J'étais venue ici pour quoi déjà ? [Alistair]

Un bar, de Seikusu ...

C'était pas souvent que Shylee se rendait dans ce genre d'endroit. Et pourtant, elle était là. Un verre rempli d'alcool face à elle. D'ailleurs, c'était pas son premier. Ni son second. Peut-être le troisième ou le quatrième. Un gros chagrin, voilà ce qu'elle avait. Certes, elle n'était pas sotte. Shylee savait très bien que l'alcool ne résolvait pas les problèmes, que ça ne faisait qu'empirer les choses, ou presque. Mais bon, elle avait besoin de ça, dans un certain sens. Peut-être qu'elle faisait foncièrement une erreur. Tant pis. L'erreur est humaine, non ? Tout le monde fait des erreurs et apprend de ces derniers, n'est-il pas ?

Ce qu'elle faisait donc, là, dans ce bar, à moitié ivre du fait que l'alcool avait, sans aucun doute, fait plusieurs fois le tour de son sang, et ce assez rapidement du fait qu'elle avait une faible corpulence ? Elle buvait ... Elle buvait pour oublier la terrible nouvelle qu'elle venait d'apprendre, un peu plus tôt dans la soirée.

***************

La journée avait si bien commencé. Et Shylee pensait qu'elle se terminerait tout aussi bien. D'ailleurs, d'ici à quelques heures, et le tour serait joué. Elle allait dîner quand le téléphone s'était mis à sonner. Le combiné près de son oreille, elle n'avait pas arrêté sa cuisine pour autant. Elle s'était même tournée afin de prendre un verre. Elle avait mis de l'eau dedans, eau qui allait lui servir pour faire sa sauce. Sauf que le verre, et l'eau ... n'arrivèrent jamais près de la casserole. Non, Shylee avait subitement lâché le verre qui était venu s'exploser au sol. Et son autre main avait repris, correctement, le combiné. Une mauvaise nouvelle, voilà ce qu'elle venait d'entendre.

Quel genre de nouvelle aurait pu la mettre dans un tel état ? La mort ... Le décès de quelqu'un. Apparemment ... Son très cher protecteur, celui qui avait toujours veillé sur elle quand elle était petite, qui l'avait aidée à faire ses devoirs, qui l'avait toujours protégée, par vent et marée, et qui avait même eu l'occasion ... de faire des choses et d'autres avec elle -du moins, c'était ce que Shylee pensait mais bon, c'était pas vraiment lui puisqu'un polymorphe avait pris, vraisemblablement, sa forme [See here]. Enfin, tout ça pour dire que la mort de ce proche ... l'avait plus que choquée. Une mort dans des circonstances plus qu'étranges d'ailleurs.

La pauvre petite était choquée, déboussolée. C'était comme si son petit monde était en train de s'effondrer, ou quelque chose dans le genre. Elle ne savait plus quoi penser, plus quoi dire. Et elle avait fini par raccrocher sans un mot, laissant sa mère entre la tonalité.

***************

Voilà pourquoi elle était dans ce bar. Et bien sûr, comme elle était un peu émêchée, certains tentaient d'en profiter. Mais bon, il était temps... Temps pour Shylee de s'tirer de cet endroit. Avant que des ennuis ne lui tombent dessus. Elle avait payé ses consommations et s'était levée. Elle marchait pas bien droit. Elle titubait un peu même. Et nul doute que certains allaient essayer d'en profiter.

Après une journée chargée en étude, Alistair s'était dirigé dans le bar le plus proche de chez lui... En effet, il avait eu un cours de mathématique aujourd'hui et bien entendu ce n'était pas sa matière préférée. Cela ne signifiait pas qu'il était mauvais dans cette matière, bien au contraire il avait de bonnes notes. Le problème résidait dans la simplicité de cette matière. Elle était trop scientifique, il y avait forcément une réponse à toute question. Alistair, lui, préférait la psychologie humaine... Observer et analyser les personnes autour de lui, était plus intéressant et plus complexe. Loin d'être une personne sociable, c'était une faculté qu'il avait développé durant son enfance et qui l'avait beaucoup aidé pour surmonter son passé. C'était la raison pour laquelle il était allé dans ce bar, il y avait toujours un nombre phénoménale d'épaves humaines. Toujours un cas à résoudre, à décoder s'offrait à lui.

Il ouvrit la porte du bar et se posa à la table la plus proche. Il commença à observer la salle. Elle était relativement calme, et étonnamment propre pour un endroit de ce genre.  Un serveur vint prendre sa commande, le jeune homme commanda un verre d'eau. Le serveur partit visiblement amusé du type de la commande. C'était assez normal, mais Alistair n'appréciait pas trop l'alcool. C'était une substance qui altérer les capacités d'une personne, entrainant une sorte de désinhibition....Bref c'était un état où les gens dévoilaient aisément leurs secret, chose qui était absolument interdite pour le jeune homme.
Alistair remarqua alors un groupement de personne au fond de la salle. En observant plus attentivement, il aperçut que plusieurs hommes essayaient d'abuser d'une jeune femme. Rien de bien étonnant, mais le jeune homme plissa ses yeux et alors...

- " Impossible..." laissa t-il échapper.

Il venait de reconnaître son professeur de mathématique. Cette jeune femme calme, respectueuse et diablement intelligente...était saoule! Que devait-il faire? C'était pour ce genre de phénomène qu'il était venu ici, mais il lui était inconcevable que la victime de son jeu puisse être son professeur! Il s'étonna lui-même de cette réflexion. Alistair était pragmatique et manipulateur, la pitié était une vertu qu'il trouvait totalement pathétique...Alors pourquoi avait-il pitié de son professeur.

- " En plus, elle enseigne les mathématiques... Elle a gâche toute ma journée avec ses exercices.. " dit-il sérieusement alors que le serveur venait de lui apporter son verre d'eau.

Il ferma alors les yeux quelques instant, cherchant à extérioriser tous ses sentiments : il devait être objectif. Il observa alors la scène, les hommes autour d'elle lui offraient de plus en plus de verre. Visiblement, ils voulaient la rendre totalement inerte, il serait certainement plus facile de profiter d'elle par la suite. C'est ainsi que certains d'entre eux posaient leurs mains sur les épaules de la jeune femme... D'autres osaient même toucher la cuisse du professeur sans que celle-ci n'eut une quelconque réaction... La jeune femme semblait dans un monde à part, ses yeux reflétaient une terrible tristesse...

- " Hmmm, certainement un décès " commença t-il calmement "..Je pencherais pour un membre de le proche famille " finit-il d'une même voix.

Mais il n'en pouvait plus, analyser cette personne était au delà de ses forces. Il détourna alors les yeux.

- " Pas très intéressant comme sujet de jeu " se mentit-il à lui-même

Il but alors une gorgée de son verre d'eau et commença à rechercher une autre victime... Du coin de l’œil, il observa l'évolution de la situation pour Miss Tsumo... Elle venait de se lever mais les jeunes hommes la suivaient de près...

- " Bon débarras " dit-il d'un ton morose.

Il essaya de ne pas l'observer, mais il n'y arrivait pas... Regarder des hommes pelotaient ce professeur en particulier, l'exaspérait profondément. Il se leva alors calmement, déposa quelques pièces sur la table et attendit que le professeur traverse la salle. Lorsqu'elle fut à sa portée, il se positionna derrière elle.

- " Désolé les mecs, je la raccompagne " lança t-il au troupeau de loup, alors qu'il continuait de suivre la soularde.

