_Port de Seikusu [
>> Cinq ans après la mort de Sentinel Prime et le départ de Kyle Macross pour l'étranger.]
Faisant glisser mes Ray-Ban Aviator vers le bout de mon nez, je posais les yeux sur une gueule que je n'avais plus vue depuis trois ans, quand elle était venue avec tout le reste du corps passer quelques jours de vacances au Mexique pour me rendre visite alors que j'étais établi là-bas. Ca s'était fait après que je me sois séparé du petit groupe de rock qui m'avait d'abord embauché comme roadie en Californie avant de s'apercevoir qu'avec un peu de pratique, je savais plutôt bien me servir d'une guitare électrique. Aaaah, le Mexique ! La Tequila avait meilleur goût sur les plages de ce bien beau pays, surtout consommé en compagnie des jolies étudiantes du coin.
Merde, où j'en étais ? Ah, oui. La gueule et le mec dessous. Mon vieil acolyte japonais et ancien collègue journaliste, Jet Fusion. Incroyable qu'il soit à l'heure pour m’accueillir à la descente du paquebot, quand même ! Je ne me privais pas de le prendre dans mes bras une fois qu'il fut à portée, partageant avec lui une accolade amicale avant que nous nous séparions et qu'il s’intéresse au petit bijou que j'avais guidé depuis les cales jusque sur le quai, à savoir ma
V-Rod. Jet en fit le tour en sifflant tandis que je le regardais, pas peu fier de l'effet manifeste que lui faisait l'engin. - Explique moi, Mac'. Tu fais la traversée en paquebot depuis la Chine en tant que machiniste histoire d'économiser l'argent du voyage et de t'en faire un peu au passage, mais tu déplace ton cul en Harley ?
- Il faut l'entretenir, la Harley. Et puis, hey... Elle ne m'a rien coûté, je l'ai gagnée à Cuba après une course de Hors-bord. - Quelle chance de cocu...
, souffla t'il en caressant le réservoir.- Juste un peu de talent. Jet parti d'un petit rire avant que nous ne commencions à échanger quelques banalités et autres blagues potaches devant la moto, regardant de temps à autres le flux des passagers qui descendaient du bateau duquel je venais. Nous saluâmes quelques jolies filles qui eurent le bon ton de nous passer devant et finalement, une bonne heure s'écoula ainsi avant que nous ne décidions d'enfourcher la bécane en direction du centre-ville.
On parlait toujours mieux autour d'une pizza et d'un peu de bière fraîche, après tout. ---
_Gianni's Pasta, non loin du parcJe m'allumais une cigarette après avoir terminé ma coupe de glace, profitant un moment de l'agréable brise qui courrait sur la terrasse à laquelle nous étions installés. Tout à côté du poumon vert de Seikusu, la V-Rod garée tout à côté et le ciel étoilé pour compagnie... Rien que du bon, donc. Jet, de son côté, achevait son tiramisu après avoir largement dragué la serveuse. Sacré Jet, les vestes qu'il se mangeait étaient toujours aussi retentissantes que les filles qui le bashaient étaient jolies. - Je résume. D'abord la Russie, pendant quelques mois. Tu y rencontre une mannequin que tu suis en Europe pour un petit tour des défilés avant qu'elle ne te largue comme une vieille chaussette au sud de l'Espagne, c'est ça.
- Une chaussette ? Nan. Une pauvre merde, je dirais. Mais à part ça, tu es dans le bon. J'opinais du chef, amusé.- Tu galère un peu dans le trou du cul de l'Espagne en vendant des beignets sur les plages, en mode clandestin, avant de te tirer vers l'Amérique. Je suppose que tu n'y es pas allé en avion, hm ?
