégagée, avec un arrêt de bus, les badauds se tenant le long de la rue.
« C’est fini, Mike.
- C’est fini, vraiment ? Vous avez réussi à réunir mes millions ?
- Je ne marche pas à toutes ces conneries, merde ! Rends-toi tout de suite, Mike !
- J’ai été clair, inspecteur... J’ai laissé une heure à vos agents pour amener deux mallettes remplies de frics, et le temps vient de s’écouler... Et ne venez pas me sortir cette vieille réplique des films... Ce n’est pas le temps qui vous fait défaut !
- Inutile de t’énerver, Mike...
- M’énerver ?! Tu… Putain, je n’arrive pas à croire que tu… Tu vois, c’est ça qui m’énerve, Jack, c’est ça qui me fait péter les plombs. Il y a des règles, des règles qu’il faut respecter, et, quand on ne les respecte, alors je...
- Ne viens pas me sortir le petit couplet du gars frustré, Mike, ça n te ressemble pas. »
Il y eut un court silence au bout de la ligne. Pendant ce temps, sur un toit assez éloigné, une femme venait d’atterrir. Elle observait avec des jumelles la scène, et parlait dans une discrète oreillette, qui transmettait ce qu’elle voyait à une femme assise en fauteuil roulant dans un très bel appartement dans les hauteurs de Seikusu. Barbara Gordon prenait un café sucré bien fort en regardant les nombreuses images sur son immense écran d’ordinateur. Elle s’était renseignée sur ce Flambeur, ce dangereux criminel qui avait été jusqu’à s’infiltrer dans les locaux du FBI, en se faisant passer pour un livreur de pizzas. Il s’était attaqué à la cellule spéciale qui le traquait, et avait réussi à obtenir leurs noms grâce à la femme d’un des agents fédéraux. Il les avait empoisonnés, et ceci avait sonné une déclaration de guerre entre le FBI et cet homme. Barbara participait donc à cette traque, et avait décidé d’envoyer Stéphanie.
Cette dernière se tenait sur le toit, et observait la scène avec des jumelles.
« N’interviens pas pour le moment, lança Barbara. Ta présence serait superflue... »