"Bah, on t'as accepté chez nous... fin, déjà, c'est pas chez nous, c'est chez la dépotée, là... parce que sinon, t'aurais sûrement bouffé toute une colonie d'un centre aéré le lendemain à la piscine. J'suis sûre que t'es capable de faire le requin. Fais le requin, pour voir ?.."
C'était un spectacle assez étrange, un énorme chien-loup qui parlait et une demi-droguée qui lui parlait aussi en espérant une réponse à cette question complètement... "random". Avec Kali qui dormait à côté en murmurant de temps à autres des mots en russe dans son sommeil, ça formait une scène complètement atypique... même pour le Japon. Mais on va dire que c'était une question d'habitude. Quand on était habitué à Kalinka et à Malinka, on pouvait supporter les étalages de pétages de câbles les plus explosifs. Dans un sens, c'était une aubaine.
La main gantée de cuir cessa de balancer le rouble quand elle ne perçut pas de réponse de la part de leur nouveau compagnon. Elle reprit donc son monologue en posant cette fois-ci la main sur l'estomac de Keeshanic et en le caressant à rebrousse-poil.
"... Tu sais pas faire ? P'tain, t'avais bien la gueule à avoir ce talent caché, pourtant. ... En même temps, c'est pas ta vraie tête, c'est moi qui ait des hallus... pff, la migraine..."
L'adolescente cala ensuite sa tête sur le dos de ce qu'elle imaginait comme un énorme chien de compagnie pour essayer de faire passer ce mal de crâne. La chaleur du terranide la réchauffait. Le chauffage ne marchait plus depuis longtemps dans cette pièce. Là, on était en plein été, mais pendant l'hiver, ça devenait plus compliqué. Il fallait dire merci aux gênes russes qui leur permettaient d'être habituées à bien pire comme température depuis leur naissance. Une bonne couette, et c'était reparti.
Kali marmonna encore dans son sommeil en se retournant pour se retrouver sur le dos. Dans son habituelle logique, elle avait enlevé le bas de son survêtement et gardé le haut. Parce qu'elle avait trop chaud. Apparemment, elle transpirait surtout des jambes.
"... Merde, Kali, tu peux pas fermer ta gueule quand tu dors ?"
La voix étouffée dans le pelage de Keeshanic, l'ado aux cheveux en bataille n'avait pas dû bien entendre, car elle continuait de marmonner des trucs qui aux oreilles de sa sœur était parfaitement compris, mais dans les tympans de "Jean-Loup", ça ne devait pas aussi bien passer.
C'était à peu prés vivable, jusqu'à ce que les paroles étrangères furent entrecoupés de gémissements, d'abord très courts, puis plus vivaces. Mali releva la tête du tas de poil avec surprise et regarda sa jumelle, encore totalement endormie, qui continuait de débiter des flots de paroles incessantes et qui, entre-temps, avait glissé une main dans sa culotte décorée d'avions.
La fille aux couettes bleus regarda Keeshanic d'un air entendu, avant de placer ses mains sur sa bouche et de pouffer de rire entre ses doigts. Elle était une fois de plus habituée à ce genre de situations, c'était banal pour elle qui vivait vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans le monde de la débauche et du sexe. Par rapport à ce qu'elle avait pu observer dans sa vie, c'était même une scène mignonne, remplie d'innocence. D'autant plus que c'était sa sœur.
Contrairement à ce que disait les rumeurs qui circulaient entre Shinichi et ses copines, il ne s'était jamais rien passé entre elles deux. Elles étaient sœurs. Des jumelles qui n'avaient absolument pas besoin de sexe pour se dire régulièrement qu'elles s'aimaient. Il fallait croire qu'elles n'étaient pas assez frappées pour passer à quelque chose de plus approfondie qu'une relation fraternelle. Paradoxalement, n'importe quel couple pouvait sembler ridicule à côté de celui que formait ces deux tarés. Leurs vies à toutes les deux était composé de choses communes : ça avait été et ça serait toujours ainsi.
"Pffrrtff... hé, t'en fais pas Jean-Loup hein, ça arrive souvent ça, tu t'habitueras !"
Sourire du Cheshire censé indiquer que tout allait bien et qu'il fallait être rassurée. Ça marchait sûrement à moitié. Il fut d'ailleurs remplacé par une moue surprise.
"... Heu, par contre, je comprends pas pourquoi elle nous parle de corde à sauter, là."
... Plutôt au quart, on dira.