Chasse et négociations [Kaede]

C'était la première fois que Cyscek venait à Tekhos, et il n'était nullement déçu. Ca n'avait strictement rien à voir avec le reste de Terra. Il regrettait un peu l'absence de verdure, mais ici tout était fait pour attirer l'oeil et inciter les gens à se perdre dans la contemplation de ces lieux magnifiques. Sa venue ici n'était pas dûe au hasard. Il n'aurait pas pu de toute façon, sans avoir quelqu'un pour l'aider à passer. Comme pratiquement à chaque fois, les lubies du client devaient être satisfaites, et il ne pouvait pas se permettre de louper un si gros contrat, vu l'argent qu'on lui faisait miroiter.

Un riche négoçiant avait comme obsession de faire sienne des femmes de Tekhos. Son envie était simple, deux à trois jeunes demoiselles, que Cyscek devait capturer et lui livrer, sans même les avoir dressées. Ce que Cyscek ne comprennait pas, c'est pourquoi passer par lui, alors que le noble avait visiblement des liens hauts placés. Peut-être qu'en passant par un esclavagiste, il espérait brouiller les pistes. En tout cas, Cyscek ne dit pas non, et fut brieffé un moment sur ce qui l'attendait, comment arriver là bas et comment en repartir.

Une fois sur place, il avait une semaine pour trouver les futures esclaves, et les ramener dans l'appartement où il arrivait et repartait. Cela lui paraissait largement suffisant, et il prit les deux premiers jours pour observer la ville, la manière de vivre des gens et trouver où dénicher des proies, et surtout les capturer sans se faire remarquer. Le plus simple semblait de trainer dans les ruelles des bas fonds, d'attraper et d'endormir une inconnue qui corresponde, pour ensuite la ramener dans un taxi ou à pied jusqu'à l'appartement. La première prise s'était déroulée comme ça, sans aucun problème. La jeune prisonnière attendait maintenant dans l'appartement, fermement ligotée et baillonnée, en vue du retour sur Terra. C'était presque plus simple que chez lui, tant elles ne semblaient pas craintives ni se douter de ce qui allait leur arriver.

Mais il apparut que cette première prise n'était qu'un coup de chance. Le lendemain et le surlendemain, impossible de mettre la main sur la moindre jeune femme. Il décida de changer de façon de faire. On avait mis à sa disposition des affaires pour se faire passer incognito, ce n'était pas pour rien, il allait devoir s'en servir. Plusieurs tenues, selon le milieu qu'il comptait infiltrer, composaient la garde robe de l'appartement. L'immeuble d'en face comportait des laboratoires - magie en son idée - et devait contenir quelques spécimens qui conviendraient. Il prit donc une tenue d'agent d'entretien, pour se faire passer lui même pour un homme esclave travaillant pour le laboratoire. La tenue était complète, d'une blouse banale à des ustensiles tel qu'un balai, des produits d'entretien et un seau. Il mit ce dont il avait besoin dans le seau, recouvert par une serpillière. Le pass fourni par ses recruteurs lui ouvrit les portes, et il se retrouva perdu dans le dédale de l'immeuble, immense tour bien plus haute que la plus grande bâtisse qu'il ait vu jusqu'alors.

Il avait attendu la soirée, pour qu'il y ait moins de monde. Il croisait ça et là des employées, qui ne le regardait même pas, ou lui jetait des regards dédaigneux. Tant mieux, c'est qu'il jouait bien son rôle. Après un petit tour, il avait saisi la configuration des lieux. Il fallait bien ça pour repartir discrètement et ne pas se faire repérer quand il emmènerait sa proie.

Au détour d'un couloir, une jeune femme le dépassa, sans l'ombre d'un regard. Elle pénétra une pièce, la porte se refermait déjà, mais Cyscek eut le temps de voir que personne d'autre n'était présent. Il pénétrait à son tour, refermant lentement la porte quand elle le héla.

On peut savoir ce que vous fichez ici ?

Le ton n'était ni aimable ni amical. Elle devait vouloir prouver sa supériorité dans la façon de prononcer ses paroles. Cyscek se tournait vers elle, un seau dans une main, le balai dans l'autre. Il ne releva pas la tête, mimant la soumission alors qu'il déposait son seau à terre et passait sa main sous la serpillière.

