La main d’Aoki, comme le nota rapidement Félicia, ne se contentait pas que de caresser le pelage de Zico, qui ronronnait tendrement, mais glissait aussi sur sa main. Le cœur de la prof’ s’emballait. Aoki était une femme assez belle, et elle eut plusieurs flashs, l’imaginant dans son lit, à caresser son dos, ronronnant contre elle… Oui, elle devait lui faire de l’effet. Cette idée était particulièrement gratifiante.
Aoki lui proposa de la retrouver ce soir, à un restaurant qui s’appelait «
Chez Le Grand Chef ». Elle en avait entendu parler. Ce n’était pas un restaurant où elle avait coutume d’aller. Il fallait y aller au moins en couple, et les prix, sans atteindre ceux d’autres restaurants, étaient tout de même assez élevés. A dire vrai, quand on parlait à Félicia de «
restaurants », il s’agissait plutôt des McDo, où elle allait assez souvent. Pour un rendez-vous romantique, il fallait toutefois viser au-dessus. Le fait qu’Aoki affirme y aller assez souvent indiquait que Félicia avait probablement affaire à une femme assez aisée. Tant mieux ! La Chatte Noire aimait l’argent, après tout.
«
J’en dis que c’est une très bonne idée ! Je vais vous donner mon numéro de portable… »
Ceci fait, Félicia ne tarda pas à quitter le parc. Son cœur était tout emballé, rebondissant furieusement dans sa poitrine. Zico, de son côté, s’était mise à la suivre, prenant le métro avec elle. Il sentait combien cette nouvelle Maîtresse était fébrile. Nerveuse, Félicia en avait les mains qui tremblaient.
*
Mon Dieu ! Je me comporte comme une lycéenne ! Ressaisis-toi, Félicia ! Ce n’est pas la première fois que tu as droit à un rancard !*
La Chatte Noire était aussi très fière de ce qu’elle avait accompli. Après tout, c’était elle qui avait pris l’initiative de courtiser Aoki, et elle s’en était plutôt bien sortie. Aoki lui avait même invité à dîner ! Pour autant, la partie n’était pas encore jouée, et Félicia, alors qu’elle prenait une douche pour se détendre dans son appartement, songea à tout ce qu’il fallait faire, ou ne pas faire. Une chose était sûre : elle allait devoir lui parler de son passé, et elle espérait que cela ne ferait pas fuir Aoki… En même temps, elle ne comptait pas d’emblée lui dire qu’elle était une ancienne criminelle aux supers-pouvoirs qui ne pouvait plus revenir sur le territoire américain, sous peine d’être pourchassée par les super-tueurs du Caïd. Il fallait jouer la chose un peu plus finement.
Nerveuse ? A peine ! Félicia avait peur de ne pas être à la hauteur, et s’observait devant le miroir, cherchant la meilleure robe à mettre parmi celles qu’elle avait. Elles avaient toutes été achetées avec de l’argent sale, naturellement, mais il était inutile d’en dire plus à Aoki sur le sujet. Dans son appartement, plusieurs chats miaulaient, filant par la fenêtre, ou revenant. La Chatte Noire n’avait pas vraiment un animal de compagnie, mais les chats venaient fréquemment la voir, sentant bien que cette humaine n’était pas comme les autres. Félicia hésitait, soit à porter une robe courte, soit une robe longue. Elle trouvait que la robe longue ferait bien trop prétentieuse. Bon à utiliser si elle devait impressionner quelqu’un, ou si elle sortait dans un grand restaurant… Mais, d’un autre côté, la courte risquait de mal passer, de la faire passer pour une femme dépravée. Avec la longue, elle aurait ressemblé à une espèce de prédatrice sexuelle autoritaire et prête à fondre sur sa proie.
*
La courte ou la longue ? Il faut bien que je me décide !*
Elle se retourna vers les chats qui la regardaient, certains se partageant sonr lit, ou mangeant dans les gamelles entreposées sur le balcon.
