Huit heures du matin. Lilium n’avait pas dormi de la nuit, ou presque. Son dernier client l’avait quitté sur le coup des cinq heures. Elle avait ensuite du nettoyer la chambre, de fond en comble, certains en mettait de partout, d’autres renversait du vin, enfin bref, les gens ne savait plus se tenir, même en face d’une prostituée. Elle avait ensuite pris les premiers transports en commun, histoire de rentrer chez elle en toute tranquillité, sans le regard haineux des gens qui se levaient à peine. Epuisé, sentant la sueur et le sperme, elle avait qu’une seule envie, prendre une douche, comme à chaque fois qu’elle rentrait de son travail d’ailleurs. Lorsqu’elle quittait la maison close, elle se contentait uniquement de se laver le visage et les mains mais ne prenait pas le temps de se doucher entièrement, elle le faisait entre les clients, pas tout le temps mais souvent et préférait ainsi avoir le confort de la douche chaude de son petit appartement. La maison close, il fallait le dire, ce n’était pas le grand luxe. Lilium aimait son métier, à l’inverse de la plupart de ses collègues. Cependant, elle n’aimait pas les conditions. Les chambres parfois insalubres, les lits qui grinçaient un peu trop, l’eau froide dans les douches, le vin servit aux clients était de mauvaise qualité, enfin bref, un tas de petit truc qui rendait cette maison de passe des plus moyennes. En arrivant chez elle, elle avait de suite posé son kimono pour se jeter sous le jet d’eau brûlant qui lui faisait un bien fou. Sans y passer trois heures, pour les économies d’eau, elle savoura cependant ce moment de bien-être et de relaxation.
Une fois propre, elle se glissa dans son lit, programmant le réveil à huit heures. Ce qui était tôt, très tôt, en quelque sorte, cela lui laisserai, deux heures de sommeil, à tout casser. Habituellement, elle se levait sur le coup des deux, trois heures de l’après midi voir plus tard si la nuit avait été longue. Aujourd’hui était différent, elle avait rendez vous avec un agent immobilier. Non pas qu’elle souhaitait changer de logement, elle avait un rêve encore plus grand. Lilium souhaitait ouvrir sa propre maison close. Une idée un peu folle, peut-être. Elle n’en avait encore jamais parlé autour d’elle, et elle ne risquait pas. Lilium n’avait guère de connaissances sociales hors du travail, du coup, cela serait déplacé d’en parler au boss. Le réveil sonna quelque temps après. Lilium grogna. Jura. Ronchonna. Elle avait beau maugréer, le réveil continuerait de sonner et cela ne stopperai ni le temps ni ne décalerai l’heure de son rendez vous. Il lui restait une heure avant d’aller à son rendez vous prévu à neuf heure au quartier de la toussaint. Un quartier mal réputé, là où bossait Lilium, elle espérait ne pas croiser son patron dans les alentours. Mais le quartier était assez grand et le rendez vous était distant de plusieurs kilomètres de son lieu de travail, heureusement. Ses jurons finirent étouffés entre deux bâillements. Elle aplatit littéralement son réveil d’un coup de poing et daigna ouvrir enfin les yeux. Retirant doucement sa couette et marmonna et se replongea dessous. Il faisait trop froid pour sortir de dessous la couette. Heureusement pour elle, son super réveil possédait la fonction « je t’emmerde encore un peu » ou « c’est pas fini, debout feignasse ». Qui consistait à sonner toute les cinq minutes si l’on se contentait d’appuyer comme Lilium le faisait sur le bouton de devant, le gros fait exprès pour que l’on tape dessus. Pour stopper définitivement cette machine infernale deux solutions : la première la jeter contre le mur, mais au final ça revient cher en réveil, c’est un investissement, certes. La deuxième, plus chiante, chercher le tout petit bouton coincé derrière qui permet de mettre en veilleuse l’horrible piaillement jusqu’au lendemain matin du moins. Lilium opta pour la première solution. Rapide efficace, un peu couteuse mais tant pis.