Elle ouvrit la porte et sortie du bar, Alistair la suivait toujours de près. Elle ne semblait pas avoir remarqué la position du jeune homme. Mais qu'importe, le plus discret était-il, le mieux se portait-il... Cependant les évènements jouaient en sa défaveur, la jeune femme commença à tituber devant lui, elle n'allait certainement pas réussir à rentrer chez elle toute seule.. Alistair sortit alors de l'ombre et arrêta le professeur...

- " Madame Tsumo..." commença t-il en essayant de capter le regard de la jeune femme " C'est Alistair Blair, je suis l'un de vos élèves " continua-t-il calmement
" Vous ne semblez pas au meilleur de votre forme, est-ce que vous voulez que je vous raccompagne chez vous ?" finit-il d'un ton plus élevé.

Il lui proposa son épaule comme appui.

Quelle bande de sombres crétins.

Assez, elle en avait assez de tous ces petits rigolos qui tentaient de la courtiser. Seule, elle voulait rester seule, et noyer son chagrin. Bah ... Elle aurait su qu'on l'embêterait, ou du moins, qu'on la gonflerait de la sorte, sans aucun doute ... qu'elle serait quand même sortie de chez elle pour se rendre dans le magasin le plus proche. De là, elle aurait acheté quelques bouteilles d'alcool, serait rentrée chez elle, et se serait bourrée la gueule dans son appartement, sur son canapé. Ou alors, elle se serait achetée plein de pots de glace, et se serait fait une orgie de glace. Moins dangereux, probablement. Et ça lui aurait évité de se coltiner tous ces saoulards qui la serraient d'un peu trop près. C'était de sa faute, elle le savait. Si elle n'était pas venue, elle n'aurait pas eu ces mecs très insistants autour d'elle. Mais Shylee avait eu besoin de boire un verre. Besoin d'oublier cette mauvaise nouvelle. Besoin de se libérer l'esprit durant quelques instants. Et ça faisait des étincelles.

Voilà pourquoi elle s'était levée. Sauf que les sales types en avaient fait aussi de même afin de la suivre. Peut-être qu'ils pensaient qu'ils allaient pouvoir s'amuser avec elle et qu'elle ne leur opposerait aucune résistance. Ils se trompaient. Elle n'allait pas repartir avec eux. Non, elle allait rentrer, chez elle, toute seule. Enfin, la tâche ne serait, probablement, pas très facile du fait qu'elle avait un peu de mal à tenir debout. Et pourtant, elle avait seulement bu quatre verres ... C'était pas beaucoup, non ? Et bien, ça avait sufft pour la cuiter totalement !

"Les gars, les gars ..."

Elle avait dit cela tout en levant quelque peu les bras, comme pour se détacher d'eux. Certains de ces messieurs avaient posé leur main sur l'un de ses bras, comme pour la retenir. Mais par ce geste, elle leur signifiait bien qu'elle préférait qu'ils lui foutent la paix.

"C'est gentille ... Mais j'ai pas besoin de vous. Alors ... dégagez ..."

Whaaaa ... qu'est-ce qu'elle faisait peur ! Nul doute qu'ils étaient en train de faire dans leur froc ... nan, c'est ironique, bien évidemment. C'était pas Shylee qui allait leur faire peur. Elle était toute petite, elle était toute menue. Elle avait une faible corpulence. Donc, c'est clair qu'elle faisait pas peur. Tout ce qu'elle demandait, c'était qu'ils lui foutent la paix. Et qu'elle puisse rentrer. La tâche ne serait pas facile, mais bon, elle allait rentrer quand même.

Elle se mit donc à marcher dans le bar, se dirigeant vers la sortie. Non sans avoir cette horde de loups derrière elle qui ne désirait, probablement, qu'une chose : s'amuser et faire des folies avec son corps. Mais y'avait un bon samaritain qui venait de s'interposer entre elle et le troupeau de loups. Une voix qui disait qu'il allait la raccompagner. Shylee avait levé un bras, levé la main, comme pour dire que c'était bon. Elle n'avait même pas croisé le regard de celui qui souhaitait la raccompagner. Elle ne savait même pas qui c'était. Tout ce qu'elle faisait, c'était marcher. Sortir de ce bar, voilà ce qu'elle fit. Elle se retrouva donc dehors, à l'air libre. La jeune femme prit une lente inspiration, tout en se penchant quelque peu vers l'avant. Et bien, et bien ... Elle serait, sans aucun doute, malade toute la nuit ! Penchée dessus la cuvette des waters ... Quand elle buvait trop, c'était ce qui arrivait la plupart du temps. Et sans aucun doute que cette fois-ci, elle n'y couperait pas.

Se redressant, Shylee ne remarqua même pas le jeune homme, qu'elle avait dans sa classe, qui la suivait. Non, elle avait recommencé à marcher, à tituber. Dur dur de faire deux pas sans s'manger le trottoir ou un mur. Ouais, elle allait avoir quelques problèmes pour rentrer chez elle. Ce fut à ce moment que le jeune sortit de l'ombre. Elle heureta une masse bien dure. Levant quelque peu la tête, elle plissait les yeux, regardant celui qui lui bloquait le passage.

"Non ... Non ... J'veux pas jouer ... Fichez-moi la paix ..."

Elle pensait que c'était un de ces types qui arrêtaient pas de l'ennuyer plus tôt, quand elle était au bar. Mais elle fut quelque peu interpellé quand ... Quand il l'appela par son nom de famille. Comment il la connaissait ? Blair ... Alistair Blair ... Ca lui disait quelque chose. Un de ses élèves ? Possible ... Elle le regardait, le dévisageant. Elle avait plus vraiment les esprits clairs.

"Blair ... Blair ... Blair ..."

Et Shylee répéta le nom à plusieurs reprises, comme pour chercher dans sa mémoire. Mais elle avait vraiment du mal à rester debout. Elle ne savait plus ... Elle poussa un léger soupir, tout en posant une main contre sa joue, puis son front, l'autre se posant sur sa taille. Elle avait secoué la tête.

"Non ... Ca va pas du tout."

Elle s'était tournée et avait indiqué une première direction de la main, avant de faire pareil mais de l'autre côté.

"J'dois habiter ... par là ... Ou par là ... Je sais plus."

Elle cacha son visage dans ses mains durant quelques instants. Pour preuve qu'elle était cuite, elle savait même plus quelle direction prendre !

Alisair était dépité... En voila une belle image de maturité, n'était-ce pas les professeurs qui devaient montrer l'exemple aux élèves et être "responsable"... Le professeur Tsumo était l'un des rares professeurs dont Alistair reconnaissait l'intelligence... Mais son estime d'elle, diminuait à mesure des successions d'erreurs qu'elle commettait. Il ne cacha d'ailleurs pas son mécontentement.

- " Et bien, en voici une exemple de maturité... " murmura t-il juste assez fort pour que le professeur l'entende.

Il regarda alors la jeune femme, elle arrivait à peu près à sa taille. C'était assez étrange, lorsqu'il était en classe, elle avait l'air largement plus grande. C'était sans doute une conséquence de l'estrade : rendre les professeurs plus grands qu'ils ne l'étaient.

