Dégustation ( pv )

Pour tout dire, elle ne regrettait pas le déplacement. Amy venait de passer une heure dans une cave à vin délicieuse toujours vêtue de son tailleur si élégant, noir et blanc, à déguster tout un assortiment de délicieux vins français. Elle se souvenait que son père ne jurait que par ça. Elle avait comme objectif de lui en envoyer en colis, pour son anniversaire. Depuis combien de temps n'avait-elle pas vue sa famille ? Elle secoua la tête, en tendant sa carte bancaire à la jeune caissiére.
Qui aurait cru que le Japon dissimulerait de tels trésors ? Elle tapa patiemment son code, et récupéra le ticket de caisse. Le prix était exorbitant, il fallait l'admettre. Mais rien ne résistait à son compte en banque blindé. Son travail, et quelques affaires ici et là, et voici qu'elle tenait entre ses mains une pactole. Cette idée la faisait sourire. Aimablement, elle attrapa les bouteilles soigneusement rangées dans un sac, les 4 verres qu'elle avait achetée, et sortit de la boutique. Dehors, il faisait frais, mais pas froid. Elle adorait ce temps ...

Elle marcha plusieurs mètres, le sac à la main. La journée était magnifique. Elle appréciait vraiment l'automne. Cela lui donnait envie de boire ce qu'elle tenait à la main. Elle grimaça. Aprés tout, ils n'en sauraient rien, ses parents, si elle se taisait. Elle trottina jusqu'au parc, et s'installa sous un kiosque joliement aménagé. Elle s'installa sur le banc, ravie, et ouvrit une bouteille.

- En l'honneur de l'automne , murmura t'elle en se versant un verre.

L'odeur était délicieuse. La couleur, parfaite. Elle se sentait vraiment bien. Elle en ignora même son portable qui vibrait de manière grossière. Jusqu'à ce que le temps se gâte ... Le frais passa au froid, et une désagréable pluie fine et gelée, de celles qui se glissent sous vos vêtements, s'abattit sur le parc. Elle se sentit tout à fait heureuse de constater qu'elle était à l'abri ... D'un geste, elle sortit son portable de sa poche, et ordonna à son chauffeur de passer lui déposer une voiture devant le parc. Elle avait bien envie de sortir plus tard ... Pour le moment, elle savourait le confort que lui procurait ce kiosque, l'abritant de la pluie.
Elle voulait profiter du fait d'être vivante. Depuis sa dernière rencontre, où elle avait crue mourir, elle se sentait mieux. Mais cela l'avait confortée dans son idée que fréquenter des êtres humains était une erreur monumentale.

Un pas? Non. Une foulée. Rythmée, régulière. Un souffle. Rythmé et régulier lui aussi. Quoi de mieux qu'un petit jogging par ce temps adéquat? Pas de chaleur harassante, pas de froid engourdissant... Vraiment, le temps idéal. Et Eric s'en donnait visiblement à coeur joie. Visiblement? Oui, tout à fait, visiblement. C'était un homme aux épaules carrées, aux muscles saillants sous le tee shirt noir qu'il arborait, collé à sa peau par la sueur. Depuis combien de temps pouvait-il courir, lui, un homme de sa stature, pour être dans cet état alors qu'il avait indéniablement l'habitude de se dépenser, de faire du sport? Lui-même l'ignorait, et justement c'était ça qui l'amusait. Plus il courait, mieux il se sentait. Ses tennis étaient confortable, son jogging large... Bon, admettons que le tee shirt trempé le gênait quelque peu. Ça faisait froid à même la peau, et s'il devait admettre que sur le coup c'était agréable, il n'était pas sans ignorer que ça pourrait lui valoir un beau rhume pour le lendemain. Quoiqu'il en soit, les écouteurs de son mp3 sur les oreilles, Genesis et autres groupes à la REM, Depech Mode et U2 à fond dans les oreilles depuis au moins deux bonnes heures, Eric était heureux comme un roi.

Le fait est, aussi désagréable soit-il, que toutes les bonnes choses ont une fin. En l'occurrence, les jambes du pilote commençaient à fatiguer et pour couronner le tout, il se mettait à bruiner. Ralentissant la course pour ne plus se mettre qu'à marcher d'une façon active, avec rapidité, pour finir par calmer le jeu progressivement, c'est à pas lents qu'Eric délaissa les tréfonds du parc pour s'en retourner vers des coins plus "conventionnels". L'endorphine présente dans son organisme, libérée par la pratique intensive de la course à pieds était toujours présente et le faisait arborer un large sourire d'homme ravi. Il passa une large main dans ses cheveux diaphanes, trempés, et les tira vers l'arrière pour qu'ils ne l'empêchent pas de voir.

