Au commencement...
...Il n'y avait rien... Le néant... pas d'images... même pas la manifestation de son propre "moi", rien... pas de lueurs, pas même de sol, ni de cieux, et encore moins de murs, tout était... parfaitement... calme... un calme Abyssal.
Mais bientôt... l'on se fige... quelques secondes sur un pied qui semble prendre appui sur un sol, qui n'a pas encore de substance mais qui semble bel et bien là. Mais bientôt le sol s'esquisse doucement sous ses premiers pas, pastelle blanche abstraite sans formes bien définies, chevauchant parfois des volutes noires et rouges...
-Plic-
Qu'est ce que c'est ? Un frisson, sur son épaule droite, une goutte viens d'y tomber ?
-Plic-
Une autre...
Alors, naturellement le regard s'élèves, pour chercher un ciel mais l'oeil paniqué qui ne reçoit aucune information visuelle dans ce noir complet cherche dans le néant à cet instant, il n'y a rien, et ce rien là, il le pensait peut être encore plus angoissant que s'il y avait réellement eu quelque chose.
-Plic-
"-Oh... arrêtes..." -Dit une voix... jeune... un peu stressée, chevrottante, et sans assurance, c'est la voix d'un Khaléo d'a peine dix ans.
-Ploc-
Une autre goutte, un autre doute, les mains cherchent maintenant à frotter ce liquide qui tombe du ciel, et lorsque le jeune hybride regarde ses mains, c'est du sang qu'il y voit... Du sang qui tombes d'astres carmines illuminant un ciel sanglant ?
La voûte céleste se dévoile à ce regard effrayé... Ce ne sont pas des étoiles rouges, un voile l'empêchait jusqu'alors de voir de quoi il s'agissait réellement, la vérité était bien plus horrible, une infinité d'orbites cramoisies sans globes oculaires pleuraient du sang depuis ce "plafond", des têtes enchevêtrées dans un plafond rouge chair meurtrie, blessée, tordant leurs visages de douleur, d'agonie, criant la plainte sourde, inaudible de leur peine, leur haine, leur jalousie... Et même en l'absence de leurs yeux, leurs paupières se mouvaient, le fond ombrageux de leurs orbites noires se déplaçaient tous pour se concentrer sur le corps frêle d'un Khaléo jeune, maladif, maigre, marchant dans une mélasse épaisse dont il ne connaissait la substance au sol.
-Plic-
Ces têtes criantes... suppliantes... agonisantes pleuraient des larmes de sang sur ses épaules, il n'osait plus regarder en l'air, son regard se figea sur ce liquide informe par terre, continuant d'avancer pour trouver une "sortie" quelque part, parcourant parfois l'horizon du regard.
Subitement l'eau juste à ses pieds se mit à buller, comme si elle était en train de bouillir, et quelque chose remontant des profondeurs obscures de cette immense étendue d'eau allait jaillir des flots, L'enfant recula, d'un pas, avant qu'il ne puisse la voir.
La tête d'un parent... La tête de son père, aussi plaintive et tordue d'atroce douleur que les autres, arborant encore les morsures, les griffures qui lui avaient défiguré la moitié du visage, l'un de ses yeux crevé, déconfit, sorti de son orbite par les ravages des coups de griffes sur son visage, pendait et rebondissait parfois sur ses lèvres lorsqu'il se mettait à crier, l'enfant recula de quelques pas, tombant sur son séant, refermant ses mains sur son visage tremblant agitant sa tête frénétiquement de gauche à droite, ses pieds pédalaient dans la mélasse pour qu'il rampe à reculons, s'éloigner de cette image effroyable qui faisait remonter à la surface son enfance atroce, la culpabilité qu'il portait sur ses épaules.
La tête de son père se mit à tourner légèrement sur elle même, avant de se dresser hors des eaux, flottante dans les airs, n'ayant plus de cou mais comportant les premières cervicales sanglantes se tortillant comme la queue d'un serpent, pris d'un rire absolument horrible, sur un sourire édenté, de travers, la mâchoire fracturée à multiples reprises par les coups de rage d'un Khaléo dans un état second à cette époque.
Plus il riait, plus Khaléo reculait mais sa fuite ne dura pas très longtemps, son dos rencontra un obstacle gluant et chaud, un mur...