«
Aidez-moi, vous ! Tâchez d’être utiles ! »
Les chats se contentèrent de miauler, et elle soupira, avant d’appeler un taxi. Elle referma le combiné, et décida d’opter pour la courte. Une délicate
robe, assez sexy selon elle. Elle se contempla à l’intérieur, passant ses mains sur ses hanches, et se transforma. La robe ne se déchira pas, fort heureusement, mais Félicia serait moins comprimée sous sa forme normale. Quand elle prenait sa forme de Chatte Noire, ses muscles se tendaient, son corps grossissait légèrement, notamment au niveau de sa poitrine.
Elle hésita ensuite à se maquiller, et rejeta cette idée. Sans, ce serait mieux. Elle glissa autour de son cou un
collier qu’elle avait volé dans une bijouterie, parachevant le tout en s’asseyant sur le lit pour enfiler des
sandales lacées.
«
Bon… Ça ne m’a pas l’air si mal… »
Elle continua à s’observer pendant le miroir, jusqu’à ce que l’interphone sonne. Le chauffeur était arrivé. Elle s’était adressée à une compagnie offrant des taxis assez luxueux, et ne fut pas déçue en voyant sa carrosse : une
Alfa Romeo qui était également noire, sans la mention «
TAXI » sur le toit. Elle se glissa à l’arrière, et le chauffeur la regarda à travers le rétroviseur.
«
Où dois-je vous déposer, Mademoiselle ? -
Vous connaissez le restaurant « Le Grand Chef » ? -
Le restaurant européen ? Oui, je connais… -
Conduisez-y moi, je vous prie… -
Croyez-en mon expérience ; il va fondre en larmes. »
L’Alfa Romeo démarra rapidement, et Félicia sourit légèrement, se mordillant les lèvres. En l’occurrence, c’était plutôt «
elle », mais sa vie privée ne le regardait pas. La voiture fila rapidement dans le centre-ville de Seikusu, rejoignant un long boulevard avec de nombreux restaurants. «
Le Grand Chef » était dans une petite rue pavée longeant l’une de ces avenues, un peu reculé. Il y avait à proximité un grand parking à plusieurs niveaux, et l’Alfa Romeo s’arrêta là. Le chauffeur sortit pour ouvrir la porte de Félicia, qui en sortit, émerveillée et un peu émue.
«
N’hésitez pas à me rappeler, si jamais vous désirez rentrer chez vous… Peu importe l’heure, je ne serais pas très éloigné. »
Le remerciant poliment, Félicia quitta le parking par un escalier ouvert menant droit près du restaurant. On montait par un perron se découpant en deux escaliers. Le restaurant avait l’allure d’une espèce de maison européenne avec un toit triangulaire. Il y avait surtout des couples, mais la terrasse se trouvait à l’arrière, avec un petit jardin. Félicia entra rapidement, regardant une horloge dans un coin. 21:05. Ce n’était pas trop tard ! Elle s’approcha des serveurs. Un majordome en costume s’approcha, droit comme une barre en acier.
«
Mademoiselle, je vous souhaite la bienvenue ! -
Merci… -
Pardonnez-moi à l’avance, mais… Seriez-vous Mlle Hardy ? -
Co… Comment le savez-vous ? s’étonna cette dernière.
-
Secret professionnel, répondit le serveur sur un ton énigmatique.
Mlle Kou a réservé une table. Veuillez me suivre, je vous prie… »
Félicia hocha la tête, se sentant légèrement nerveuse. Elle avait l’impression que des milliers d’yeux la dévisageaient, et elle ne pouvait s’empêcher de se demander si on l’observait pour se moquer d’elle, ou parce qu’elle était belle. Félicia suivit le majordome vers la table, ignorant si cette dernière serait à l’intérieur, ou dans le jardin…
*
Je suis sûre que tout se passera bien, alors, détends-toi !*