L'emmerdement était vraiment un fléau sur l'Olympe. Et ce n’était pas qu’en raison de l’oisiveté. Non non. Un dieu, en fait, c’est un travailleur qui travaille vingt-quatre heures sur vingt-quatre, avec un congé par année, nourri et logé mais pas payé. Lorsque les mortels aspiraient à atteindre l’état de divinité, ils oubliaient un détail essentiel; les dieux n’ont pas demandé à avoir leur travail! D’ailleurs, la plupart d’entre eux étaient si incompétents qu’ils finissaient par oublier qu’ils en avaient justement un, de boulot, et c’était de s’assurer que les mortels soient bien dirigés et utilisés au meilleur de leurs capacités. Chryséis, par exemple, avait comme tâche d’aider les mortels à canaliser leur rage vers un véritable but. Elle a aussi comme travail de gérer les tourmentes naturelles, donc, de détecter les prières, traiter les plus sérieuses, mettre à l’épreuve les peuples qui ont perdu leur voie. Tout ça, elle gérait, et sans vouloir se vanter, elle assurait, et beaucoup mieux que la plupart des divinités actuelles. Kyo était un égocentrique qui se croit au dessus de tous, Vlad Aurion n’est qu’un gamin qui n’a comme préoccupation que d’atteindre le plus haut score possible à des jeux vidéos débiles, Melancholy… on n’en parlera même pas. Bref, toutes les nouvelles divinités semblaient faire exprès d’oublier qu’être des dieux signifie qu’on a d’énormes responsabilités, même si on n’a jamais demandé à en être. Dans ce cas, on ne se fait pas sacrer Dieu, et on reste de simples divinités, comme les Naïades et autres créatures.
Bref. Entre les plus immatures de la bande et les vieillards, en plus d'Héra qui commençait vraiment à mettre Chryséis en boule tant elle était devenue chiante, la Déesse n'avait que très peu de temps pour se détendre, pour penser à autre chose. Après une longue soirée à écouter son grand-père discourir sur son manque de respect envers ses semblables, le calme de la jeune femme finit par décider de prendre des vacances et elle relâcha tout contrôle sur sa terrible colère, déclenchant un cyclone sur l'Olympe, encore une fois. Protégé par la magie, les temples ne tremblèrent même pas, mais tout de même, c'était rudement impressionnant de voir la jeune femme se fâcher. C'était d'une beauté terrifiante.
-La ferme le vieux! Commence par apprendre la fidélité à ta femme avant de demander du respect, parce que pour ma part, si je faisais un gosse à une autre personne que mon mari, c'est parce que je n'aurais absolument aucun respect pour lui!
Si elle avait blasphémé sans raison, Zeus l'aurait probablement condamnée à quelques mois à partager le sort de Prométhée, à se faire vider les boyaux par un vautour pendant des heures avant de pouvoir guérir en se faisant congeler la nuit, mais il savait qu’elle avait raison, et même si Héra lui hurlait que leur petite fille était une sale gamine insolente, il ne pouvait nier le fait que parce qu’il avait été négligent, sa femme avait perdu tout respect pour lui. Même Harmonie ne put, ce jour-là, détendre sa sœur adorée. Énervée comme rarement dans sa vie, elle se détourna des divinités qui lui servaient de famille. Tout en marchant vers la sortie du Temple Central, elle se retourna un ultime moment.
-Je me barre pour le monde des mortels. Ne me cherchez pas, et n’essayez pas de me retrouver, ou il y aura un mort ou presque. Croyez ce que vous voulez, et vivez dans le déni, mais l’Olympe est décadente. Des Dieux paresseux, voilà ce que vous êtes devenus! Encore heureux que les Ases travaillent encore, parce que si les Vikings de Terra n’avaient plus accès au Walhalla, Arès mourrait, faute de nutrition! Bandes d’incapables!
Sur ces mots, la Déesse se dématérialisa sous les yeux des divinités, leur adressant à tous un formidable doigt d’honneur. Non, elle ne respectait rien ni personne, excepté peut-être Harmonie. Bref. Normalement, elle se serait défoulée en causant des ravages sur le territoire de Poséidon en déclenchant des cyclones, des ouragans, des raz-de-marée et autres trucs du genre, mais ce soir, elle n’en avait pas envie. Non, elle avait seulement envie d’aller sur Terre. Naturellement, elle avait conscience de tout ce qui troublait les mortels, et elle avait appris, via l’essence même du monde, qu’il manquait un enseignant dans un dojo, au Japon. Autrefois, elle passait du temps sur Terre, mais dernièrement, c’était beaucoup plus rare. Bref. Alors qu’elle se rematérialisait dans les vestiaires du dojo, elle s’alluma une clope puis elle fit disparaître ses vêtements pour faire apparaître un kimono classique de femme japonaise. Pas du tout adapté au combat, excepté à un détail près; une légère ouverture sur le côté droit permettait à la jambe de se libérer du tissu et de s’étendre sur une plus grande distance pour assurer la stabilité des pieds sur le sol.
Elle entra alors dans le dojo et lorsqu'elle aperçut les élève, elle manqua de s'étouffer en avalant sa clope. C'était tous une bande d'amateurs! Pas de muscles, rien! Elle dévisagea son sabre en bois, une forme modifiée de son véritable katana, comme si elle cherchait un ricanement rassurant, mais rien. Comme d'habitude, en fait. Elle entra dans le dojo, son arme à son côté, puis elle dévisagea un moment chacun d'entre eux. Aucun n'avait de véritable expérience, et personne ne s'était déjà battu pour défendre sa vie. Ce n'était tous que des gamins qui croyaient que l'épée était une simple distraction. Elle aurait pu les mépriser, mais elle garda ses sentiments dans sa poitrine.
-Mon nom est Chryséis, prononça-t-elle avec son accent d'ancien grec. J'ai participé à trois conflits armés dans des pays en guerre, donc expérimentée et habituée à la discipline, ce que je m'attends de vous. Je suis d'origine grecque, et je suis âgée de vingt-deux ans.
Un type siffla, juste pour se prendre un coup de sabre en bois sur le crâne, qui lui arracha un gémissement de souffrance, lui attirant immédiatement les ricanements des autres, mais le coup au sol de la sensei temporaire causa un silence impeccable tant elle transpirait l'autorité.
-Le Kendô est la voie du sabre. Le Sabre est une arme. Le Kenjutsu est l'art de tuer. Quels que soient les mots que vous employez pour le désigner, telle est sa vérité. Votre sensei, à ce que je vois, a oublié de vous enseigner la base du maniement au sabre, soit la force physique. Je ne doute pas de vos capacités, mais je mettrai l'accent sur vos faiblesses pour que vous vous amélioriez.
Et elle étira un sourire ravissant.
-Ma passion, c'est le combat. Et si vous êtes en colère, c'est libre à vous. Je vous y encourage, parce que j'aime voir la flamme de la volonté dans vos yeux. Haissez-moi, et je ne vous aimerez que davantage. Mais osez me manquer de respect et je vous l'apprendrai à nouveau.