Quelle semaine. Son maître de "l'instant", car elle en changeait beaucoup, était particulièrement généreux, et n'avait voulu ses services que pour son violon. Même si le corps de Pandora n'était pas vraiment repoussant, il ne s'était jamais intéressé aux corps de ses esclaves, ne les utilisant que pour les tâches ménagères, et autre de sa maison. Certains pouvaient certes servir de porte parasol, parfois, mais quand on regardait leur situation et celles que pouvaient avoir d'autres esclaves, elles ne se plaignaient pas du tout. Pandora, donc, ne servait qu'à une chose, ravir les oreilles de son propriétaire, de sa famille, et de ses invités par sa musique. Il l'avait achetée un mois auparavant, et depuis, une fois par semaine, comme il était content d'elle et de ses "prouesses" il lui laissait chaque fois une journée de repos. Elle gardait son collier au cou, pour qu'elle ne se fasse pas attraper par d'autre, mais il savait qu'elle ne s'enfuirait pas non plus. Il était un trop bon parti et trop gentil avec ses possessions pour que celles-ci envisagent de le quitter.
C'est donc pourquoi elle se retrouvait dehors, contente de sa presque liberté, et pourtant fière de porter le collier, voyant, en cuir, son précieux violon bien entretenu entre les mains, son archer avec elle, collé contre le bois ciré de l'instrument. Durant la matinée, elle avait joué deux trois morceaux, et certains passant qui s'arrêtèrent devant elle pour se laisser porter par sa musique lui donnèrent même de l'argent à la fin. Et dire que son maître l'autorisait à garder ce qu'elle gagnait durant ses journées de repos... A sa dernière vente, elle avait vraiment gagné le gros lot. Cela faisait bien longtemps qu'elle n'avait pas eu une existence aussi paisible. Elle se demandait combien de temps cela durerait. La durée la plus longue qu'elle était restée avec le même maître avait été de deux mois, suite à quoi il avait changé. Elle ne s'était pas du tout plainte, car celui-ci était quelque peu odieux. A cette pensée, elle secoua la tête, elle ne devait pas y repenser ! Non, ceci était du passé, et maintenant elle était plutôt heureuse.
Heureuse... A cette dernière pensée, un frisson parcourut son échine. Quelque chose n'allait pas. Elle sentait qu'une personne d'une grande force était dans la rue, et que ses intentions étaient toutes sauf gentille. L'instinct primaire des terranides, dans ces cas était très utile. S'inclinant bien bas devant les derniers passants qui l'avaient payé, glissant les pièces d'or reçues dans une de ses poches, elle s'empressa de quitter les lieux, soudainement craintive. Se forçant à ne pas courir malgré la peur qui la tenaillait, tout cela pour ne pas attirer l'attention de quelques malotrus qui auraient tôt fait de l'arrêter, ou pire, elle s'engagea dans une ruelle, et ne s'arrêta pas. Sa crainte se confirma et grandit encore d'un cran quand elle entendit derrière elle le bruit reconnaissable des talons aiguilles sur les pavés. Sa nature de Terranides amplifiant sa perception des choses, et sa nature à elle faisant que seule sa peur augmentait, elle se mit véritablement à courir, pour une fois qu'elle avait un bon maître, elle ne se ferait pas avoir facilement ! C'était la seule pensée qui lui occupait l'esprit.
Protégeant son précieux instrument contre elle de ses deux bras, elle se dirigea directement vers la foule la plus proche, pour disparaître à l'intérieur. Se laissant porter par le flux des passants, elle se calma peu à peu, n'entendant plus ce bruit qui l'avait fait frémir d'horreur. Lorsqu'elle se pensa en sécurité, elle sortit de la foule pour se reposer un peu à l'écart. Mais à peine eut-elle mis son nez dehors qu'elle se retrouva face à deux terranides, une chienne et une chatte. Si elle n'avait aucun sentiment mauvais pour chacune d'elle, le regard chargé de mépris de la première l'étonna un peu, et la réaction de la seconde lui fit sortir ses griffes. Ayant reçu l'accord de son maître pour se protéger s'il le fallait, elle n'hésita pas, et griffa le visage de la chatte. Faisant un saut en arrière, et son mauvais pressentiment revenant au galop, elle courut tête baissée dans la ruelle la plus proche.
Si quelqu'un s'en prenait à elle, alors Pandora utiliserait les grands moyens. C'est ce qu'elle avait décidé. Mettant à son épaule son violon, elle commença donc à jouer. Contrairement à ce qu'elle avait fait pour les passants, cette musique était clairement agressive. La ruelle, plongée dans l'illusion trop réelle de la violoniste, s'était transformée en un champ de barbelé. Autour de Pandora, on pouvait clairement voir une bulle protectrice, et tout ceux qui entraient dans le début de l'illusion, c'est à dire la ruelle, oubliaient directement d'où venaient la musique. Les quelques passants qui osèrent se montrer en ressortir rapidement, habits déchirés, et en sang. Les illusions de Pandora étaient devenus de véritables objets. Bien sûr, si elle s'arrêtait de jouer, l'illusion disparaissait, mais jusque là, un assaillant aurait bien à faire, entre les choses sur les sols et les murs, l'oubli généré par la musique et la bulle protectrice...