Promenons-nous [...] Pendant que le dragon n'y est pas.

Quelques semaines plus tôt.

- Mais si, j'te jures ma douce, il existe un autre monde ! C'est peut-être là que tu trouveras ton paternel !

Tout en jurant qu'il disait la vérité, le jeune freluquet emmenait Hécate vers un mur dans une ruelle de Seïkusu.

- Tu vois ça ? Cette tâche floue dans le mur ? C'est le passage. Vas-y, franchis-le !
” Toi d'abord. ”

Il acquiesça, peu rassuré pourtant. Il disparu, comme avalé par le mur. Mais il le réapparu pas. Pourtant, Hécate n'est pas inquiète. Elle soupire et jette son mégot de cigarette avant de franchir à son tour le passage. Devant elle, des dunes. Du sable. Un soleil éclatant, qui tapait fort. Tout le contraire de Seïkusu de nuit.  Derrière lui, sinueux, silencieux, un gigantesque serpent. Mais son informateur ne semblait pas s'en rendre compte. Hécate n'allait certainement pas le prévenir. Elle n'avait rien dit quand il l'avait appelée "Ma douce", mais elle tenait là sa vengeance.

Elle lui décocha un sourire prédateur, et l'instant d'après, la gueule du serpent englouti son être entier. Le voyant disparaître, avalé par la bête monstrueuse, la jeune femme en conçut une intense satisfaction. Elle le vit se débattre un peu, puis cesser. Sans doute étouffer, ou paralysé par un quelconque poison. Le reptile planta ses pupilles verticales dans les iris d'azur d'Hécate, puis se détourna, et rampa rapidement hors de sa vue.

‗ ‗ ‗

Aujourd'hui.

Après quelques soirées dans les tavernes d'un village, Hécate avait apprit qu'un dragon vivait dans les contrées du chaos. L'on disait de lui qu'il décimait les populations. Cela lui évoqua une légende. La légende de Saint Georges et du dragon. L'on dit de ce saint qu'il terrassa un dragon. Rien que pour ça, la jeune femme pensait que ces créatures n'étaient donc pas des masses favorables au Divin. Peut-être pourrait-elle en tirer quelque chose. A tire-d'aile, il avait peut-être vu une cache où était emprisonné un ange déchu.

C'est pourquoi, d'un pas vif, elle marchait dans les landes désertiques des contrées du chaos, atteignant finalement les montagnes où les grottes étaient nombreuses. Elle portait un mini-short en lin, beige, et un chemisier blanc cassé dont les deux pans étaient noués au-dessus de son nombril. Sa chevelure rousse était réunie en un chignon lâche et camouflée sous un chapeau de paille à larges bords. Elle avait ramené une paire de lunettes de soleil de la Terre, et les arborait avec fierté.

” Y a-t-il un dragon par là ? J'aurais quelques petites questions ! ”

Le désert s'étendait à pertes de vues et rares étaient les oasis capable de réunir assez de personnes pour que leur quartiers soient nommé "un village". Dans les contrées du Chaos la vie était abrupte, sauvage et souvent courte et les quelques fous y vivants avaient vite apprit à rester loin de l'intérieur des terres où rodaient les pires des créatures hantant ces lieux de Mort et de Chaos.
C'était justement pour demeurer loin des indiscrets que Dagon avait, il y a des temps si reculés que lui-même ne s'en souvenait guère, creusé dans la roche affleurante du désert une vaste grotte, puis tout un réseau au fil des ans. Un complexe cyclopéen à sa taille de Dragon, ramifié de mille et une façons pour y perdre les visiteurs impromptus. Depuis lors le vent avait fait son œuvre et la roche mise à nue s'était levée en chaine de montagne rocheuse au dehors du sable du désert, laissant à Dagon le privilège d'avoir une retraite en nid-d'aigle, avec vue imprenable sur les alentours stériles et donc sans cachette possible pour quiconque voulait approcher de la demeure du Dragon.

Aussi avant même qu'elle n'arrive aux pieds des monts rocheux, Hécate avait été perçue par le résident local. Plus rien de vivant n'osait approcher de son antre car sa forme de Dragon avait depuis très longtemps effacé la faune locale au profit d'un silence mortuaire, quelques ossements, colossaux, témoignant par endroits que là, des années et des décennies plus tôt, Dagon avait tué et dévoré un colosse trop curieux pensant être de taille face à lui.
Autant dire que de l'avis de Dagon Hécate, elle, faisant encore moins le poids qu'un des mastodonte d'animeaux étranges qui vivaient dans le désert des contrées du Chaos. Et présentement ce n'était pas pour le dérangé : Scellé sous sa forme humaine il n'aurait pas eu une seule chance contre un monstre géant des environs, alors que là il s'agissait d'une femme.
Enfin, il SEMBLAIT s'agir d'une femme mais, sur Terra, on ne pouvait être trop prudent, nombreux étaient les êtres n'ayant plus rien de mortels dans cette réalité-ci. Dagon se demanda comment faire fuir l'importune ou comment la supprimer quant il l'entendit appeler... l’appeler lui en fait !

Étrange ? Quelle pouvait être ses raisons d’appeler une créature capable, de toute évidence, de la réduire en cendre d'un simple caprice ? D'autant qu'elle ne semblait pas savoir que le Dragon des lieux était... fortement diminué !

