Une femme armée ... Le parisien ne parvenait pas à définir s'il trouvait cela amusant ou inquiétant. Bien sûr, lui, avait toujours son arme sur lui, mais c'était une autre affaire. Durant ce qu'on appellera son parcours professionnel, Erwan avait eu recours à l'usage des armes un bon nombre de fois. Au début, c'était à contrecœur ; son père lui avait appris comment tuer des proxénètes froidement, et, dés ses 17 ans, il en avait abattu un qui cherchait des ennuis à une des "filles" de son père. Une de celles qui le bordait, enfant, quand sa mère n'était plus là. A son arrivée au Japon, il rechigna à utiliser les armes, sauf en dernier recours. Et, au fil du temps et des événements, il apprit à tuer froidement, faisant taire sa conscience hurlante. Tuer pour sauver. Souvent pour sauver ses filles, d'ailleurs ... Dés qu'un mac tournai autour de ses protégées, il n'hésitait plus.
Et, en voyant cette fille prendre ses armes, il vérifia si la sienne était bien là. Oui. Un soupir de soulagement, puis un sourire, et il entraina Danae vers la porte. Il habitait relativement loin de cette boite - pour des raisons évidentes : la concurrence - , ainsi il lui ouvrit une des portières de sa voiture, et roula doucement, avec précaution, regardant furtivement le paysage.
- Les rues japonaises, la nuit, sont extraordinaires ... souffla t'il à son invité.
Un quart d'heure plus tard, ils étaient en bas de son immeuble. Deux minutes plus tard, il lui ouvrait la porte de son appartement : Un mur couvert de mille et unes tentures, chacune rapportée d'un pays différent, qui étaient accrochées de manières à former une sorte de tente insolite, de photos découpées ou de cartes postales bariolées. Un autre, où des phrases, des mots, des citations, étaient gravés à même le plâtre couvrant le mur. Que ce soit " On s'ennuie de tout, mon ange, c'est une loi de la nature. " de Laclos, où " Je ne peux pas gagner ma vie, je l'ai " de Boris Vian. Bien que ces murs soient couverts d'une abondance de choses, les deux murs restant - diable, son appartement était délimité dans un immense rectangle - étaient d'une finesse et d'un minimalisme pur. Sur l'un résidait - reproduction parfaite - l' "Ophélie " de Millay, délicieuse et cruelle, et l'autre était couvert de peinture ardoise, sur laquelle il gravait tout, et rien. On pouvait distinguer, à moitié cachées par les tentures, deux portes. L'une menant à la salle de bain, l'autre à la "chambre". Négligée, elle aussi. Les murs étaient tachés de photographies de tableaux de Pollock, et une immense fenêtre empiétait sur un des mur. Il avait un lit quatre fois trop grand, mais couvert de multiples couvertures fines et coussins.
L'abondance ... Toujours l'abondance.
- Bienvenue, récita t'il, en français.