A sa question, lorsque la déesse, revenue sous sa forme humaine, se tourna vers elle, il n'y avait eut qu'un silence, alors que leurs pieds s'étaient arrêtés sur le bitume froid. Mélancolie. Tristesse. La main de la prêtresse, et celle de la déesse étaient restées accrochée l'une à l'autre, et pour lui transmettre son soutien, Lehiuàchan avait un peu resserré sa poigne, lui faisant comprendre qu'elle était là. Au moins, un croyant dans une foule d'être immondes.
Et elle eut sa réponse. La faute était à cause de ces êtres qui étaient venus briser le monde aztèque. Venu avec une technologie inconnue de ces derniers. La prêtresse connaissait cela, sur le bout des doigts. D'ailleurs, quelque part dans son dos, elle savait qu'on lui avait tatoué une brève partie de cette histoire, résumée par deux symboles qui étaient pourtant clairs, aux yeux des connaisseurs. La fin. Pourquoi l'avait-on exilée, déjà ? Ah, ce dieu maudit, ou du moins qu'elle maudissait en secret, de Tezcatlipoca. Il l'avait éloigné des siens, et les légendes que ce départ avait laissées était en partie la cause de la fin des anciens Aztèques. Celui qui était revenu, dans leurs radeaux n'était pas leur dieu, non, mais cet immonde bateau espagnol.
L'explication était sensée, et cela donnait de l'espoir à Lehiuàchan. Non seulement son statut de prêtresse était une première depuis bien longtemps. De prêtresse acceptée par la déesse. Elle avait sa petite fierté à ce sujet. Et de l'autre coté, le travail qui l'attendait pour non seulement redorer l'éclat de Quetzalcóatl, mais aussi lui rendre ses pouvoirs, ne pouvait qu'être fascinant. La masse de travail qui l'attendait était immense, et elle ne savait pas comment faire. Mais elle chercherait. Elle avait passé 18 ans de sa vie à suivre les enseignements qu'on lui avait apprit, puis 9 ans, à rechercher la déesse, et maintenant, elle voulait consacrer la fin de sa vie pour celle qu'elle allait retrouver.
La déesse eut un nouveau changement de caractère, retrouvant le sourire, alors que les deux jeunes femmes avaient repris leur route, Lehiu suivant de près les pas de Quetzalcóatl. Et ce sourire se transmis du serpent à plume à sa servante, quand elle entendit les paroles de cette première. Si déjà, par la présence de l’humaine, la divinité se sentait mieux, alors la prêtresse ne pouvait qu’en être heureuse.
La jeune femme aux cheveux de feu continua à les guider dans le dédale de rue que Lehiuàchan n’avait jamais pris le temps de connaître, ainsi, elle put passer son temps à observer avec curiosité diverses boutiques, fermées à cette heure ci. En vitrine, les mannequins restaient habillés, et leurs accoutrements paraissaient aux yeux de l’Aztèque encore plus étrange que ce qu’elle-même portait.
Leur chemin se termina dans une auberge. Lehiu boitait un peu plus, pour avoir forcé sur sa jambe. Et si quelques fois, des passants les avaient regardés avec des yeux ronds, l’état de Lehiu étant assez inquiétant, tout de même, que ce soit par son « déguisement », la saleté de son corps, ou sa jambe qui était maculée d’un sang encore frais, Quetzalcóatl pressa les choses à l’entrée de l’hôtel, faisant en sorte que le gardien qui lui passa un double des clés ne puisse pas poser de questions qui auraient pu être gênante. Rapidement, la prêtresse fut entraînée dans un escalier et quelques couloirs qui finirent par déboucher sur la chambre de la rousse.
D’un signe de tête, elle refusa de s’asseoir à coté de son hôte, et elle s’expliqua brièvement à haute voix, en aztèque, bien sûr, pour finir sur une autre explication, répondant, celle-ci à la question posée par Quetz.
-Ne considérez pas mon refus comme… un blasphème, déesse Quetzalcóatl, mais si je m’asseyais près de vous, la couverture serait souillée, par le sang qui coule de ma jambe, et la saleté qui macule mon corps. J’ai eu beau passer neuf ans parmi les humains communs, ce n’est pas pour autant que j’aie renié les habitudes de ma cité. Certes, il n’y aura plus des personnes pour m’apporter l’eau, et me laver, ni de surveillants pour veiller sur ce qui me servait de lit, mais jusqu’alors, je me contentais d’une rivière, en toute discrétion bien sûr. Jamais je n’ai été surprise par un intrus. Mais comme cela risque de vous gêner, je le sais bien… Je… J’utiliserais leurs douches, s’il le faut. Et si l’on m’explique leur fonctionnement.