.Un mur de corps blessés, enlassés les uns dans les autres, un plafond remplis de têtes pleurant du sang, qui, faisait monter le niveau de l'eau peu à peu, semblable à une représentation infernale, perverse et retorse du plafond de la chapelle sixtine, et pour courronner le tout, des bras, de nombreux bras ensanglantés, décharnés pour certains, sortirent du mur pour l'attraper et le maintenir, tandis que le niveau montait... et montait encore... inexorablement, accéllérant jusqu'a ce que sa bouche soit recouverte, puis ralentisse, le laissant respirer quelques secondes par le nez.
L'état de panique et d'angoisse dans lequel il se trouvait faisaient monter hautement sa tention, les battements de son coeur sauvage affolé, parcourant ce décor horrible de ses yeux, respirant très rapidement par le nez qu'il tentait envers et contre tout de garder au dessus de la surface de l'eau.
Pour parachever ce tableau, des anguilles, des serpents sortis des ténèbres venaient glisser à la surface de cet océan sanglant, sortant également des bouches ouvertes et des orbites des visages horribles recouvrant le plafond, certains tombaient de haut, très haut dans l'eau, d'autres rampaient à la surface de ce plafond en sinuant entre les têtes, pour se frayer un chemin jusqu'au jeune garçon, l'encerclant bientôt alors qu'il était immobile, impuissant et surtout à la merci de la moindre chose qui pourrait lui arriver, dans cette situation son coeur battait à tout rompre, paniqué, son oeil voyageait d'un coin à l'autre de cet endroit ne pouvant faire que constater la progression des serpents dans sa direction.
Aucun d'entre eux ne s'arrêta, et une fois arrivé face au visage de Khaléo, ils attendaient, patiemment en l'observant, ils attendaient quelque chose... le niveau de l'eau recommença à monter doucement...
...Très lentement, le laissant paniquer encore un peu plus, ses narines effleurant la surface de ce liquide, comme si ce n'était pas déjà assez, tout ça, combien de temps allait on lui faire subir ces horreurs, pourquoi ?
D'autres mains sortirent du mur, et lui saisirent le visage pour le maintenir bien droit, l'une des mains l'obligea à ouvrir la bouche soudainement, et le niveau du sang grimpa subitement de plusieurs kilomètres de haut allant jusqu'a recouvrir le plafond, les serpents eux, étaient restés à la même hauteur, au même niveau alors même qu'ils étaient submergés, dans l'horizon carmine, des cadavres remontaient des profondeurs de cet océan, rivant encore une fois tous leurs regards vers lui.
Un de ces serpents s'approcha, suivi d'un bon millier d'autres, de sa bouche ouverte, sortant leurs langues fourchues, et c'est comme si à chaque fois qu'il craignait que quelque chose arrive, finisse par arriver, un premier serpent s'engoufra rapidement dans sa bouche sans même lui laisser le temps d'y réfléchir, un second, un troisième, descendant dans son corps, suivi des prochains, et des prochains, encore... encore, accéllérant le mouvement, tous entraient.
Il révulsa les yeux, avalant du sang à chaque fois que l'un d'eux glissait jusqu'au fond, il était horrifié, il était en train de se noyer, des serpents grouillaient à l'intérieur de son corps, roulant sous sa peau, on pouvait les voir investir son corps et grouiller à la surface, dessinés sous son duvet blanc et chercher, s'agiter dans tous les sens.
Il allait mourrir... enfin, dans son cauchemar ça semblait si réel, la douleur semblait si réelle, la sensation de noyade, l'angoisse, la fouille des serpents grouillant sous sa peau, il agitait ses pieds et ses mains dans une tentative désespérée pour survivre, se dégager, rejoindre la surface.
Mais tout se vida soudainement, tout disparu, les mains le lachèrent les serpents ressortirent tous les uns après les autres, rapidement comme un jet de lance à incendie de sa bouche, un syphon ressemblant à un trou noir dans le fond de cet océan sanglant aspirait tout, les têtes se décrochaient du plafond, les corps étaient arrachés aux murs, les serpents engloutis par le néant, et lui aussi, s'accrochait aux restes du mur, aux bras, aux jambes, plantant ses griffes dedans pour ne pas se faire emporter, toute l'eau avait disparu, il n'y avait plus qu'un étrange "espace" vide, dans lequel le corps du jeune garçon s'accrochait désespérément à un mur de chair, de corps suspendu lui même dans le vide intersidéral.
Le mur qui ne tenait à rien finit par être emporté lui aussi, et Khaléo avec, qui criait dans ce vide sans qu'aucun son ne sorte, il fut happé, et tomba dans ce vortex, pour se retrouver à nouveau dans le noir complet.