Le jeune homme remarqua alors le sac à main de la jeune femme. Il allait lui demander son autorisation pour y fouiller dedans mais voyant l'état en décadence de Miss Tsumo, il prit l'initiative de le faire directement. Il ouvrit alors le sac et commença à fouiller dedans.
La première chose qu'il attrapa, était un rouge à lèvres de couleur rouge vif, un miroir et un tas de maquillage dont il ne connaissait pas le nom. Il découvrait son professeur sous un autre angle, un angle un peu plus féminin. Il lança une dernière fois sa main dans le sac et tomba sur un objet rectangulaire, il le sortit du sac : c'était un portefeuille en cuir très féminin et sobre. Il l'ouvrit et rechercha la carte d'identité du professeur

- " Shyleeeeeeee Tsumo " lança t-il à l'ivrogne proche de lui d'un air amusé

Puis en observant davantage la carte, il trouva finalement l'information qu'il recherchait : son adresse. C'était dans le quartier et donc facilement accessible pour deux personnes...valides. Le problème était que "Shylee Tsumo" ne l'était pas. Mais Alistair ne se voyait pas prendre les transports en communs avec une personne saoul comme elle. Il décida donc de partir à pied.
Il pointa donc une avenue à Miss Tsumo.

- " Voila c'est par là qu'il faut partir... Contentez vous de me suivre Madame Tsumo " dit-il toujours avec un ton légèrement plus élevé et en articulant bien pour être sur qu'il avait été compris.

Ils commencèrent à marcher lentement mais surement. Alistair faisait attention à la jeune femme, qu'elle ne tombe pas ou qu'une voiture ne la renverse pas par inadvertance. Durant leur périple, elle avait faillis tomber plusieurs fois mais Alistair était toujours présent et attentif. Il s'était proposé de nombreuses fois comme appuie mais la jeune femme ne semblait pas disposée à avoir recourt à lui.
Il n'avait pas l'habitude de prendre soin des gens, il se retrouvait dans un rôle déplaisant mais inévitable... La journée se terminait de plus en plus mal. Il était allé dans un bar pour se distraire et voila qu'il était devenu le chaperon du professeur de la matière qu'il n'aimait pas... Il espérait seulement que, sous l'effet de l'alcool, le professeur ne commencerait pas à faire des révélations gênantes...sur les évènements qui l'ont amené à sa situation actuelle ou autre chose...

Droite ou gauche ... Elle ne savait plus. Ah la la... L'alcool, c'est vraiment pas bon. Elle avait soupiré à plusieurs reprises. Et dans la bagarre ... elle avait perdu son sac. Où est-ce qu'il était passé ? Coup d'oeil à droite, coup d'oeil à gauche, elle allait finir par avoir le tournis si ça continuait. Voilà pourquoi, tandis que le jeune homme fouillait dans son sac -mais ça, elle l'avait pas vu-, elle s'était assise sur le rebord du trottoir, son visage, à nouveau, enfoui dans ses mains. Mon dieu, mon dieu. Pourquoi s'était-elle décidée à sortir ? Elle aurait mieux fait de rester chez elle. Elle serait pas aussi mal dans l'immédiat.

"J'me déteste ... J'aurais dû être là ..."

Elle avait murmuré ça pour elle même. Peut-être que Alistair l'avait écouté mais elle n'en était pas vraiment sûre. Bah ... De toute manière, sans aucun doute qu'au petit matin, elle ne se souviendrait pas de tout ceci. Sauf si elle passait une nuit blanche et qu'elle décuvait comme ça. De toute manière, elle aurait été là pour Ethan ... Qu'est-ce que ça aurait fait de plus ? Hein ? Qu'est-ce que ça aurait fait ? Sans aucun doute ... Rien de plus. Elle n'aurait pas pu l'aider, elle n'aurait rien pu faire pour lui. Et il serait quand même mort ... Et dire ... Et dire qu'elle ne pourrait même pas prendre quelques jours de repos pour se remettre de cette histoire. Ce n'était pas un membre de sa famille. Juste quelqu'un de proche, de très proche. Mais niveau loi, malheureusement, t'avais pas le droit à des jours pour ça.

Alistair l'avait interpelée. Elle n'avait pas bronché. Elle n'avait même pas cherché à redresser la tête et à le regarder. Elle avait envie de rentrer chez elle, de revenir sur le plancher des vaches, en quelque sorte. Mais ... Elle avait comme perdu son sens de l'orientation. Elle ne savait plus vraiment où elle était.

"Mais qu'est-ce que j'fous là moi ? >_<"

Ouais, Shylee regrettait vraiment d'être sortie. Parce que se bourrer la gueule, c'était pas vraiment son truc. Elle regrettait cette journée, cette soirée. Elle regrettait tout. C'était pas le genre de personne à vivre avec des regrets. Non, Shylee vivait sa vie au jour le jour, sans chercher à revenir sur l'un d'entre eux. Mais bon, ce qui était fait ... Etait fait. Elle n'y pouvait rien. Ah la lal ... Quelle dèche ! Lui parlant à nouveau, Alistair en était venu à lui pointer une direction. Il lui demandait même de la suivre. Elle avait penché la tête sur le côté.

"C'est pas la peine de crier. Je sais où j'habite."

Techniquement parlant. Elle s'était redressée, titubant quelque peu, tandis qu'elle avait récupéré son sac. Nan mais oh ... Faudrait pas, non plus, qu'il se croit tout permis, non ? Brèfle, il lui avait dit de le suivre. Mais elle avait commencé à partir devant lui. Miss j'enchaîne les gaffes avait décidé de n'en faire qu'à sa tête. Le voyage fut périlleux pour rejoindre son appartement. Mais ils étaient en bas de l'immeuble, face à la grande porte d'entrée. Mais avant de rentrer, elle s'était tournée vers Alistair.

"Monsieur Blair ... si vous pouviez ... éviter de chanter tout ça sur les toits. J'vous en serais reconnaissante."

Peut-être pas au point de lui mettre que des bonnes notes mais bon.

Il avait assez souffert de la soirée, l'heure était à l'amusement. Alors que la jeune femme lui demanda de ne pas ébruiter ce genre d'évènements qui pourraient entacher sa carrière d'institutrice. Alistair eut une idée assez brillante et enfantine. Il prit son téléphone mobile et feint de composer un numéro... Il tourna le dos à son professeur.

- " Hey Arthur, tu croiras jamais qui je viens de ramener chez elle ?! " commença t-il en regardant son professeur du coin de l’œil.

A vrai dire, il ne parlait pas réellement comme ça dans la vie, il était plus du genre manipulateur et pragmatique... C'était une définition de lui-même qu'il appréciait tout particulièrement. Cela empêchait les mauvaises langues de se prononcer sur lui... Bien entendu la réputation d'élève studieux et asocial qu'il s'était bâtit au fil des années dans son établissement scolaire, il l'avait mérité. La fameuse définition de lui-même n'était donc pas un mensonge
Il n'était pas sur que Miss Tsumo avait entendu ses paroles, mais lorsqu'il la vit froncer des sourcils il comprit qu'il avait touché au but !

- " Et bien, Miss Tsumo....totalement ivre...t'y crois pas hein ?! Attend je vais prendre une photo " continua t-il le sourire aux lèvres.

Il tendit ses bras maximum en direction du professeur et le téléphone à la main, il feigna de prendre une photo... Son petit jeu était réellement plaisant, car d'une part il décompressait d'une horrible journée et d'autre part il prenait un malin plaisir à se moquer du professeur qu'il appréciait le moins. D'ailleurs il venait à se demander ce qui était le plus amusant : la faire tourner en bourrique ou s'amuser sur son incapacité à comprendre la supercherie à cause du niveau d'alcool présent dans ses veines. Au final, la soirée ne semblait plus si horrible que ça : s'il devait revivre cette journée pour atteindre de nouveau un tel moment, il l'aurait fait sans aucun remord.