Piqué de curiosité Dagon quitta le point d'observation d'où il épiait impunément la rousse inconnue et descendit le flanc rocheux de son antre, sur le qui-vive tout de même, un feu grégeois dans la main prêt à être lancé.

"-Qui demande à voir une créature aussi dangereuse qu'un Dragon ? La vie vous semble donc si ennuyeuse que vous tenez à l'écourter sur le champ ?" Demanda finalement Dagon en arrivant vers elle, l'air aussi renfrogné qu'à son habitude.

Il s'arrêta à quelques pas d'elle, la détaillant, remarquant une absence d'armes... et des lunettes de soleil, signe que la demoiselle était aussi capable de passer sur Terre.
Mais que pouvait venir faire une femme de la Terre ici ? Devant son antre et surtout en toute connaissance de causes ?!?

Laissant grincer le cuir noir dont il était vêtu alors qu'il s'accroupissait au sol, Dagon leva sa main portant la fiole inflammable, montrant qu'il n'était pas venu sans quelques moyens de faire flamber l'inconnue si jamais elle tentait de se montrer discourtoise....

Non, Hécate n'espérait pas prendre le dragon par surprise. Après tout, même si elle était puissante pour un démon, et pas trop fragile, c'était tout de même d'un dragon dont on parlait. Et elle avait besoin de lui.

Mais lorsque c'est un homme qui paru devant elle, Hécate-Ève dû admettre qu'il la prenait de court. Elle esquissa un sourire, ne prenant pas ombrage du ton peu amical de l'individu, et planta une main sur sa hanche en penchant un peu la tête. Ôtant ses lunettes, qu'elle plaça sur son chapeau, elle dévisageait (et pas que) celui qui se tenait devant elle.

” L'écourter demanderait beaucoup plus qu'un simple dragon, messire. Je suis Hécate-Ève, fille de Lilith et d'Azael. Et accessoirement, trente-neuvième épouse de Lucifer. Et vous, êtes-vous le dragon que je cherche ? Ou n'êtes-vous qu'un porte-parole ? ”

Le tout prononcé avec un ton suave, avenant, et un sourire aux allures charmeuse.

” Vous pouvez ranger votre.. Arme. Je ne suis pas ici pour faire du mal à quiconque. Je tiens seulement à poser quelques questions à ce fameux dragon dont on dit qu'il est terrifiant et balèze. ”

Son regard céruléen détaillait à présent le corps de l'inconnu, appréciant la mise en valeur par le cuir noir qui le couvrait. Elle s'en mordit inconsciemment la lèvre, avant de sourire de nouveau.

” Peut-être pourriez-vous m'inviter à monter ? Le soleil est à son point culminant, et si quiconque vient par ici, nous sommes des cibles faciles. Et puis, j'apprécierais un petit rafraîchissement si vous en avez, ainsi qu'un siège. ”

Aaaah ces Démons ! Ils se pensaient trop souvent omnipotents... Dagon aurait bien prouvé que même une femme de Lucifer ne signifiait rien devant lui mais dans l'immédiat il ne pouvait pas démontrer à Hécate que non, un dragon n'était pas un bête lézard crachant du feu en grognant et que oui, les Dieux pouvaient trembler face à certaines créatures d'écailles, de Magie et de Feu.
Sauf que là, cloisonné sous sa forme Humaine il n'avait pas même les moyens d'impressionner vaguement la fille de Lilith, et ça le mortifiait plus qu'il ne voulait l'admettre ! Il se sentait comme castré, par son manque de puissance patent.

"-Drôle de façons de vous inviter ici, être la femme de Lucifer ne vous protègerait pas de finir soufflée si vous croisiez le-dit Dragon de méchante humeur. Cela dit pour le moment il est incapable de vous molester car... suite à diverses histoires qui ne regardent que lui vous l'avez devant-vous. Je suis Dagon, et cette forme humaine et une malédiction."

Pas la peine de lui en dire plus ni de chercher à lui susciter de la sympathie, Dagon ne voyait nulle raison à l'une ou l'autre chose et encore moins un quelconque intérêt. Il se borna à ranger, comme proposé par la démone, sa fiole boute-feu et à inviter la curieuse rousse à le suivre vers son antre.

"-Oui je vous invite dans mon nid... enfin le terme est mal choisit, je n'y ai pas d’œufs... Nous y trouverons de quoi boire cependant."

Passant devant elle il remonta à une des grottes et en franchit l'entrée, repassant de la chaleur poussiéreuse du désert à la fraicheur humide de la pierre nue qui constituait, tout autour d'eux, son habitation qu'il avait lui-même creusé de ses griffes des centaines d'années auparavant. Tout était fait à la taille d'un dragon et l'ensemble était immense, une gigantesque caverne où s'entassaient or, bijoux, objets d'Art et autres vestiges du passé Draconique de Dagon. Ce dernier tira deux gobelets d'or fin d'un tas de butin et en tendit un à Hécate avant d'aller remplir le sien dans une vasque de marbre ornée de bas-reliefs contenant de l'eau issue des rares pluies s’abattant parfois dans le désert.

"-Servez-vous à loisir et expliquez donc pourquoi une démone vient risquer sa vie ici dans ce désert à me rencontrer alors que je ne me souviens pas d'avoir quelques affaires en cours avec vous ou votre race. Que-puis-je faire alors pour vous ? Ou que désirez-vous faire pour moi et qui motive ainsi votre visite ?" demanda t-il enfin en allant s'assoir sur un tas de pièces d'or.