Pardonnez moi, on m'a envoyé pour nettoyer cette pièce, je ne savais pas que vous ...

En plein milieu de la phrase, il bondit sur elle. Sa main s'était refermée sur un mouchoir imbibé de chloroforme, et dans son mouvement il renversa la tekhane au sol, se retrouvant sur elle, à appuyer le tissu sur la bouche et le nez de l'inconnue. Elle criait, mais le son s'étouffait dans le mouchoir, et après s'être débattue une poignée de secondes, elle finit par sombrer et tomber inconsciente. Il se relevait alors, rapprochant le seau pour en sortir des menottes qu'il passa aux poignets de la jeune femme. Il avait vu un chariot dans une autre pièce, ce sera parfait pour transporter le corps jusqu'au dehors. Il avait encore du temps avant qu'elle ne se réveille, mais il préféra la baillonner, finissant de la préparer dans le but de l'emmener vers sa nouvelle condition d'esclave.

Cela devait faire environ un mois que Kaede était à présent connue sous l'identité de K-Azu. La scientifique avait fait la une de l'holojournal et de nombreuses entreprises  avaient cherchées à acheter son invention, certaines pour des choses futiles, d'autres pour mieux servir la nation. En vrac, on pouvait citer le transfert d'esprit au sein d'une réalité virtuelle, pour des activités ludiques et plus intenses que le simple port d'un casque virtuel, pour les jeux vidéos par exemple, mais aussi la possibilité de stocker de dangereux criminels au seins d'unités centrales, évitant ainsi le risque d'évasion. Même si le centre pénitentiel actuel est extrêmement sécurisé, le risque existe toujours, tandis que dans un disque dur externe, il est difficile de s'échapper. Enfin, l'armée elle-même souhaitait prendre possession de son invention, afin de transférer des femmes volontaires dans des corps de Gynoïdes équipée pour le combat. Les nouvelles androïdes serraient ainsi bien plus efficaces au combat, mais K-Azu avait rejetée l'idée, prétextant que la vitesse de calcul ne serait pas aussi rapide que celle d'une IA. En vérité, elle ne voulait pas réduire le travail des S.E.R.F. à néant.

Bref, cela faisait un mois qu'elle était dans ce corps mécanique qui l'avait rendue encore plus célèbre et il était déjà tard, alors qu'elle était occupée à finir une de ses inventions. En usant de son corps pour ses ébats charnels, K-Azu avait en effet bien vite regrettée l'absence de pénis pour son corps robotique et avait décidée de s'en faire un, en remaniant l'un des exemplaire de son "Gode vibro éjaculant", en modifiant l'un des cotés pour en faire un connecteur. Une fois la dernière touche ajoutée, elle rétracta sa combinaison et plaça l'objet entre ses cuisses. Comme prévu, le gode se connecta à son réservoir à semences et les terminaison nerveuses lui firent ressentir des sensations oubliées à l'extrémité de son nouveau sexe. Elle le testa de longues minutes, avant de finir par éjaculer de grands jet de sperme sur son bureau, comme autrefois. Satisfaite, elle le déconnecta et le rangea dans l'un des compartiment de sa jambes, avant de sortir de son bureau.

Alors qu'elle s'apprêtait à tourner à l'angle d'un couloir, elle aperçût un mâle trainer le corps inerte d'une jeune stagiaire. Comme la plus grand nombre des Tekhane de cette ville, elle aurait pu lui mettre la raclé du siècle et le coller au trou pour le restant de ses jours, mais elle décida d'activer une autre nouveauté de son corps mécanique : le camouflage optique. Ainsi, elle devint complétement invisible aux yeux de l'homme et elle put l'observer tout à loisir, sans être vue.
Elle vit ainsi qu'il s'agissait d'un technicien de surface. Sans doute ne faisait-il que porter une jeune femme qui avait perdue connaissance dans l'un des labo ? Après tout, la chose était courante. Sauf qu'il la plaça dans un chariot et la cacha sous un linge. Un enlèvement ? Sans doute pour réclamer une rançon et quitter la ville, avant de se faire arrêter par les forces de l'ordre. Ça aussi c'était courant, pour ceux qui en avaient assez de la domination des femmes. C'est donc ainsi qu'elle décida de le suivre en toute discrétion. Suivant le résultat, elle agirait au mieux.