Il trouva ce "noir" plus rassurant que le précédent, mais toujours aussi angoissé de voir quels monstres risquaient de sortir des limbes, mais cette fois, c'est une route qui se dessina sous ses pieds.. une route faite des corps, des têtes, des ossements de soldats tombés, il pouvait en reconnaître certains, se rappellant avoir croisé le fer avec ces derniers sur les champs de bataille, ils étaient donc tous là... des... des dizaines... de milliers.. voir même centaine de milliers... représentant les nombreuses armées sur lesquelles il avait marché par le passé avec sa légion du Lion Blanc, une énorme bande de mercenaire ambitieuse qui était devenue armée.
Les corps de ces soldats étaient tous entassés pour former les pavés d'une route, d'une route menant à une lumière au loin, qui se voulait peut être, être la sortie de cet effroyable cauchemar, il en avait rarement fait d'aussi virulents, mais avant qu'il ne puisse poser un premier pas, deux hommes l'attrapèrent par les bras, l'empêchant d'effectuer ses premiers pas sur cette route.
Tous les deux étaient des seigneurs... tous les deux, étaient de puissants seigneurs desquels personne n'aurait soupçonné une seconde qu'ils soient... juste... deux vils pervers dégoutants aimant louer des enfants aux parents dans le besoin pour assouvir leurs désirs, et le père de Khaléo n'avait pas hésité une seconde quand on sait à quel point il haîssait son fils, de le donner en pâture à ces salaupards.
Il n'était pas question qu'il se laisse faire, cette fois, il savait, il ne voulait pas revivre ça, il se laissa tomber au sol et attrapa une épée encore fichée dans la panse d'un cadavre de soldat par terre, soldat qui saisit sa main sur le manche, se réveillant subitement de sa non-vie pour lui sourire redressant un peu la tête, se mettant à rire.
Il l'empêchait de sortir sa lame pour quelques secondes, avant de déclarer :
"-Trois cent ans... Trois cent ans que je n'ai pas pu aller aux toilettes... Tu te rends compte ? Damné pour "obstruction intestinale provoquée par un corps métallique étranger"..."
Il relâcha la pression de sa main sur celle du jeune garçon, relâchant tous ses muscles, comme s'il mourrait une seconde fois en étouffant un rire sur cette touche d'humour noir, révulsant à nouveau ses yeux qui redevinrent blanc.
Khaléo se retourna pour planter sa lame dans le premier noblion qui s'approcha, lui perforant les entrailles, mais il continuait d'avancer, mains tendues vers lui avec ce même regard, ce même regard pervers qu'il avait eu avant d'essayer de le déshabiller.
"-NON !!!"
Il se mit à pleurer de rage, d'horreur, et malgré les sanglots, les soubressauts de sa cage thoracique il se mit à planter son épée plusieurs fois dans ce corps qui ne cessait d'avancer vers lui, ses mains arrivant à hauteur de ses épaules pour essayer de s'y poser, d'estoquades en estoquades, que ce soit dans le visage, ou dans le corps, il continuait inexorablement sa lente progression vers lui, lui touchant les épaules, lui touchant le visage, s'en trouvant horrifié, dégouté, et aussi impuissant qu'a l'époque, il se mit à crier, à hurler et pleurer toute l'horreur enfermée dans son corps pour cette situation.
Les orages obscurs d'une rage sans nom, venue du fond des âges, immémoriale le prit aux tripes avant même qu'il puisse subir le reste, et ce fut une véritable pluie de coups, de tranches, de lames qui s'abbattit sur le corps des deux noblions qui essayaient de s'en prendre à lui, une furie de métal hurlant et grésillant, projetant du sang, des membres dans tous les sens, tranchant les doigts, les mains, les bras qui venaient d'essayer de le toucher, les jambes pour continuer, puis, écrasa furieusement les visages avec ses pieds, les défigurant avec la pointe de son épée, traçant des lignes, déchirant leurs traits, pour qu'il ne puisse plus voir l'expression perverse de leurs yeux qui l'avaient fixés.
Alors qu'il s'agenouillait dans la chair et le sang de ses tortionnaires, ressemblant désormais plus à du vulgaire hachis de viande sanglant, il pouvait laisser les larmes couler sur le sang qui le recouvrait, une voix fendit le ciel, pour lui demander :
"-Combien encore ?"