 Alistair n'avait pas autant ri depuis longtemps... A vrai dire, depuis la mort de son père, il n'avait jamais eu un rire aussi sincère et plaisant. La jeune femme semblait perdre de plus en plus patience. Il se demandait s'il devait pousser la plaisanterie plus loin pour voir la réaction de son interlocutrice : allait-elle le gifler ou pas ?  A cette pensée, il préféra choisir une option plus sage et abréger les souffrances de la pauvre institutrice.

- " Ce n'était qu'une blague Madame Tsumo ! Détendez-vous " lui dit-il toujours armé de son sourire.

Il la regarda avec un air un peu plus sérieux, voyant la tristesse qui s'accaparait du visage de la jeune femme. Il se rappela d'une phrase qu'elle avait dite devant le bar . Il en avait d'ailleurs conclu qu'il avait eu la bonne analyse : il y avait bien eu un décès.... Cependant le jeune homme pensait que le décès concernait la famille proche de la jeune femme et non un ami. Il osa une phrase de réconfort.

- " Vous auriez pu être là...Mais vous n'auriez rien pu faire... " lui dit-il d'une douce voix grave et chaleureuse.

Il observa pendant quelques secondes l'institutrice, elle n'avait pas encore récupéré toutes ses facultés physiques. Alistair commençait à douter de son aptitude à atteindre son appartement en sureté. Il se tapa légèrement la tête par dépits.

- * Je vais devoir l'aider à monter chez elle... Et voila, la galère est de nouveau là! *

Il s'approcha d'elle, et en essayant de capter au maximum l'attention de la jeune femme.

- " Il fait un peu froid dehors et vous n'allez même pas m'offrir quelque chose de chaud à boire?! " lui lança t-il d'un ton provocateur.

Il ne voulait pas montrer qu'il s’inquiétait pour elle, d'ailleurs il ne voulait pas accepter lui-même... Il préféra donc transformer toute l'angoisse qu'il éprouvait pour elle en une arrogance sans borne.

Diantre ! Dans quel état elle était ? La pauvre Shylee n'avait, plus vraiment, la tête sur les épaules. Du moins, elle avait un peu de mal à penser correctement, et aussi à marcher correctement. Mais bon, elle était arrivée chez elle, à son immeuble. Quelques marches et elle arriverait dans le hall d'entrée. Encore quelques pas, aussi difficiles qu'ils seraient, et elle serait devant la porte de l'ascenseur. Bon, d'accord, elle avait une sainte horreur des ascenseurs. Mais ... Ca serait, sans aucun doute, mieux de prendre l'ascenseur que d'emprunter les escaliers, non ?

Shylee s'était tournée vers Alistair, lui demandant de bien vouloir garder cela entre eux. Suite à quoi elle s'était tournée, à nouveau, et avait avancé en direction de la porte. Fouillant dans son sac, elle cherchait ses clés. Trousseau de clés en main, la langue sortie, elle tentait de se rappeler quelle était la bonne clé. Et quand elle l'eut, elle l'enfila dans la serrure. Ce fut à ce moment présent que le jeune homme s'était tourné et qu'il avait empoigné son mobile, composant un numéro. Et le voilà qu'il parlait. Il était en ligne avec quelqu'un. Shylee n'avait pas "capté" le début de la conversation. Mais sans aucun doute que si elle avait compris tout de suite, elle aurait été hors d'elle ou bien elle aurait pété un câble ... Quoi que ... Elle se serait mangée le trottoir ou aurait pu louper une marche. Elle devait éviter de faire des mouvements trop rapides. Car qui sait ce qui pourrait lui arriver, surtout qu'elle pouvait se faire mal.

La jeune femme s'était tournée, laissant les clés dans la serrure, tandis qu'Alistair continuait à parler. Il en vint à prononcer son nom, une nouvelle fois. Ainsi que les mots ivre et photo dans la même phrase. Bon, elle n'avait peut-êre pas vraiment les idées claires à cause de l'alcool, mais là, elle avait bien compris. Il était en train de se foutre de sa gueule ouvertement, et il allait prendre des preuves de ce petit dérage incontrôlé. Ca ... Il allait lui payer ... Il allait lui payer cher. Quitte à lui coller que de mauvaises notes à ses contrôles, ou à trouver toujours la petite bête pour lui faire chuter ses notes. Oui, bon, d'accord, c'était pas très déantologique tout ça, mais elle s'en fichait.

"Oh ... Donne-moi ça !"

Elle agitait les bras, histoire de récupérer son maudit téléphone. D'ailleurs, comme elle avait oublié les marches, ou presque, elle manqua d'en louper une et de se faire sérieusement mal. Ouais, un peu plus et elle chutait, se tordant probablement la cheville au passage ou se faisant mal. Le pire, c'est que ça le faisait marrer. Lui, le jour où il aurait des ennuis, elle se foutrait ouvertement de sa gueule ! Et elle ne ferait rien pour lui remonter le moral. Non, pour sûr !

Comme Shylee n'arrivait pas à récupérer son maudit téléphone, elle en vint à se dire, à penser, qu'elle devait trouver autre chose pour arrêter son petit délire. Peut-être qu'elle devait le frapper, le cogner. Ouais, lui foutre son poing dans la figure ... Hmmm ... Si elle le loupait, elle risquait de se manger le sol. Oh, et puis merde, s'agiter de la sorte, ça le faisait rire et rire. Alors, autant arrêter. Au lieu de se diriger vers lui, Shylee avait subitement fait demi-tour pour se rapprocher sur la porte, s'énervant sur la serrure. Ca avait, apparemment, fonctionné puisqu'il avait, vraisemblablement, arrêté sa boutade et lui avait même dit que tout ceci n'était qu'une blague. Qu'importe, elle faisait la sourde oreille. Qu'il aille se faire foutre. Qu'il aille emmerder quelqu'un d'autre. Elle n'avait pas besoin de lui.

Tout en s'énervant, Shylee finit par ouvrir cette maudite porte. Et Alistair osait lui dire de se détendre ! Tssss ... Elle avait une dent contre lui. Clair que si elle se rappelait de tout ça au petit matin, elle lui en voudrait, terriblement.

"Je me fiche de tes niaiseries. J'ai pas besoin de ton réconfort."

Elle s'en remettrait bien toute seule. Le temps guérit toutes les blessures, même les plus graves. Donc, elle finirait bien par oublier, à accepter cette mauvaise nouvelle. Shylee avait réussi à ouvrir la porte et elle s'était à peine engouffrée dans le hall. Elle avait ôté les clés de la serrure, mettant le trousseau, à nouveau dans son sac. Histoire d'éviter de le perdre. Libre à lui d'entrer. Il faisait bien ce qu'il voulait. Mais elle ne prit même pas la peine de répondre à sa provocation, l'ignorant totalement, préférant s'avancer vers le maudit ascenseur.

 Pour la première et dernière fois de sa vie, Alistair avait essayé de réconforter une personne... Mais la jeune femme qui lui faisait face, avait craché du venin en guise de réponse : elle avait refusé le réconfort du jeune homme. Et bien, malgré les litres d'alcool qu'elle devait avoir dans le sang, elle avait toujours cet air hautain propre aux professeurs... Après tous les efforts qu'il avait fait pour elle, cette dernière n'avait montré aucune reconnaissance envers son saveur... Même si cette idée ne lui plaisait guère, c'était comme ça qu'il se voyait... Alistair n'allait certainement pas laisser passer ça. Il regarda son professeur s’engouffrer dans l'immeuble et il la suivit d'un pas décidé. Si elle lui demandait pourquoi il était entré, il n'avait qu'à mentir et dire qu'elle lui avait proposé. Après tout, elle ne semblait pas apte à utiliser sa brillante mémoire...