Maugréant, elle daigna se lever puis s’habiller. Elle opta pour un truc assez visible, assez coloré, assez séduisant, tout à son habitude. Même si sa rencontre d’aujourd’hui n’avait rien de sexuelle, il n’y avait aucun mal à mettre tout les atouts de son côté, et pour Lilium c’était sa paire de seins qui attirait fortement le regard des hommes. Elle opta donc pour une de ses robes rougeoyante. Elle ne força pas sur le maquillage ni sur la coiffure, restant assez simple. Ajustant quelque peu son vêtement pour montrer un peu plus sa poitrine, elle sortit peu de temps après. Apparemment, cela marchait plutôt bien, quelques hommes se retournaient sur son passage. Satisfaite et déterminée, elle se dirigea vers le quartier de la toussaint.
Neuf heures, l’agent arrive. Un jeune homme assez beau, assez grand, étonnement coiffé, les cheveux plaqué en arrière par une laque de premier prix, des bijoux pendouillant à son cou, de nombreuses montres ornant ses poignets largement visibles suite à un costume trop court. Une description rapide d’une personne qui avait l’air douteux. Lilium s’était imaginé un agent un peu plus sérieux. Enfin bref, elle verrait bien. Ils se retrouvèrent donc devant une vieille bâtisse en ruine. Lilium l’avait découverte une semaine auparavant et avait pu avoir un rendez vous pour la visiter. Elle serait parfaite pour ses futures activités étant donné qu’il s’agissait d’une ancienne maison close. Ainsi, il n’y aurait pas beaucoup de travaux à faire, juste de la rénovation et de l’aménagement. Ils rentrèrent dans la baraque pour en faire la visite. C’était assez sympa, plutôt pas mal même, cela enthousiasmait fortement la jeune femme. Lorsqu’ils eurent fini, ils en vinrent à parler affaires, c'est-à-dire le prix. La chose la plus intéressante dans l’histoire, malheureusement. L’homme d’affaire annonça un prix inimaginable. Lilium manqua de s’étouffer et lâcha aussitôt.
« Je vous demande pardon ? »
Elle souhaitait le faire répéter pour être sûre de l’énormité de la chose. Avant que ce dernier n’eu le temps de recommencer, une autre voix s’éleva. Une voix qu’elle connaissait.
« Si tu n’as pas les moyens, ça ne sert à rien. Pourquoi une pute de bas étage comme toi voudrait-elle acquérir pareil bien ? »
Le ton lui glaça le sang, Lilium se retourna, un faux sourire sur le visage avant de lâcher un « boss » mielleux et faux à la fois. Et merde, que faisait-il ici celui là. Trois autres hommes entrèrent dans l’histoire. Des yakuza, gardes du corps, mafieux, ce genre de type quoi. Armées jusqu’aux dents, lunette noires et compagnie. Lilium se mordit la lèvre qu’est-ce que c’était que ce bordel. Elle se retourna vers l’agent en quête de réponse mais ce dernier était déjà entrain de lécher les pieds de son patron. Un lèche-bottes, forcément, encore un agent immobilier corrompu jusqu’à l’os voir la moelle. Ce dernier proférait des remarques sucrées tout en baisant la main du boss. Ce dernier lui glissa une enveloppe comme récompense. Lilium comprit alors qu’elle venait de se faire piéger. Elle allait non seulement perdre l’achat, mais également son job ainsi qu’un membre ou deux, ça dépendrait de l’humeur du patron. Alors maintenant, il ne restait que deux solutions, tenté de fuir, mais il fallait alors à tout prix réussir, sinon c’était la mort assuré, ou parlementer. Lilium avait des talons aiguilles. La première option risquait d’être difficile. Elle choisit donc la seconde. Elle tenta donc de commencer une longue série d’explication bidon par une phrase débile du genre « c'est-à-dire que.. Mais voilà… alors donc… » Rien n’y fit. Le boss la stoppa net et deux hommes s’emparèrent d’elle. Ou du moins tentèrent. Un coup de feu retenti et l’un d’entre eux tomba sur le coup. Headshot. Lilium tenta de voir d’où provenait le coup de feu mais le second homme la lâcha brusquement en l’envoyant sur le sol, sur le côté. Roulant, elle comprit qu’elle se trouvait dans une histoire qui ne la regardait pas. Une histoire de mafia, sûrement. Apparemment, elle n’était pas la seule à être prise au dépourvue. Son boss s’était lui aussi caché précipitamment et d’autres de ses hommes avait fait irruption dans la chambre. Le coup avait été tiré de la fenêtre, sniper qui avait sûrement du changer de position. Lilium prit son courage à deux mains et profita de ce conflit pour fuir. Elle échangea un regard avec son patron avant de lui faire une grimace et de filer par l’autre porte, juste derrière elle.
