Belgrif, sous l’effet des tendresses de Malon, s’était mis à ronronner pour de bon. D’ordinaire, il ronronnait souvent mais jamais de bien être. Non, c’était toujours sous l’effet d’une idée particulièrement sadique et prometteuse. De fourbes ronrons en quelque sorte. Là, il y avait dans ce doux son une bienveillante plénitude. Il voulait que cet instant dure toujours. Mais déjà, la demoiselle qui l’avait tiré à elle le relâchait. Il s’était laissé faire. Depuis qu’il avait souhaité gagner ce rêve, il avait comme rendu les armes. Il ne se considérait plus seigneur, charge qui au fond lui pesait. Il voulait juste être Belgrif. Et il voulait quelqu’un à côté de lui, pour ne pas être seul.
-Ho, je crois ne jamais avoir été aussi sincère de ma vie. On se connait depuis si peu de temps et pourtant, vous savez déjà tout sur moi. Et moi, sans prétendre tout connaitre de vous, j’en sais assez pour… il chercha ses mots. …vous apprécier et mesurer un temps soit peu les difficultés de votre existence. Avec vous seule je peux me confier. Avec vous seule j’ai envie de le faire.
Ce rêve lui convenait. Mais, paradoxalement, la maitresse des lieux était perplexe à son sujet. Elle ne savait qu’en faire. Que répondre à cela ? Le chat se redressa légèrement, portant d’avantage d’attention au temple et, par delà les colonnes, au paysage. Ceci fait, il se rabattit en douceur et osa une furtive caresse sur la joue de la demoiselle. Sa main de velours, si légère, n’y resta qu’un instant.
-Je ne pense pas avoir de conseil à vous donner, hélas. Vous avez bien vu quel terne rêve ma sottise a créé. Au contraire, j’ai plutôt envie de m’en remettre à vous sans réserve.
Sottise… c’était bien le mot qu’il venait d’employer, preuve que désormais il commençait à se remettre sérieusement en question. Il percevait son ancien rêve, celui qu’il avait quitté pour venir ici, comme le symbole de ses erreurs. Quelles erreurs exactement ? Il n’aurait pas encore sut le dire.
-Mais je ne demande qu’à vous aider. Alors je répondrais en ces termes. Vous jugerez de leur bien fondé. Ce que je sais des rêves, c’est qu’ils nous reflète. Ce rêve, ces statues, c’est donc vous. Evident bien sûr puisque les dites statues vous représentes. Mais leur présence systématique, leur position, c’est là qu’il faut y chercher une signification. Vous me dites avoir accepté votre problème et pourtant, même ici, vous n’arrivez pas à l’afficher. Vous vous êtes peut-être simplement juste résigné à le cacher et à ne rien pouvoir y faire. Ceux de votre monde vous y pousse n’est-ce pas ? Alors, si j’ai un conseil à vous donner, c’est ce problème qu’il faut régler. Et ainsi, votre monde changera.
Sans prévenir, Belgrif bondit au sol. Sa souplesse féline le faisait se mouvoir avec cette grâce surréaliste. Il s’approcha d’une des statue et se tourna vers Malon. Un air malicieux se dessina sur son visage mais il ne fallait pas y chercher une quelconque malveillance.
-On n’arrête pas de se dire que nos problèmes n’en sont pas. Et on se contente de le dire. C’est peut-être ça le problème, non ? Vous me dites que mes courbes sont agréables à regarder, mais je n’en montre rien. Et vous dites avoir accepté votre problème alors que vous le cachez, ici, alors que je le connait parfaitement. On est dans un rêve, non ? Qu’est-ce qu’on risque ? Moi, je vous mets au défi de ne plus rien cacher du tout. Et si vous le faites, je ferais de même.
Il eut son sourire en coin. Il avait l’âme joueuse, c’était son naturel. Mais, il fallait le remarquer, il demandait à la demoiselle d’agir en premier. Avait-il peur du contraire ? Peur… non, mais ce serait quand même beaucoup plus simple en second.