- " Je suis sur que vous arriveriez même pas à toucher le bout de votre nez, une jambe en l'air..." lui lança t-il sur un ton provocateur.

 Quel chance, l'immeuble était équipé d'un ascenseur, il n'allait pas devoir aider le poids mort qui se trouvait à côté de lui à monter chaque marche de l'escalier. Voyant que Miss Tsumo cherchait le bouton d'appel, il décida de lui emboiter le pas et d'appuyer dessus de sa propre initiative. N'oubliant certainement pas de lui jeter un rire moqueur.  Un silence s'installa alors dans le hall de l'immeuble, ils attendaient calmement l'ascenseur. Il prenait du temps à venir, Alistair se demandait s'il était encore fonctionnel. Il essaya de regarda par le hublot à la recherche d'un quelconque mouvement à l’intérieur.

- " Vous êtes sur qu'il marche ? " demanda t-il à son professeur

Voyant que Miss Tsumo ne dédaignait pas lui répondre, il sentit son sang bouillir dans ses veines. Il essayait tant bien que mal d'avoir une conversation décente avec CETTE personne en particulier, mais celle-ci semblait prendre plaisir à l'ignorer. Alistair plongea alors dans ses pensées, à la recherche d'une petite vengeance. Il n'avait pas réellement pris de photos de son professeur ivre, il ne voulait pas en prendre d'ailleurs. Mais les réactions successives de cette dernière, avaient énervé le jeune homme. Cette fois-ci, il en prendrait une !
 
 Il chercha dans le menu de son téléphone mobile l'application pour prendre des photos. Une fois trouvé il cliqua dessus et positionna son minuscule objectif sur la jeune institutrice. Un premier clic retentit. La photo était de bonne facture, mais la jeune femme était de profil...il voulait une photo de face. Il se tortilla alors tant bien que mal pour se retrouver face à elle. Un deuxième clic retentit... La jeune femme ne semblait pas apprécier voir le jeune homme s'amuser avec son téléphone devant elle. Finalement, Alistair se positionna à côté du professeur et posa une main sur son épaule... Il se prit une dernière photo rapidement.

- " Bingo... " fit-il en regardant la photo.

Il tourna l'écran de son portable vers Miss Tsumo et lui montra la photo... L'ascenseur arriva alors.

- " Et bien! Il en a prit du temps " lança-il.

 Il ouvrit la porte et proposa à la jeune femme d'entrer en première. Après tout c'était un jeune homme à présent, il aimait la romance et la galanterie était un art qu'il cultivait. La jeune femme entra tant bien que mal à l’intérieur. Alistair entra alors à son tour en prenant soin de bien fermer la porte. C'était un petit ascenseur, avec très peu de place dedans, la couleur dominante était le marron et les boutons se trouvaient à droite de la porte. Il attendit que son professeur appuie sur le bouton correspondant à l'étage de son appartement.

- " Allez...un peu plus vite Professeur ! " finit-il sur un air provocateur.

Il la narguait, il l'énervait. En temps normal, sans aucun doute ... Que la jeune femme n'aurait pas pris de pincette pour l'envoyer paître. Et nul doute, du fait de son arrogance, qu'elle l'aurait giflé depuis bien plus longtemps que ça. Ou lui aurait même collé son poing en pleine figure. Mais elle n'avait pas tout son esprit. Elle avait mal à la tête aussi. Cette fin de soirée était horrible et elle n'avait envie que d'une seule chose. Rentrer chez elle, dans son appartement, et finir au lit. Bon, il était vrai qu'elle serait sûrement malade et qu'elle passerait une bonne partie de sa nuit aux toilettes. Mais elle aurait le temps de récupérer. Elle ne travaillait que l'après-midi le jour suivant. Pour une fois, elle ne se lèverait pas aussi tôt que les autres jours et lézarderait dans son lit un moment. Oui, elle aurait bien le temps de se reposer le jour suivant si elle passait une nuit dingue.

Alistair la suivait. Elle était rentrée dans l'immeuble, s'approchant de l'ascenseur. Et il était là, encore, derrière elle, à la suivre. Mais qu'est-ce qu'il foutait là encore ? Pourquoi n'était-il pas parti ? Qu'attendait-il de plus ? Etait-il l'un de ces fauves, un de ceux du bar, qui avait envie de profiter d'elle parce qu'elle n'était pas au meilleur de sa forme ? Peut-être, possible. Elle n'arrivait pas à penser correctement. Elle l'ignorait. Oui, voilà, elle allait l'ignorer ouvertement, se fichant de lui, faisant comme s'il n'était pas là. Elle s'en foutrait ... C'était ... le seul truc qu'elle avait trouvé.

Elle s'était adossée contre le mur, juste à côté de l'ascenseur. Une main sur son front, elle avait mal au crâne, elle cherchait, de l'autre, le bouton. Ou plutôt, tâtait le petit morceau d'acier afin d'appuyer sur le bouton qui appelerait la boîte de conserve. Elle avait dû mal à le trouver. Fallait aussi dire qu'elle regardait pas vraiment où elle appuyait. Shylee finit par sentir une main non loin de la sienne. Alistair avait, sans aucun doute, trouvé le bouton. Plus qu'à attendre que les portes s'ouvrent. Sauf s'il était trop gonflant avec elle. Elle se débrouillerait comme elle pourrait, mais elle prendrait pas l'ascenseur s'il était trop chiant.

"Non il marche pas ... T'as déjà vu un ascenseur avec des jambes et qui marche un peu partout ?"

Tac, et prends ça. Sérieux, Alistair commençait véritablement à l'énerver. Apparemment, l'ignorer, ça ne suffisait pas vraiment, puisqu'il revenait encore et encore à la charge. Fallait-il vraiment qu'il se prenne un rateau pour qu'il comprenne que sa présence n'était pas désirée ? Elle ne voulait pas de lui ici. Elle voulait qu'il s'en aille, qu'il rentre chez lui, qu'il lui foute la paix quoi ! C'était trop demander, non ? Apparemment, fallait le croire. Il avait envie de la faire chier jusqu'au bout, y'avait pas à dire !

D'ailleurs, histoire de l'ennuyer à nouveau, il avait sorti son téléphone portable. C'était quoi cette manie que de vouloir la prendre en photo ? Le voilà gesticulant dans tous les sens, histoire de capter son bon profil. Il avait crié victoire, un peu trop tôt, lui montrant la photo. Elle avait fait exprès de lui taper le bras. Le téléphone avait fini par terre.

"Oh ... Désolée s'il est cassé ... Ma main a glissé."

En fait, non, elle était pas désolée. Mais pas désolée du tout. Un petit bip sonore se fit entendre, signe que l'ascenseur était arrivé. Elle s'engouffra dans ce dernier, avec un peu de mal d'ailleurs. Parce qu'elle n'aimait pas les ascenseurs. Non, elle les évitait, autant que faire ce peut. Mais prendre les escaliers, c'était dangereux. Il l'avait suivie à l'intérieur. Elle avait regardé les boutons, avait appuyé sur l'un d'entre eux, celui don son étage, avant de se laisser glisser le dos contre la paroi. Elle avait levé la tête vers Alistair.