Il releva la tête, ne sachant d'où celà pouvait bien provenir, celà semblait venir de la lumière dans le fond, par delà la route de squelettes, et de cadavres encore armurés, des bannières de légions et d'armées plantées sur les bords de la route en toute désorganisation chaotique, il garda l'épée avec lui, laissant trainer le bout de la lame par terre, titubant vers la route avec un regard perdu, encore profondément choqué, vide de pupilles s'effaçant de ses iris grises argentées, recouvert de sang des pieds à la tête.
"-La route est incomplète..."
Encore cette voix... et en effet... il arriva au bout de la route... il restait encore une bonne distance entre lui, et cette porte aux allures salvatrice, enfin, d'apparence... une pluie de cadavres tomba du ciel, encore des soldats, au début éparpillés, puis, se rassemblant les uns aux autres pour former à nouveau un morceau de route sur lequel il pouvait avancer.
"-Combien encore ?"
Cette voix horrible, grave, déformée par réverberations comme si elle sortait d'un entonoir conique, dédoublée, orageuse, résonnait dans tout cet endroit.
"-Combien de corps... vas tu encore empiler pour avancer ?"
Khaléo en état de choc empilait machinalement les corps qu'il reprenait derrière lui, au début de la route, pour les empiler devant, afin de pouvoir continuer, mais ça ne fonctionnait pas, les corps disparraissaient pour revenir là ou ils se trouvaient précédemment.
"-Tu as oublié ceux là..."
Les corps décapités, mutilés, accompagnés de la tête flottante de sa femme, et de sa fille descendirent lentement du ciel pour être posées à ses pieds, il lâcha son épée pour s'agenouiller et craquer, s'enfonçant ses propres griffes jusqu'au sang dans son cuir chevelu, hurlant, suppliant d'arrêter, les visages de sa femme et de sa fille le fixaient, il ne les avaient pas tuées... elles avaient été assassinées... mais pour lui, c'était sa faute s'il n'avait pas pu revenir à temps pour les sauver, ayant préféré ce jour là terminer des négociations ayant trainé en longueur avec un noble, trop consciencieux dans son travail, il était encore très jeune et ambitieux à cette époque, préférant parfois rester des semaines à guerroyer, en campagne avant de revenir s'occuper des siens, il ne s'était jamais pardonné, et avait juré de retrouver un jour leurs meurtriers.
"-Arrêttez ! Arrêttez je... je ne veux pas... je ne peux pas... pas elles... Laissez les tranquilles... Laissez les... tranquilles... je vous en supplie..."
Et il se réveille, en sueur, haletant, des palpitations le prennent, c'est pas la première fois qu'il fait ce cauchemar, non, pas la première fois, c'est soit ça, soit des visions des dernières grande guerres auxquelles il a malheureusement participé, il se réveille au bont moment apparemment, il entend des voix provenir de l'extérieur, il se lèves, et arpente les couloir sombres, les galeries de cette ancienne mine en frottant ses griffes sur les résidus de mithril , d'orichalque, encore présent sur les parois, ça grésille, comme d'habitude, ça crépites, tu peux aperçevoir une grande silhouette élancée, athlétique, se dessiner lorsqu'un éclat de roche, et une gerbe d'étincelles l'illumine pour à peine le quart d'une seconde, son foutu regard perçant luit dans les ténèbres, après ce cauchemar, il n'est pas d'humeur et c'est le moins qu'on puisse dire, tu peux entendre ses griffes racler sur les parois, il n'est plus très loin...
Et si tu te trouves à l'entrée, tu es forcément juste à coté du grand bassin d'eau, et, de la cascade qui s'y jette, répandant son voile luminescent, serpentant sur la roche et ses aspérités, ondulant de leurs reflets lumineux autant sur toi que sur le reste du décor proche, une autre gerbe d'étincelles, un grognement, et le torse bien formé de l'hybride, musculeux, te percutes sans ménagement, t'envoyer valdinguer dans le grand bassin sans qu'aucune galanterie n'y soit accordée.
"-C'est... imprudent... De venir déranger une bête sauvage sur son territoire... Ces terres sont sacrées, votre... présence... "humaine"... souille... Mes terres... Que feras tu pour réparer cet affront ? Saches que, nulle loi de vos cités de béton et de gravier, ne porte son écho dans un lieu aussi reculé, ici n'existe que les lois bien simples de la nature... Et si J'étais toi, je prierai pour qu'elle t'ait donné la force de survivre à mon courroux..."