Elle finit sa phrase en rougissant un peu, de sa méconnaissance, avant de continuer, la rougeur de ses joues encore un peu présente.
- Déesse Quetzalcóatl. Vos fidèles n’ont pas été massacrés à cause de vous. Ces derniers ont fini plus bas que terre à cause de la duperie de votre frère… L’espoir qu’il nous, ou plutôt, qu’il leur avait laissé, n’a été source que de désespoir et de conflit. Si vous n’avez pas pu les protéger à l’époque, et que vous ne le pouvez pas vraiment, en ce moment à cause de votre perte de pouvoir, ce n’est la faute que d’une seule personne. Votre frère. Nous ne vous avions jamais vu, mais l’expression de votre puissance reste écrite dans les légendes, dans les ruines. Déesse de la fertilité, et associée à d’autres symboles, vous ne pouviez être qu’existante. Et comme je viens de … d’en faire l’expérience, vous l’êtes réellement. Et cela, personne ne pourra nous l’enlever. Certes, vous n’êtes pas encore assez puissante, mais je jure, au nom de la cité d’où je viens, que je ferai mon possible pour que vous retrouviez ce que vous avez perdu il y a longtemps. Il ne s’agira plus seulement de survivre, ensuite. Mais de vivre réellement.
Puis, à la dernière proposition de Quetzalcóatl, elle se tourna vers la salle de bain avec curiosité pour s’y diriger directement, sans attendre une réaction particulière de la déesse. De son point de vue, Lehiu s’était déjà bien trop exprimée, au risque d’être impolie envers celle qu’elle vénérait. Les rougeurs de son visage ayant augmentés, elle avait préféré les cacher. Optique plus intéressante, cette douche. Elle avait appris, grossièrement, quelques fois à s’en servir, mais cela restait toujours une expérience riche en enseignement.
A peine entrée dans la « salle de bain », elle se dévêtit, sans honte, de toutes façons. Sa coiffe était véritablement la seule partie d’elle-même qui était restée impeccable. Le reste, que ce soit ses vêtements, son corps ou ses cheveux, la saleté était omniprésente. Ayant décidé de gardé les vêtements à portée de main, pour les nettoyer quand l’eau coulerait, elle les posa sur le lavabo, avant de rentrer dans la baignoire. Puis, elle commença d’abord à observer le mécanisme de la sortie d’eau. D’abord, elle essaya d’appuyer un peu partout, mais… rien ne se passa. Logique. Il fallait les tourner. Et c’est ce qu’elle finit par faire assez rapidement. A peine quelques gouttes d’eau, froides, tombèrent, que le blanc de la baignoire se transforma en gris, alors que la peau de la jeune femme retrouvait des couleurs humaine.
Poussant un léger cri, alors que le jet augmenta, toujours aussi froid, elle s’acharna à tourner l’autre bouton, celui qui gérait l’eau chaude dans un sens, puis dans l’autre. Commença une brève bataille pour obtenir une eau tiède, dont Lehiu sorti vainqueur. Et enfin, elle put se doucher, normalement. Ses cheveux, libérés de sa coiffe, les multiples tresses de Lehiuàchan descendaient dans son dos jusqu’au milieu de ce dernier. Un lent dé-tressage se mit en place, alors que la vapeur commençait à brouiller les miroirs au-dessus du lavabo. L’opération était longue, mais bénéfique pour les cheveux, qui par cette façon d’être coiffés, étaient bien maltraités. Ce n’est donc qu’une heure après qu’elle finit enfin de se laver. La baignoire gardait encore les traces de son passage, par des marques grises, mais pourtant, pour le pauvre récipient, cela n’était pas terminé.
Restant dans la douche, postée sur ses deux pieds, en équilibre avec les jambes pliées, elle prit ses vêtements, et, à l’aide du savon qui ne ressemblait plus à grand chose tant il avait été utilisé, elle les nettoya, un à un. Les tissus étaient légers, et il fallait donc faire encore plus attention qu’habituellement, mais elle mena son travail à bien. En fait, elle passa près de deux heures dans cette douche. Elle qui s’était targuée, juste avant, de rester fidèle aux principes des anciens Aztèques avait quand même cédé aux bienfaits de la technologie. Regardant autour d’elle, elle attrapa une serviette qui traînait là pour s’essuyer, et se la passer autour du corps, ses longs cheveux dégoulinants derrière son dos. Et elle parla enfin, à la déesse qu’elle avait oubliée, toute à son travail. Dans sa voix claire, on sentait sa gêne, car elle s’était rendu compte de ses actes –un peu tard, certes- , mais elle restait toujours aussi franche, et respectueuse.
-Déesse Quetzalcóatl, auriez vous des vêtements à prêter à votre prêtresse. Cette dernière a profité de sa longue… douche, pour leur donner une seconde jeunesse…