"Sérieusement ... Tu peux pas rentrer chez toi ? C'est bon, j'suis arrivée. Personne ne m'a ennuyé, t'as fait ton boulot."

Shylee poussa un léger soupir. Et puis, l'ascenseur se stoppa. Elle n'était pas restée longtemps assise. Elle s'était donc relevée et était sortie de la boîte de conserve rapidement ... Plus rapidement que lorsqu'elle était rentrée d'ailleurs. Fouinant dans son sac, elle avait ressorti son trousseau de clé. Quelques instants à les regarder, histoire de trouver la bonne et hop, une clé dans la serrure de la porte de son appartement. Elle était pratiquement chez elle. Plus qu'à tourner la poignée, plus qu'à rentrer ... Et plus qu'à envoyer paître Alistair. Quoi que ... Il voulait son chocolat chaud, ou je sais plus quoi. Elle s'était tournée vers lui.

"J't'offre ton chocolat. Et après, tu t'en vas."

Soit dit en passant, j'ai pas relevé l'erreur ... Mais c'est un ascenseur normal, pas un vieil ascenseur. Les portes sont automatiques ...

Alistair regardait attentivement son professeur d'un air interrogatoire. Venait-elle finalement lui proposer un chocolat chaud?! Cette grincheuse doublée d'une alcoolique, hautaine et définitivement méchante dans tout les aspects de sa vie que Alistair connaissait... Elle venait de faire un acte social! Mais il était déjà trop tard, le jeune lui tourna le dos et alors qu'il se dirigeait vers l'ascenseur il se perdit dans ses pensées.

Il l'avait aidé toute la soirée et pour rendre cette même soirée un peu plus amusante, il s'était un peu moqué d'elle à la fin. Il se demandait ce qu'il avait pu lui faire puisqu'elle ne semblait jamais l'apprécier. Il avait de bonnes notes à son cours, c'était même l'un des meilleurs élèves du lycée. De plus, tous les autres professeurs appréciaient le comportement exemplaire du jeune homme. Cette mathématicienne, elle, ne l'interrogeait jamais, l'ignorait constamment et le notais sévèrement... Quand bien même il était un personnage pragmatique, il ne méritait pas ça : ce n'était définitivement pas viable pour lui ! Il s'arrêta alors brusquement

- " Si nous finissons cette soirée, peut-être que je pourrais tirer avantage de la situation.. " se murmura t-il d'un air songeur.

Pourquoi l'avis d'une personne avait autant d'importance pour lui? Il ne le savait pas... A présent, il voulait seulement réussir à amadouer la démone nommée Tsumo... Il se demandait s'il arriverait à être gentil avec elle parce qu'en son for intérieur, il ne voulait qu'une chose : se venger d'elle... Ce n'était assurément pas une bonne stratégie mais elle était plaisante, très plaisante! Qu'importe, il devait finir la soirée avec elle. Le jeune homme fit alors demi-tour, la jeune femme était déjà entrée dans son appartement et elle s'apprêtait à fermer la porte.

- " Attendez!" cria-t-il pour qu'elle l'entende.

S'ensuivit alors d'une course effrénée pour atteindre la porte. Lorsqu'il arriva à destination, il posa son pied sur le palier pour bloquer la porte. Sa course brusque et rapide l'avait essoufflé, et il avait transpiré de tout son corps. Il poussa finalement la porte légèrement pour la rouvrir et entrer dans l'appartement.

Il enleva tout d'abord ses chaussures parce qu'il était très hygiénique, et aussi pour lui permettre de mettre en avant une de ses qualités : ses bonnes manières. Miss Tsumo n'était déjà plus dans la même pièce, elle semblait encore une fois boycotter son invité. Ce qui était très peu courtois pour une hôte et qui énervait tout particulièrement le jeune homme. Il observa ensuite l'appartement, la décoration était assez simple et très peu original. Surement que son professeur n'avait jamais réellement investi dans la décoration, qu'elle ne s'était pas donné de mal où qu'elle avait très peu d'imagination... Après tout, c'était bien son style...

Alistair se dirigea vers la plus grand pièce de tout appartement : le séjour. Il ne savait pas trop où s'asseoir et préférait donc rester debout en attendant le retour de son professeur. Il ne voulait pas commettre une erreur vis-à-vis d'elle pour se la mettre une fois de plus à dos. Mais il se demandait combien de temps allait-il pouvoir tenir car à cette allure, le professeur allait certainement finir par recevoir les foudres du jeune homme.

- " Madame Tsumo, où est-ce que je m'assois ? " lança-t-il à haute voix pour se faire entendre dans toute la pièce, en choisissant explicitement le mot "madame" pour désigner son hôte vieillissant.

Shylee n'avait pas eu de réponse quant à son invitation. Bah, il faisait bien ce qu'il voulait. s'il s'en allait, au moins, et bien, elle pourrait aller ... prendre une bonne douche et s'enrouler, par la suite, dans ses couvertures et dormir. Oh que oui. Ca, elle dormirait jusqu'au petit matin. Et encore, ça ne serait peut-être pas suffisant. De toute manière, elle s'en fichait un peu. Elle n'avait court que dans l'après-midi. Donc, ça lui laissait le temps de se remettre en forme, ou du moins, d'aller mieux. C'était à espérer.

Soupirant, elle commença donc à refermer la porte. Jusqu'au moment où elle sentit quelque chose de dur. Ouais ... Quelque chose de dur ... Elle baissa alors la tête, clignant quelque peu les yeux, et vit un pied qui dépassait. Et merde ... Il n'avait pas envie de lui foutre la paix dans l'immédiat. Bah ... Tant pis. Elle lui faisait son chocolat. Du moins, si c'était ça qu'il voulait, et elle le foutrait à la porte ensuite. Elle s'éloigna donc de la porte, posant son sac dans un coin, tout comme sa veste. Elle s'était aussi retrouvée pieds nus, laissant ses petits doigts d'pied en contact avec le sol frais. Non pas qu'elle avait mal aux pieds. Mais c'était toujours plaisant que d'être pied, de revenir au contact du sol, non, vous ne trouvez pas ?

Ce que faisait Alistair ? Elle n'en avait aucune idée. Elle verrait bien ... Elle verrait bien. Elle s'était dirigée dans la cuisine et avait posé une main sur son front, sur son visage, soupirant quelque peu. Shylee n'avait plus les idées claires. Elle était là, penchée au dessus de l'évier, appuyée même contre ce dernier. Le regard un peu vide peut-être. Le mal de crâne, les idées qui s'mélangaient un peu. Honnêtement, la jeune prof aurait, et de loin, préféré que Alistair rentre chez lui. Mais bon, fallait croire que c'était pas pour tout de suite qu'elle se reposerait. Histoire de se rafraîchir un peu les idées, et peut-être de reprendre ses esprits, elle avait tourné le robinet, faisant couler un peu d'eau dans l'évier. Elle avait porté ses mains sous l'eau et après s'être baissée, elle avait un peu aspergé son visage. Bon, ça suffirait pas à la ramener sur "terre" si on pouvait dire ça comme ça. Mais peut-être que ça lui permettrait d'aller un peu mieux. Du moins, elle l'espérait fortement.

Prêtant l'oreille à ce qui l'entourait, Shylee entendit son jeune élève l'interpeller une nouvelle fois avec un madame. Qu'est-ce qu'il l'énervait avec ses madames ! Elle était pas mariée et elle était pas si vieille que tout ça ! Elle fit alors une petite apparition dans le salon, afin de l'observer.

