PLOUF !C’est ainsi que tout débuta. Par un plongeon violent et inexplicable dans un endroit mystérieux, une espèce de temple silencieux éclairé par un chaud soleil. C’est ainsi que tout débuta vraiment pour Alice. Elle se retrouva dans une espèce de piscine au centre d’une cour résidentielle, et, alors qu’elle sortait de l’eau, tirant sur ses pieds pour sortir de cette chaude eau, elle se demanda ce qu’elle faisait là.
«
Ça… Ça a marché ? Incroyable… »
Un sourire amusé éclaira ses lèvres, et elle poussa un rire heureux. Elle se souciait totalement de l’endroit où elle était, car
ça avait marché !
Pour tout comprendre, il fallait remonter en arrière de plusieurs semaines, remonter à ce moment où la vie de la Princesse de Sylvandell avait connu un virage subit, à cette époque où elle s’était mariée avec une jeune Terrienne, une femme qui venait d’une autre planète, une
extra-terrane, pourrait-on dire. Elle avait débarqué comme une bombe dans la vie d’Alice, mais en ne lui parlant que fort peu de son monde natal… Ce qu’Alice pouvait comprendre, après tout. Le monde natal de Sakura n’était synonyme pour elle que de souffrances, mais, pour Alice, il était plutôt synonyme de «
curiosité ». Quel était donc ce monde dont les autorités d’Ashnard parlaient ? Ce monde qui n’intéressait pas son Père ? Quand elle avait parlé à ce dernier d’un voyage vers la Terre, il avait rejeté catégoriquement l’idée, arguant qu’ «
une terre sans dragons est aussi attirante que le foutu cul d’une grand-mère sénile », manière de dire qu’organiser une expédition sur Terre était futile et sans intérêt. La Terre n’intéressait pas le peuple des dragons. Pourquoi s’intéresser à un endroit où il n’y avait pas de dragons ? Et, quand Père avait une idée en tête, Alice n’avait aucune chance de le faire changer d’avis, surtout pas en arguant qu’elle était tout simplement fascinée par ces Terriens. De ce qu’elle savait de ce monde, c’était un monde où il n’y avait majoritairement que des humains, où la magie n’existait pas, où les dragons n’existaient pas, un monde que les Dieux avaient fui, et,
surtout, un monde où les humains se dirigeaient eux-mêmes, et élisaient leurs propres dirigeants !
Il n’en fallait pas plus pour susciter la curiosité d’Alice. Un monde sans rois, c’était pour elle un monde de violence perpétuelle, d’anarchie totale. Elle voulait voir ce qu’était cette fameuse
démocratie, si décriée à Ashnard, où le terme même était censuré, assimilé à de la haute trahison. On ne parlait « démocratie » que dans les hauts milieux intellectuels, au sein des académies, et uniquement pour critiquer le concept. Ceux qui cherchaient à l’encenser étaient, soit ridiculisés et jetés au ban de la communauté intellectuelle ashnardienne, soit poursuivis par la justice pour trahison.
*
Un monde sans rois et sans dragons… Il faut absolument que je vois à quoi ça ressemble !*
Alice était néanmoins bien seule à partager ce sentiment. Sa femme ne voulait pas en entendre parler, son Père de même. Quant à Hodor, il s’en fichait, tant qu’il y aurait de bons gâteaux à manger. Et les Commandeurs ne voyaient d’intérêt à aller sur Terre que s’il y avait une proie à la clef. Les rares personnes qui lui avaient parlé de la Terre étaient l‘Archiprêtre de Sylvandell, qui l’avait décrit comme un «
environnement invivable », un «
charnier géant à ciel ouvert dévoré par une modernité dégoûtante et asphyxiante », un «
gigantesque mouroir qui n’attendait que les esclavagistes et les armées d’Ashnard pour être conquises ». Alice se représentait ainsi un peuple entiers d’êtres cadavériques et pâles, tristes et sinistres, dépressifs et sur le point de sombrer dans une violence globale et auto-destructice.
Elle avait donc continué à faire des recherches sur ce monde, et avait ainsi appris qu’Ashnard disposait d’une grande carte répertoriant tous les Portails reliant Terra à la Terre. Il n’en fallait pas plus pour qu’Alice se joigne à un voyage organisé par Sylvandell vers l’Empire, où elle avait appris qu’il y avait plusieurs Portails à Sylvandell. Le plus proche du château se trouvait sous le grand pont reliant le Château à la ville haute, près d’un pilier. De ce qu’elle avait pu en lire, ce Portail était apparu il y a plusieurs siècles, bien après la création du pont.
Toute cette longue recherche avait conduit Alice à explorer le pont, cherchant à retrouver le Portail. Il était invisible, et elle n’allait pas se jeter dans le vide. Ne pouvant pas monter un dragon, elle avait donc jeté un objet à l’endroit où était supposé se trouver le Portail, et avait vu ce dernier…
Disparaître ! Alice n’en avait parlé à personne, et avait de temps en temps balancé d’autres objets variés : une botte, un vêtement, voire même une chaise défectueuse… Tous les objets avaient systématiquement disparu. Le Portail se trouvait en suspension dans le vide, trop haut pour qu’elle l’atteigne depuis le bas du pont. Il tombait en ligne droite sous le pont, et elle avait multiplié ses expériences, envoyant un mannequin de guerre de la taille d’un homme assez grand, pour le voir être englouti.
*
Néanmoins, il y a un risque… Si ce Portail apparaît en plein milieu de l’océan ? Brrr…*
Depuis son expérience malencontreuse avec Lyli la sirène, Alice se méfiait de la mer et des profondeurs. Elle était bien mieux sur les montagnes. Elle se tenait donc devant le vide, hésitant, et ce fut comme ça qu’elle tomba. Hasard ou destin, le fait est qu’un dragon doré assez grand passa à proximité du pont, et poussa un rugissement sonore particulièrement élevé en tendant ses ailes. Le tout fut si fort et si surprenant qu’Alice poussa un hurlement en tombant dans le vide.
La Princesse portait une
longue robe blanche de princesse, comme elle les affectionnait.
«
HAAAAAAAAAAAAAA ! » s’exclamait-elle…
Elle traversa ensuite le Portail sans vraiment s’en rendre compte, et ne le réalisa que quand elle s’écrasa dans un bassin d’eau.
Sous la vitesse de la chute, elle atterrit rapidement le sol dallé, yeux fermés, se croyant morte.
*
Non… Le Paradis de Sylvandell, ça ne peut pas être la mer !*
Elle sortit rapidement de l’eau, et fut surprise en voyant qu’il n’y avait pas le grand pont de Sylvandell, ni les rochers, mais une espèce de curieux petit village, avec des maisons à l’architecture spéciale, ne rappelant nullement Sylvandell.
«
Ça… Ça a marché ? s’était-elle alors dit, regardant autour d’elle, ses mains gantées posées sur le rebord.
[b)Incroyable…[/b] »
Elle n’avait pas débarqué dans l’océan, confirmant ainsi ce que les Ashnardiens pensaient, soit que tous les Portails de Terra débarquaient sur un seul point de la Terre.
Seikusu.
*
Alors, c’est ça, Seikusu ? Une espèce de temple ?*