Je la suivais depuis un bon moment, sans qu’elle ne me remarque évidemment. Une pause forcée me fit prendre de l’avance, lorsqu’un monstre tentaculaire d’environ quatre mètres de haut se décida à l’attaquer. Je repris la route après m’être assuré qu’elle n’avait pas besoin de moi pour combattre le monstre. Dans le fond, elle se débrouillait extrêmement bien, je commençais à me demander si je n’avais pas perdu mon temps à veiller sur elle…
À mon retour auprès de ma monture, un de ces monstres tentaculaires gisaient au sol, rendant son dernier soupir… Je regardai l’animal dans les yeux, puis sourit en passant ma main sur sa tête, elle me surprenait de plus en plus.
Toi, il faut vraiment que tu me rappelles de ne pas te fâcher!
Je montai sur son dos et nous décampions avant même que la jeune femme ait eut le temps de terminer son travail, mais au loin, je pus entendre ce qui ressemblait à un coup de fusil, ce qui me fit frissonner, la dernière fois que j’eus utilisé un pistolet sur Terra, j’avais bien failli y passer.
Rendu au bout des landes dévastées, verdures se mêlent au sable et arbres à la pierre… c’est assez étrange comme spectacle, mais aussi beau, la fusion du désert et de la forêt pour former cet étrange endroit qu’on ne voit nulle part sur Terre… Faudrait bien que j’apporte un appareil photos la prochaine fois, me dis-je. Au milieu de cette route, huit hommes, comme je l’avais imaginé, attendaient le coursier.
- ...vais dit qu'elle devait venir dans quatre heures, Claudus !
Je souris en coin en les regardant, du haut de ma pierre. Malgré tout le butin qu’ils avaient amassé, ils étaient de simples amateurs, attendre ainsi leur proie, à la vue de celle-ci ; un lion, lorsqu’il chasse la gazelle, le fond dans le décor, se cache dans les hautes herbes et attend que la proie s’approche pour lui sauter dessus, et l’ours polaire, qui attend près d’un trou dans la glace, une patte sur le museau pour cacher son nez noir et se fondre dans la neige blanche, attendant qu’un phoque se risque à sortir de l’eau… Tout chasseur naturel sait qu’il faut rester cacher, afin de tendre une bonne embuscade. Or, ceux là n’étaient pas des chasseurs naturels.
L’endroit était très échos, il ne fallait donc pas que j’arme mon arc tout de suite, les brigands entendraient la corde et le bois craquer. Non, il fallait que j’attende qu’il y ait du bruit, pour pouvoir mettre la flèche dans l’arc sans me faire repérer.
Soudain, un cri, transporté et amplifié par les landes, se fit entendre et la jeune femme, avec sa moto (où elle l’a pris d’ailleurs?) surgit d’un buisson pour se retrouver au flanc des brigands, les attaquant à coup de carabine et leur fonçant dessus avec sa moto. C’était justement le vacarme que j’attendais. Je ne pris pas de temps et j’armai mon arc, attendant le moment propice pour intervenir. Elle s’en sortait très bien, déjà deux des brigands n’étaient plus aptes à combattre convenablement… Sauf qu’à ce moment ça s’était gâché.
Les brigands avaient finalement pris le dessus, chose qui allait assurément arriver, tôt ou tard, à huit contre une, les chances étaient faibles qu’elle ait le dessus. Allongé sur le sol d’un gros rocher aux pentes abruptes, j’étais caché, l’arc prêt à tirer, visant un des brigands. Avec l’écho, j’entendais absolument tout ce qui se disait, alors que celui qui semblait être le chef du groupe offrait la coursière en pâture à ses hommes. Le temps d’agir était venu.
Claudus s’approchait de la jeune coursière, avec un regard plein d’envie dans les yeux… Il y avait pas quatre cents fins à cette histoire, elle allait en pleurer de douleur encore trois semaines après qu’ils l’aient ramonés chacun leur tour, lui le premier à se faire plaisir… Comme il allait tendre la main pour lui arracher sauvagement le haut, il s’arrêta, le regard vide, une pointe métallique rougeoyante avait apparue environ entre ses deux poumons. Dans un long râlement, il tomba au sol, laissant paraître une tige de bois, ornée de plumes sur la dernière dizaine de centimètres à la fin. Au moment de décocher ma flèche, la lecture aléatoire de mon I-pod s’était arrêtée sur « Nightmare » d’A7X. J’avais fait mouche et me préparais pour le second tir. Ce qui me fit le plus sourire c’est que les brigands se sont mis à paniquer alors que la phrase du début se faisait entendre dans mes oreilles : « Now your nightmare comes to life… »
ARCHER! TROUVEZ-MOI CE SALOPARD!
Je souris en entendant le chef gueuler. Ils n’avaient aucune idée d’où je pouvais être, étant donné qu’ils étaient trop bêtes pour voir la trajectoire de la flèche dans le dos de Claudus. Avec cet indice, ils auraient très facilement pu savoir où je me trouvais… Je reculai, tout en rampant, jusqu’aux pieds du rocher, où je tirai une nouvelle flèche. Celle-ci, j’avais mis moins de conviction et la flèche n’avait que frôlé la joue du chef, laissant une belle marque rougeoyante sur la pommette. Je me levai, une fois à couvert, pour caresser la tête de ma monture.
Fonce vers la gauche, tout en t’assurant que tu ne seras pas touché par les projectiles qu’ils t’enverront. Fais attention…
Comme si elle avait compris, et ce fût le cas, la créature me regardais, fit un léger hochement de tête avant de la frotter une nouvelle fois sur ma main, puis décampa. J’armai une nouvelle fois mon arc, puis, entendant du bruit, des voix et des pierres fracasser le sol et des arbres, je sortis de ma cachette pour décocher une nouvelle fois ma flèche. Cette fois, elle était très précise, car elle eut atteint le chef directement dans la gorge…
Je profitai du nouveau moment de panique pour me faufiler derrière les hommes et me rendre jusqu’à la coursière. Elle m’avait vu venir mais n’avait rien dit pour ne pas alerter les autres. Je mis mon index devant ma bouche puis lui fit signe de me suivre. Oh, je n’avais pas l’intention de fuir, je voulais leur donner une bonne correction, c’est-à-dire les tuer tous et autant qu’ils étaient, mais il fallait mieux que je sorte la coursière de cet enfer avant de les affronter.
Une fois arrivé dans la « clairière », je posai un genou au sol pour retirer mon carquois de flèches et mon arc, et les posai sur la terre. Le moment de faire la conversation n’était pas vraiment venue, alors, pour communiquer, j’utilisais les gestes.
Je pointai mon torse avec mon index, qui voulait dire « moi », puis désignai les brigands de la main, en sortant ma dague de mon autre main. Ce que je voulais lui dire, c’était que j’allais terminer le travail que j’avais commencé.