"Arrête avec tes madame, s'il te plaît. J'suis pas si vieille que tout ça."

Au son de sa voix, ça sonnait presque comme une faveur. Poussant un soupir, elle le regardait.

"Assieds-toi où tu veux."

Shylee passa ses mains une nouvelle fois devant son visage. Qu'est-ce qu'elle était fatiguée !

"Tu veux quoi ? Un chocolat chaud ? Ou autre chose ?"

Suivant la demande de son hôte, Alistair s'assit à la place la plus proche de lui. Il était assez satisfait de lui puisque finalement elle semblait avoir pris conscience du devoir qu'elle avait envers son jeune élève. Son regard se posa alors sur elle, amusé de voir une personne normalement "responsable" ne plus pouvoir tenir sur ses propres jambes. En effet, la jeune professeur titubait devant lui et elle ne semblait même pas capable de rester immobile plus de quelques secondes. Il lui lança un sourire

- " Je veux bien un chocolat chaud... même si ce n'est plus de mon age. " lui répondit-il calmement.

En effet, le chocolat chaud était une boisson qu'il affectionnait tout particulièrement. C'était une relique de son passé, la seule chose qu'il ne pouvait et ne voulait pas oublier. Il se souvenait des doux instants qu'il vivait avec ses parents... ils étaient encore en vie à cette période... Son regard s’imprégna d'une tristesse qu'il s'empressa de dissiper. Il devait se souvenir de la carapace qu'il s'était forgé afin de se protéger des assauts sentimentales. Il avait fait un grand travail sur lui-même pour extérioriser ce genre de sentiments. Les relations parentales, amicales ou amoureuses étaient futiles...

Mais cette boisson, il n'arrivait pas à s'en défaire, c'était la seule parcelle d'humanité qui semblait lui rester... A chaque fois qu'il ressentait cette douceur chocolaté atteindre ses lèvres, une intense émotion lui parcourait le corps. Il pensait que c'était la seule émotion qu'il pouvait ressentir à présent. Mais il se trompait puisqu'il venait d'aider une jeune femme ivre, preuve que cette partie de lui n'était pas encore morte.

- " Vous savez... " commença-t-il calmement "...l'alcool est destructeur. Cela ne vous ressemble pas... " finit-il calmement

Pourquoi donnait-il des conseils? Il n'était pas de ce genre. Alistair se donna alors un coup de poing sur sa poitrine, au niveau du cœur... Comme pour arrêter les battements de celui-ci. De plus, recevoir des conseils par son propre élève, elle n'allait surement pas apprécier. Il ferma alors délicatement ses yeux afin de vider son esprit, de ne plus penser à réconforter l'ivrogne proche de lui. Mais plus il se concentrait et plus les battements de son cœur s'accéléraient...

Quelques secondes plus tard, il se leva et se dirigea vers Miss Tsumo. Elle était entrain de mettre de mettre le chocolat au micro-onde. Arrivé derrière elle, il écarta ses bras pour les refermer sur la jeune femme. Il posa doucement sa tête sur son épaule et ferma de nouveau les yeux...

-" Vous n'avez pas besoin de souffrir toute seule... " lança t-il d'un doux murmure.

Peut-être était-ce une erreur de sa part... Peut-être allait-il se faire rejeter... Mais à cet instant, il voulait dissiper la tristesse qu'il apercevait dans le regard de son professeur...

Shylee ... avait eu un léger sourire lorsqu'il lui avait répondu qu'un chocolat, il en voudrait bien un, même si ce n'était plus vraiment de son âge. Sans le vouloir, Alistair lui fit penser à Ethan. Il lui avait souvent fait des chocolats, par le passé. Jusuqu'à ce qu'elle quitte la maison pour voler de ses propres ailes, et se débrouiller toute seule. La jeune femme fit rouler ses yeux, histoire de penser à autre chose que ce vieux souvenir. Déjà qu'elle était dans un sale état. Pleurer n'arrangerait, sans aucun doute, pas les choses. Non, bien au contraire même. Ca ne la rendrait que plus mal.

"Un chocolat chaud ... Ca se boit à n'importe quel âge ..."

Après cela, elle avait détourné les talons, ou du moins, elle était repartie près de l'évier. Levnt une main, un bras, difficilement, elle avait atteint la petite porte de l'étagère, juste en face d'elle. Soupirant, elle avait récupéré une tasse qui lui servirait à mettre le lait dedans. Bien sûr, elle faisait cela... avec une extrême lenteur. Pas de quoi se presser, se dépêcher, elle risquerait de faire un faux mouvement et de tout casser. Ca serait dommage, non ?

Tasse descendue, elle resta durant quelques instants appuyée contre l'évier. Et dire ... Et dire qu'elle s'était foutue minable parce que son protecteur était mort. D'accord, il y avait de quoi être triste. Mais tout de même. Elle était ... une jeune femme sage d'ordinaire. Elle ne fumait pas, elle ne se droguait pas, le sexe et elle, c'était pas grave si elle n'en avait pas tous les jours ou bien toutes les semaines. Et l'alcool, elle en buvait peu. A quelques soirées, parfois, mais ce n'était pas vraiment sa tasse de thé. Voilà peut-être pourquoi trois verres, trois pauvres petits verres, étaient arrivés à la foutre minable en peu de temps.

Shylee passa ses mains devant son visage. Elle s'arrêta près du frigo, histoire de l'ouvrir et de récupérer la bouteille de lait. Se rapprochant de la tasse, elle versa le lait dans celle-ci, tandis qu'Alistair lui parlait, doucement, calmement. Sa voix avait changé, elle n'était plus aussi agressive, plus aussi provoquante que les précédentes fois. Il lui donnait une leçon de morale, en quelque sorte. Il avait raison. Il avait fichtrement raison.

"Je sais ..." souffla-t-elle. "J'ai fait une erreur ..."

Une grossière erreur. Mais tant pis, c'était fait. Elle ne pouvait pas revenir en arrière. Elle avait fait quelque chose ... qu'elle n'aurait pas du faire. Mais tant pis, c'était ainsi, c'était comme ça. Shylee s'était rapprochée du micro-onde et l'avait ouvert, glissant la tasse à l'intérieur. Mais elle n'eut pas le temps de refermer l'appareil. Non, car voilà qu'elle sentait des bras autour d'elle. La jeune femme fut surprise. Lui qui n'arrêtait pas de lui "manger" le nez depuis qu'il était auprès d'elle. Il n'avait pas arrêté de la narguer, de la provoquer, et tout ça, et pourtant, il l'enlaçait. Pourquoi ? POurquoi faisait-il cela ? Elle n'en savait rien. Alistair brisa le silence, tout en lui disant qu'elle n'avait pas besoin de souffrir toute seule. Si, elle le devait. Elle ne connaissait que peu de monde sur Seikusu. Ses parents n'étaient pas là. Elle n'avait personne avec qui parler de cette sombre histoire. Si ... Nicolas, son assistant, mais elle voulait pas l'ennuyer avec ça.

"Alistair ... Je ... Je ..."

Elle avait redressé l'une de ses mains, la portant sur celles d'Alistair. C'était fort sympathique de sa part que d'essayer de la réconforter, mais elle n'était pas vraiment sûre que c'était une bonne idée. Elle ferma les yeux durant quelques instants, soupirant par la même occasion. Sa tristesse s'empara d'elle, une nouvelle fois. Sa main glissa de celle d'Alistair et Shylee la porta à son visage. Si elle se laissait aller, trop, elle finirait par pleurer. Et elle ne pouvait pas, elle ne voulait pas. Le mieux, ça serait qu'Alistair s'en aille. Elle avait déjà fait trop de bêtises pour ce soir. Et elle ne voulait pas en faire une nouvelle.

