"Et alors, tu sais ce qu'il m'a dit ? Que son slip n'était pas à lui !"
" Beeeeuuuaaah !"
Une nouvelle salve de rire vint interrompre la conversation bourrée de culture et de finesse des deux jeunes femmes que l'on aurait pu plus communément appeler des "langues de putes force cinquante". Mais ce n'était qu'un détail inutile. En revanche, pour la suite de notre histoire, il était important de préciser que la propriétaire de l'appartement habitait au trentième étage d'un building du centre-ville de Seikusu.
Et c'est en allant porter les deux tasses vides que cette même proprio jeta un coup d'œil nonchalant à sa fenêtre... et aperçut une paire d'yeux curieux qui l'observaient. Deux yeux immenses, qui la firent hurler si fort qu'elle aurait pu être un court instant très bonne actrice pour un film d'horreur de série B. Sa copine, quant à elle, eut le grand honneur de voir la baie vitrée du balcon exploser et d'être saisie par une énorme main aux longs doigts fins, certes, mais tout de même gargantuesque.
Aphelandra promena son autre main sur le béton de l'immeuble et rattrapa un type qui, pris de folie furieuse, s'était jeté par la fenêtre pour éviter de mourir sous les dents de ce Godzilla des temps modernes. Enfin, la géante n'avait de commun avec Godzilla que la taille. Godzilla n'avait pas de longs cheveux blonds de poupée, un casque qui brillait sous le soleil de début d'après-midi, ainsi que d'autres arguments tout aussi intéressants et se comptant par paires, cachés sous une armure solide. On aurait pu la comparer à une amazone, mais pour l'instant, tout ce que la population de Seikusu pouvait penser, c'était qu'ils allaient tous finir soit écrasés, soit dévorés.
La dinde sortit sa tête du poing de la titane avant de lui hurler dans les oreilles, ce qui l'énerva passablement. Elle se contenta d'appuyer doucement sur la tête de l'hystérique pour la faire rentrer dans son poing et étouffer ses cris.
Il fallait quand même savoir une chose : Aphy était tout aussi paniquée que cette jeune dame. Le portail de téléportation Terra/Japon avait, une fois de plus, fait son boulot n'importe comment. Et la géante s'était tout simplement retrouvé au cœur de la ville à quatre heures du matin. Au début, c'était plutôt calme, mais il avait suffi qu'elle toque à une fenêtre pour demander où elle se trouvait, pour que la femme qui lui avait ouvert lui balance son petit linge dans la bouche en hurlant au monstre.
Après quoi, elle avait cessé d'essayer de communiquer. De toutes façons, soit on la fuyait en hurlant, soit on lui fonçait dessus avec des chars, ou mieux encore, on essayait de renverser son casque avec quelques hélicoptères. A croire qu'aucun de ces étranges humains ne savait ce qu'était un géant.
La titane repoussa un hélicoptère de journaliste apparemment du plat de la main, mais peut-être avec un peu trop de force, puisque le dit hélicoptère alla se crasher contre un immeuble en prenant feu et en faisant d'énièmes dégâts dans le centre-ville déjà bien amoché.
"Oh, je vous en prie, c'est suffisamment difficile comme ça sans qu'une de vos mouches bizarres vienne m'agacer !"
Aphelandra avait fait un maximum attention à ne rien écraser ou détruire. Ce qui signifiait qu'elle avait fait beaucoup de dégâts, même involontairement. Mais cette fois-ci, pour sa défense, RIEN n'était évitable dans cette ville étrange. Leurs cabanes grises étaient beaucoup trop rapprochés, leurs calèches allaient beaucoup trop vite et leurs rues étaient trop étroites pour que les jolies bottes de cuir ne puissent éviter d'écrabouiller quoique ce soit. Et elle cherchait la sortie depuis ce matin... mais personne n'avait bien voulu lui répondre... et les cabanes alentours, pour une fois, lui masquaient la vue...
Elle ne s'en sortirait jamais si ces humains continuaient à piailler et à lui balancer des trucs qui ne lui faisaient pas mal, mais qui l'agaçait beaucoup.
Au-détour d'un immeuble en béton, elle aperçut quelque chose qui l'intrigua. Sur la fenêtre d'un appartement, une petite cage contenant un hamster, et une autre à côté avec pour contenu... un lapin. La petite fille a qui il appartenait était à côté et observait la géante avec des yeux ronds. Aphy dirigea ses doigts vers la cage du lapin qu'elle saisit délicatement.
"Tu permets, je te l'emprunte pour deux secondes."
Après quoi, elle ouvrit la cage à sa manière, c'est-à-dire en écartant les fils de fers qui la composaient (dur d'ouvrir une trappe aussi petite, même pour ses doigts de fées) et attrapa le lapin à la manière d'un téléphone.
"Usagi-sama ? Usagi-sama, avec tout le respect que je vous dois, c'est vraiment méchant comme punition ;_; heu, si c'est une punition... Vous m'entendez ?.. je fais quoi moiiiiiiaaah T___T"
Mieux valait qu'elle ne commence pas à fondre en larmes si Seikusu ne voulait pas d'une nouvelle piscine municipale...