Ils étaient au deuxième étage. Il y en avait encore un, elle serait plus en sécurité là haut plutôt qu’en bas. Elle fonça alors dans le couloir mais se trompa de porte. Oubliant comment la maison était faite, elle se retrouva nez à nez avec un mur qu’elle se prit de pleine figure. Le choc fut costaud, elle l’avait prit de plein fouet et bien comme il le fallait. Cela la propulsa par terre où elle resta quelque moment assise, comme perdue. Un liquide chaud sur ses lèvres ayant une désagréable odeur de fer la fit reprendre ses esprits. Du sang, elle s’était presque cassé le nez, ou du moins bien amoché. Déjà qu’il était un peu trop grand, manquait plus qu’il soit bossu. Retrouvant ses esprit, elle s’empressa d’enlever ses talons qu’il ne l’aiderait pas à courir. Pied nus, elle se remit en marche. Les coups de feus résonnaient encore dans l’étage. Elle devait trouver l’escalier au plus vite. Merde, merde et merde c’était les seules choses qui résonnaient dans sa tête alors qu’elle courrait pour son salut. Après quelques portes ouvertes inutilement, elle trouva celle de la cage d’escalier dans la quelle elle se précipita. Jetant ses chaussures tout en bas de l’escalier, vérifiant qu’il n’y ait personne, elle s’empressa alors de grimper les marches deux à deux voir trois à trois même si sa robe ne lui le permettait guère. Elle avait mis son foulard sur son nez pour ne pas mettre des tâches de sang de partout. Ils en restaient surement en bas, tant pis. Au dernier étage se trouvait l’ancienne maison du propriétaire, elle se cacherait donc dans la chambre de celui-ci et en profiterai pour soigner le coup qu’elle venait de prendre (par sa faute) au nez. Des pas montaient dans l’escalier en sa direction. Elle pressa le pas et ouvrit rapidement la porte de la cage d’escalier. Le couloir du troisième étage s’étendait à sa gauche. Elle ne prit pas la peine de regarder, affolée de savoir qui pouvait bien se trouver derrière elle. Elle ne vit pas alors la silhouette qui se dessinait juste à sa gauche. Se retournant au dernier moment, elle s’arrêta pile au niveau de l’homme, persuadée qu’il s’agissait à nouveau d’un mur. Mais non, c’était bel et bien un humain, en cher et en os. Ce dernier un peu surpris de voir une femme en face de lui hésita. Lilium non. Elle balança son pied dans l’entrejambe de ce monsieur, et courut dans l’autre sens, espérant atteindre la porte derrière elle, derrière laquelle elle pouvait se cacher surtout. Elle ne prêt pas attention aux lamentations et grognements de l’homme. Victoire, en quelque enjambées elle atteignit la porte, puis, elle s’engouffra dans la chambre, la verrouilla d’un tour de clef et s’empressa de mettre des objets lourds devant. Elle devait ensuite chercher une solution pour fuir ce bordel.
Qu’est-ce que c’était ce merdier dans lequel elle venait de se fourrer. Et depuis quand les mafieux se tiraient dessus à dix heures du matin ? Comment son patron avait-il été au courant de sa visite ? L’entrepreneur ? Forcément, mais pourquoi ? La faisait-il surveillé, avait-il eu des doutes sur elle. Beaucoup de question se bousculaient dans la tête de la jeune femme. Quant à son nez, il continuait de saigner, même si le flot avait diminué. Les coups n’allaient pas tarder à retentir contre la porte, elle devait fuir d’ici tout de suite avant d’être mêlé à d’autres sottises. Avec un peu de chance, si le clan adverse la trouvait, il l’épargnerait peut-être.