Alistair pouvait ressentir la douceur de la peau du professeur. C'est vrai qu'il n'avait jamais vraiment serré quelqu'un dans ses bras. La seule et dernière à qui il avait fait ça, était sa mère. C'est pourquoi il fut supris de la douceur et de la chaleur qui émanaient de son professeur. Il s'était perdu dans cette chaleur qu'il n'avait pas connu depuis longtemps... Alistair se demandait pourquoi Tsumo ne l'avait pas encore rejeté. Après tout c'était un élève et c'était son professeur, la situation pourrait être ambigu... Mais il n'y avait pas de mauvaises pensées dans la tête du jeune homme. A cet instant précis, il avait ressenti la peine de la jeune femme et il savait qu'il devait la serrer dans ses bras.

- " C'est la première fois que vous m'appelez par mon prénom ce soir... " lui murmura t-il d'un air amusé...

Il sentit alors la douce main de la jeune femme venir se poser sur la sienne... Il n'en avait pas l'habitude et ne s'y attendait certainement pas, ce fut donc sans surprise que ses joues se teintèrent d'une douce lueur rougeâtre. Alistair pouvait sentir une faible odeur d'alcool émettre du jeune professeur... La vraie question restait de savoir pourquoi elle s'était infligée cela... Il sentit alors la douce main de Miss Tsumo glisser de la sienne afin de se diriger vers le visage de cette dernière... Il essaya tout d'abord d'observer les yeux de son hôte à la recherche de larmes, mais il n'avait pas la visibilité nécessaire pour obtenir cette information... Connaissant son professeur, cette dernière ne voudrait certainement pas s'abaisser davantage à pleurer devant l'un de ses élèves. Alistair conclue alors qu'elle avait stoppé un possible flot de larmes. Il la serra plus fort

- " J'ai perdu mes parents quand j'étais encore jeune... ils sont morts chacun à des périodes différentes... Je connais cette tristesse " continua t-il d'une douce voix grave.

C'était la meilleure des stratégies à aborder afin que son professeur partage sa douleur. Il fallait qu'il lui prouve qu'il pouvait la comprendre... Qu'elle pouvait partager sa douleur avec lui... En la serrant dans ses bras, il voulait lui transmettre la chaleur de son corps afin de lui apporter une touche de douceur dans toute cette tristesse. L'une de ses mains lâcha son emprise sur la jeune femme afin de prendre la main qui s'était posée sur le visage de cette dernière. Il dirigea alors doucement les deux mains vers l'épaule de la jeune femme.

- " Vous savez... la première étape est de pleurer... " commença-t-il calmement alors que ses yeux s'étaient fermés " Pleurer, c'est accepté la mort ... " finit-il de sa douce voix.

Le micro-onde avait en effet fait un bruit suraigu pour prévenir que la boisson avait fini de chauffer. Mais Alistair ne bougeait pas, ce n'était pas sa préoccupation initiale. Pour l'instant, il voulait simplement ressentir davantage la tendre femme contre lui... Aussi longtemps que celle-ci ne le rejetait pas.

Sa tristesse ... s'emparait d'elle une nouvelle fois. Shylee ... ne voulait pas craquer. Elle ne voulait pas se laisser aller, encor eune fois. Voilà pourquoi elle avait passé ses mains sur son visage. Peut-être pour se retenir, éviter de pleurer. Elle avait déjà assez pleuré comme ça quand elle avait appris la mauvaise nouvelle. Et puis, elle n'était pas seule. Déjà que Alistair l'avait vu dans un état des plus pitoyables. Ce n'était pas ... Non, ce n'était pas la peine d'en rajouter. Elle ne voulait pas s'afficher ainsi. D'ailleurs, elle aurait, sans aucun doute, préféré éviter de le croiser dans ce bar. Ca aurait été bien mieux pour elle. Pourquoi était-elle sortie ? Pourquoi avait-il fallu qu'elle sorte et qu'elle se rende dans ce bar ? Hein ? Elle aurait ... Elle se serait évitée bien des ennuis, pour sûr.

Shylee sentit l'étreinte d'Alistair se resserrer un peu plus contre elle, l'enserrant toujours plus, comme s'il souhaitait la garder auprès de lui, comme s'il avait peur qu'elle s'envole. En même temps ... elle allait pas quitter son appartement, pas à cette heure de la nuit. Et comme elle avait un peu bu, se débattre ... n'était pas une si bonne idée. Alors ... Elle n'avait plus qu'à l'écouter ... Et attendre ...

Shylee redressa quelque peu la tête tandis qu'il lui disait qu'il avait perdu ses parents. Elle n'en savait rien. A dire vrai, elle ne lisait pas les dossiers de ses élèves. Peut-être pour garder une part de mystère, qu'il y ait un fossé, un gouffre entre eux. Entretenir le mystère, ce n'était pas plus mal. Elle n'avait, ainsi, pas de préjugés sur ses élèves. Enfin, elle était un peu parfois sévère avec eux. Mais tout ce qu'elle souhaitait, c'était qu'ils se donnent à fond, rien de plus, rien de moins. Elle savait que certains avaient des capacités ... qu'ils n'utilisaient pas. M'enfin bon, ça n'a rien avoir avec ce qui nous intéresse.

"Je ... Je ne savais pas Alistair ..."

Si elle avait su, est-ce qu'elle aurait été moins dure avec lui ? Sans aucun doute que non. Tout ce qu'elle cherchait, c'était que ses élèves réussissent. Point final. Et si elle devait être dure pour qu'ils se surpassent, et bien, elle le ferait, sans aucune hésitation. Quitte à se faire détester.

Shylee prit une lente inspiration. Elle restait là, comme ça, impassible, dans ses bras. Enfin, enlacée par derrière plutôt. Il lui disait qu'elle devait pleurer, que ça soulagerait un peu sa peine, et qu'elle devait accepter cette mort. Le problème, c'est qu'elle ne l'acceptait pas. Elle ne comprenait pas pourquoi un homme de son envergure était mort, lui qui avait toujours veillé sur elle tout au long de sa vie, ou presque. Il avait toujours été là, toujours en forme. Même avec un petit rhume, il était là. Même malade, il travaillait. Même avec une jambe dans le platre, Shylee avait toujours pu compter sur lui. Et là ... Là, il n'était plus. Elle n'avait pas eu le temps de lui dire au revoir, de lui dire oh combien elle lui était reconnaissante pour toutes ces années. Shylee l'avait toujours apprécié, mais elle ne lui avait peut-être pas dit assez souvent.

"Toi qui as perdu des proches ... Tu sais ... qu'accepter la mort, c'est pas facile."

Il faut du temps. Du temps pour accepter, pour s'en remettre. Le temps guérit toutes les blessures, ou presque. Mais ça ne serait pas tout de suite pour Shylee, c'était ... trop tôt. Trop tôt dans le sens qu'il lui fallait du temps ... Oui, du temps pour assimiler cette mauvaise nouvelle. Elle n'y pouvait rien, c'était comme ça. Peut-être ... Peut-être qu'Alistair pourrait l'aider à surmonter cette épreuve, mais ... mieux valait-il qu'elle soit toute seule pour le faire. Parce que vu dans l'état où elle était ce soir, elle pourrait faire des bêtises.