Dans le cas où il s'agirait d'un acte isolé, elle aura largement de quoi faire pour l'entraver. Au contraire, s'il s'agissait d'un réseau, de résistant préparant un coup d'état, elle contacterait les armées en leurs fournissant ses coordonnées. Elle commença donc sa filature sans un bruit, se callant sur sa signature cérébrale pour ne pas perdre sa trace...

Tout se déroulait parfaitement. L'astuce avait été efficace, son employeur avait eu raison de laisser ces habits et ce pass. Dans ces locaux, il n'aurait aucun mal à en capturer une troisième, pour repartir au plus vite de cette ville. Mais pour le moment, il devait déjà s'occuper de cette prise. La jeune femme inerte au sol, il allait chercher le chariot, d'un pas rapide. Revenu auprès de l'inconsciente, il la plaçait en la soulevant dans le chariot, pour ensuite la couvrir d'un linge, et donc la cacher aux regards des indiscrets. Ni vu, ni connu. Enfin, de son point de vue. Le chariot fut mis en branle sans peine, avançant dans le couloir sans un bruit. Il croisa plusieurs tekhanes, qui ne firent même pas attention à lui. Après tout, il n'était qu'un vulgaire sous-être ici, et elles le laissaient savoir par leur dédain.

Parvenu à la sortie de l'établissement, il hésita un peu, avant de choisir la facilité : pourquoi s'embêter ? Ouvrant la porte, il sortait avec le chariot. On aurait pu penser qu'il l'emmenait ailleurs, voir qu'il transportait du linge jusqu'à une blanchisserie. C'était pour lui plausible. En plus de cela, il n'avait pas beaucoup de distance à couvrir pour parvenir à l'immeuble convoité. Personne, une rue déserte, et le tour était joué. Déjà à la porte de l'immeuble, il y pénétrait, excité en son fort intérieur par la facilité déconcertante de son plan et sa réussite. Prenant l'ascenseur, il appuyait sur le numéro correspondant à son étage. Le linge était toujours immobile, signe d'un sommeil profond pour la captive.

Dans un "ding" sonore, l'ascenseur s'ouvrait sur un couloir sobre. Il allait jusqu'à la porte de l'appartement à disposition, et l'ouvrait, poussant le chariot dedans. L'appartement en question était assez classique, mais terriblement sophistiqué pour lui. Une grande pièce comportant un sofa, deux fauteuils, une table basse et une télévision sur un meuble design composait l'essentiel du mobilier. On aperçevait derrière un bar le coin cuisine. Un couloir s'ouvrait également, devant mener à la chambre et à la salle de bains. Une large baie vitrée donnait une vue sur la rue et les immeubles alentours, alors que le verre polarisé donnait une intimité telle qu'aucun voyeur ne risquait de le voir de l'extérieur. Près du meuble télé, sa première prise attendait, poussant des "Hmmm !" dès son entrée. Des menottes en acier la maintenait attachée à un objet que Cyscek n'avait pas su identifier, et qui s'avérait être un radiateur. Un baîllon l'empêchait de réveiller tout le voisinage.

Le chariot dans l'appartement, il jetait un regard noir à la première captive. Elle avait l'air appeurée et implorante, il n'en avait que faire. Plongeant les mains dans le chariot, il ressortait la seconde, pour l'étendre à côté de la première. C'était bien plus facile quand elles ne bougeaient pas. Il prenait des menottes, pour l'attacher également, après lui avoir mis un baîllon. Il s'était bien passé deux minutes, avant qu'il ne se rende compte que la porte était restée ouverte. Il se levait donc précipitamment pour la refermer. Quelle tête en l'air, quelqu'un aurait pu le voir, et il aurait été dans de beaux draps.