- J'ai UN PEU triché, c'tout ! Attends, un des vols les plus rapides de ma vie ! J'ai économisé une centaine de dollars, mine de rien. Et ça m'a été utile, au départ. J'ai fais le voyage rapidement, mais je me suis laissé un peu porter par les vents pour l'atterrissage, ce qui a fait que je me suis retrouvé non loin de la Nouvelle-Orléans. J'ai sympathisé avec un groupe de types en voyage dans le coin et je m'y suis établi quelques semaines, travaillant sur les chantiers et dans les bars pour payer mes sorties et le loyer de l'espèce de placard à balai où j'habitais. Jet semblait un peu rêveur. Pour en avoir longuement parlé avec lui certains soirs où nous avions des articles à boucler au journal, je savais qu'il aspirait à une vie bohème "comme dans certains films, tu vois, où le mec est un baroudeur et tout !" mais qu'il avait toujours craint de quitter son petit confort et sa petite amie de l'époque. J'avais réalisé son rêve, d'une certaine façon. Et côté bohème, j'avais été foutrement servi ! La Louisiane restait d'ailleurs une de mes pérégrination préférée et je l'évoquais avec une tendresse toute particulière, les yeux un peu dans le vague. Un temps durant, j'avais pensé très sérieusement à m'y installer durablement et poursuivre là-bas ma petite vie. Et puis, comme souvent, mes plans avaient dérivé. Cette fois là, la cause avait été une fille du coin, Sasha. Danseuse de cabaret au tempérament plus que bien trempé, l'Esper qu'elle se révéla plus tard être était aussi une tueuse à gage qu'il me fallut affronter pour sauver ma peau. Incapable de la tuer ou de lui nuire après ce que nous avions vécu ensemble en tant qu'amis et amants, je dus me résoudre à reprendre la route tandis qu'elle me faisait la promesse de ne parler à personne de mes pouvoirs. Sasha n'avait jamais fais, je crois, le rapprochement avec Sentinel Prime. Mais ma fuite en avant avait continué, ce qui avait surpris les amis que je m'étais fait à la Nouvelle-Orléans. Tant pis.
Pour tirer Jet de ses songes et esquiver le sujet Sasha, j'enchaînais sur le reste de mon périple après m'être accordé une gorgée de bière. - Je me suis baladé en Amérique au grè de la route après avoir quitté la Lousianne. J'ai fais un peu de rodéo au Texas, aidé à réparer les dégâts d'une tornade au Nouveau-Mexique... Je comptais virtuellement sur mes doigts, le regard levé au ciel. En Arizona, j'ai trouvé un petit boulot sur le tournage d'un film et c'est en me casant avec l'une des nanas du casting que j'ai eu l'occasion de continuer vers la Californie. - T'es sortie avec une actrice ?
Il baissa ses lunettes pour me regarder par-dessus elles, interloqué.- H-hm. Sheryl Nome.Il explosa de rire et je ne pus m'empêcher de sourire devant sa réaction. C'était probablement un peu gros à croire, puisque dans l'entre-mise entre ma rencontre avec et cette discussion que j'avais avec Jet, Sheryl était devenue une superstar avec le premier rôle dans un blockbuster se déroulant dans l'espace : Galaxy One, the Last Frontier. Je ne répondis toutefois rien, préférant attraper mon portefeuille pour en tirer une petite photo sur laquelle je posais dans les bras de la jolie blonde, tendrement enlacé. Fusion se tut pour mieux hoqueter, avant de m'interroger de son regard aux yeux grands comme des soucoupes. - On est restés un bon moment ensemble, en fait. Un an et demi, quelque chose du genre. Après Hitomi, elle m'a redonné confiance dans le long terme. C'était bien... Et puis le tournage de Galaxy One a débuté et je ne l'ai pas suivie. On est toujours en contact régulièrement et jusque maintenant, elle a toujours réussi à venir me voir de temps en temps pour faire l'amour, pour faire la folle. Ça me va comme ça.- Non mais le mec... Genre ! Tu étais maqué avec celle qui allait devenir la coqueluche de la planète Hollywood et tu t'es tiré ! Vieux connard !
- Les feux de la rampe, j'ai donné. Si quelqu'un m'avait reconnu à ses côtés, ça aurait pu mal tourner pour elle. Ce que nous avons décidé était plus sage. Je soupirais.
Mais je le regrette parfois. - Elle savait que toi et Prime, c'était...?
J'hochais la tête simplement et Jet n'ajouta rien. Ma double-identité m'avait causé bien des problèmes en amour jusque là, mais j'avais décidé de le révèler si je devais vivre quelque chose de sérieux. Pour que la fille ait bien conscience de certaines choses, simplement. Sheryl, un peu à l'instar d'Hitomi, n'en avait eu rien à foutre. Il n'y avait que moi à ses yeux et passée la surprise, la blonde avait simplement sauté sur un autre sujet. Je l'en avais longuement remerciée intérieurement après coup. - Et après
, me demanda t'il pour éviter de trop aborder le sujet héroïque. - Avant que Sheryl et moi ne rompions, j'avais rencontré un petit groupe qui partait pour un tour de scène vers le sud du pays. J'ai proposé mes services en tant que roadie et c'est passé tout seul. Rick, le chanteur, m'a proposé d'apprendre la guitare et j'en suis arrivé à les accompagner une fois ou deux. On s'est séparés au Mexique -tu sais, on s'était vus à ce moment-là. Il hoche la tête. Après, j'ai réussi à me poser à Cuba. J'y ai retrouvé par hasard un pote français qui y avait ouvert un bar. Il m'a proposé de l'aider et j'ai passé le reste de mon temps à servir des cocktails et à fumer des cigares. Grosso-modo, hein. Mieux valait passer sous silence la guerre des gangs à laquelle j'avais été forcé de me mêler pour que le bar ne soit revendiqué par personne ou encore les attaques terroristes que j'avais eu le déplaisir de désamorcer. J'avais promis à Jet de ne mêler que de ce qui me regardait pour éviter les soucis. Seulement, on a beau faire ce qu'on veut pour les juguler, certains réflexes se manifestent d'eux-même. Pour certains, c'était celui de rajouter un peu de sel dans les pâtes, pour moi c'était sauver le monde et sa proche banlieue.
Chacun sa petite marotte, que voulez vous. La mienne avait juste un peu plus de gueule qu'une collection de timbres.- Pourquoi revenir à Seikusu, Kyle ?
- Parce que c'est chez moi. Il s'est passé ce qui s'est passé, c'est derrière moi maintenant. Hitomi, Sentinel Prime et toutes ces conneries... Je me suis sauvé tout seul de mon côté et cette putain de ville n'a pas eu besoin de moi pour ne pas imploser, pas vrai ? Même Supergirl s'est pointée ! Je fais figure de relique et c'est bien comme ça. Je vais avoir le temps de m'occuper de ma petite vie pour de bon.Mon ami ne dit rien, se contentant de me scruter. Je n'avais pas été totalement honnête avec lui, pour le coup. Ma vie de vagabondage me plaisait plutôt pas mal, mais j'avais laissé pas mal de choses derrière moi en partant comme un sauvage. Donna et Marie, entre autres. Certes, elles avaient sûrement fait leur chemin de leur côté depuis cinq ans que nous nous étions séparés et je n'aurai peut-être même pas le loisir de les revoir. Mais s'assurer qu'elles allaient ne mangeait pas de pain, pas vrai ? Quant à Hitomi... Bah. Je doutais très fortement de la revoir, à présent. A savoir si j'en étais satisfait où si je le regrettais, je me gardais bien de tenter de trancher la question. Trop cogiter à ce genre de trucs n'était jamais bon.
Jet soupira avant de se taper sur le ventre d'un air satisfait. - Et maintenant ?
- Je vais me trouver une piaule, un petit boulot et un garage pour la moto. Après ça, j'aviserai. Tu sais, le monde... - Je ne te demande pas de me raconter ta vie, crétin. Je veux savoir qui paie la bière de l'autre.
Il m'avait stoppé d'un taquet placé avec ironie et je n'avais su qu'en rire après avoir eu la tronche du type qui se retrouve séché sur place. De bon coeur, j'éclatais de rire avant de lui proposer un petit bras de fer pour déterminer qui des deux rincerait l'autre.
Et tandis que Jet tentait sa chance en insistant pour que je sois fair-play, je réalisais que j'étais revenu à Seikusu aussi pour ça : nulle part ailleurs ces petits moments là n'avaient la saveur des beaux jours.