Tandis que l'homme se mettait en route, la Gynoïde camouflée se mit à le suivre, curieuse de savoir ce qui pouvait bien le motiver. Mais quoi qu'il arrive, il risquait gros. En effet, les hommes n'étaient rien dans cette ville. Pour un kidnapping, une femme ne risquait que 10 ans d'emprisonnement... Les mâles au contraire, pouvaient prendre à perpétuité pour un simple manque de respect envers les Tekhanes. Elle le suivit à travers les couloirs du centre de recherche, slalomant entre ses consœurs scientifiques ou stagiaires jusqu'à la sortie, et fut surprise de constater que l'individu se contentait d'entrer dans le bâtiments juste en face. C'était malin... Si on constatait la disparition de la jeune femme – ce qui ne saurait tarder – jamais on pourrais penser que le kidnappeur se trouverait à dix mètres du lieu de l'enlèvement... En y repensant, ce type pouvait tout aussi être le responsable de l'enlèvement de l'étudiante, quelque jours auparavant. L'individu se contentait apparemment des jeunes... Et si... ?

Lorsqu'il entra dans le hall, K-Azu activa son Jet Pack pour survoler la rue, juste entre les deux immeubles. Elle observa attentivement la paroi de verre de l'ascenseur, et suivit du regard les déplacements de l'homme jusqu'à son appartement... dont il oublia de refermer la porte. Cette maladresse était sa chance. Elle fonça jusqu'à la terrasse, désactiva son Jet et entra tranquillement à l'intérieur, juste avant qu'il ne la referme. La Gynoïde se mit dans un coin inutilisé et observa la pièce. Il s'agissait apparemment d'un appartement standard, disposant du confort minimum. Attachées à un radiateur, la stagiaire était profondément endormie et l'étudiante remuait faiblement... Si ses lèvres étaient sellées depuis son enlèvement, alors elle ne devait pas avoir mangées depuis deux ou trois jours. Tout ce qu'elle portait, c'était sa combinaison indestructible, sauf pour les Formiens bien sûr. Il ne devait pas encore avoir compris qu'il fallait la retirer avec un code d'activation... orale...

La télévision du salon était éteinte et l'homme ne semblait pas savoir comment la faire fonctionner. La scientifique en déduisit que le kidnappeur venait de l'extérieur de Tekhos, peut être Nexus ou Ashnard... Ce qu'il lui faisait risquer encore plus gros que perpète. Mais cela donna une idée à notre Gynoïde, qui profita qu'il soit partit dans la cuisine pour allez l'allumer. L'étudiante éveillée pouvait donc voir un bouton s'enfoncer tout seul sur l'appareil, avant que la voix d'une journaliste ne résonne dans tout l'appartement. Coup de bol, il s'agissait d'un reportage sur la disparition de la dite étudiante.

... mais les recherches sont toujours en cours. Les enquêtrices privilégies la piste de l'enlèvement et grâce à l'ADN retrouvé sur les lieux, nous pouvons affirmer avec certitude qu'il s'agit d'un homme extérieur à Tekhos, sans doute un esclavagiste. Les Celkhanes sont venues en renfort dès qu'elles ont appris la nouvelle et aident l'armée Tekhanes en quadrillant la ville. Les secteurs Delta et Epsilon ont dore et déjà été passés au peigne fin et... Ah ! Nous venons de recevoir une autre alerte ! Jiina Estala, jeune stagiaire en manipulation moléculaire au centre de recherche, dans le secteur Oméga, ne c'est pas présentée au scan à la fin de son service. La direction de l'établissement refuse de remettre en cause la sécurité du centre. Bien que ces deux affaires puissent ne pas être liées, les forces armées se rendront sans doute sur les lieux.

Comme toujours, les informations circulaient vite à Tekhos. Manque de chance pour ce mâle, il avait enlevé une jeune femme en fin de service. Pour l'enfoncer encore plus, les Clekhanes allaient peut être venir dans le quartier, épaulées des soldates Tekhanes. Dans tout les cas, l'étudiante avait retrouvée le sourire en entendant la journaliste et, après que l'homme est plus ou moins éteint le téléviseur, K-Azu décida de jouer un peu avec lui en redevenant visible, nonchalamment appuyée contre le mur, jambes croisées.

- Halàlà... Et dire que les esclavagistes de Terra ont le culot de s'en prendre à nous... C'est comme ça que vous nous remerciez de ne pas prendre part à votre gueguerre ? Enfin... Avec les Celkhanes et les Tekhanes sur le dos, vous ne risquez plus d'allez bien loin, n'est-ce pas ?