Mais de voir quoi au juste? La ravissante jeune femme, du moins elle semblait ravissante vue de dos, sous le kiosque où certains groupes de jazz jouaient les soirs d'été? Un regard un peu plus appuyé l'informa qu'elle buvait un verre de vin. Ni une ni deux, armé uniquement de son culot, il couru jusqu'au banc de Miss Beckett et sauta par-dessus avec aisance, ratterrissant d'une façon si nonchalante que c'était à se dire "il l'aurait voulu, il n'y serait pas arrivé", une jambe croisée largement sur l'autre et un bras en longueur du banc, bien évidemment pas dans le dos de Mademoiselle Beckett, c'aurait été inconvenant.

Bonjour. J'en prendrai volontiers un verre mademoiselle si vous acceptiez de me faire l'honneur.

Qui ne tente rien n'a rien comme on dit, en l'occurrence, Eric risquait beaucoup plus de se prendre une claque mais comme disait sa grand-mère "il vaut mieux demander pardon que la permission"! Curieusement, elle avait changé de discours quand elle l'avait vu essayer de faire du rodéo sur son aspirateur... Quoiqu'il en soit, c'était beaucoup plus intéressant de faire des conneries, de s'éclater à les faire surtout, plutôt qu'être déçu si on nous dit "non" quand on demande. Et on dirait non, parce que dire oui à une connerie ça en retire tout le fun de la chose!

Mais pas si rustre pour une fois, Miss Beckett eut quand même droit au sourire le plus aimable dont Eric était capable, ce qui n'était pas rien même si les endorphines y étaient pour beaucoup.

Celui-là, elle ne l'avait pas vue arriver. Mais elle l'accueillit avec un sourire. Autrefois, une telle rencontre ne l'aurait pas inspirée ; elle serait partie aussitôt, peu interéssée, par ce genre de discours, méprisante et hautaine comme il se doit. Mais cette fois, non, elle ne voulait pas jouer la femme froide et dangereusement égoïste. Ce genre de comportements, elle le réservait pour les procés ; elle y jouait le rôle d'une femme dure, que l'on ne pouvait contredire ou même attaquer. En dehors, elle préférait freiner le rythme, et se faire moins d'ennemis. Tout du moins, c'était ce qu'elle essayait de faire. Elle s'efforçait d'être aimable, gentille, presque généreuse. Et quand son père lui adressait un " Et en quel honneur, toute cette sympathie ? ", elle soupirait longuement. Tout ceux qui l'avaient connus autrefois ne la reconnaissait pas aujourd'hui.  C'était compréhensible. Quand on voyait quelle personne elle était avant ...

Elle eut donc un sourire à l'intention de son "invité", et lui servit un verre. " Je les laverais avant de les envoyer "songea t'elle. Elle lui apporta, tenant le verre entre ses doigts fins et parfaitement manucurés.

- Du vin français, précisa t'elle. Le meilleur d'entre tous.

Elle but une nouvelle gorgée, et se posta face à l'inconnu, debout, le dévisageant. Mais elle cessa vite ce cirque ; il ne fallait pas qu'il la prenne pour une folle.

- A qui ai-je l'honneur ? demanda t'elle sur un ton sympathique.

Et bien et bien et bien... Voilà qui était surprenant! Une dame aussi élégamment vêtue le laissait, lui, habillé comme un joggeur très quelconque, boire de son vin? C'était très surprenant et très agréable! D'aimable, le sourire de l'homme aux cheveux prématurément blancs se fit amusé. Voilà qu'il s'interrogeait à présent. S'il avait fait la même chose dans l'un de ses costards à un prix exorbitant, aurait-il eu la même réponse? Question intéressante, qui n'aurait probablement pas de réponse. Pas encore en tous cas. Et pour être honnête, réponse ou pas, Eric s'en fichait royalement. Beaucoup trop épicurien pour se soucier de ça. De ce fait, il prit le verre tendu par la jeune femme qui avait eu la délicatesse de ne pas le rembarrer directement et la remercia en inclinant légèrement la tête.

Merci beaucoup. Ça me tue de l'avouer, mais vous avez raison...

Les français et leur vin... Maudit cocorico... Leur camembert et leur béret... Et Pris! Curieusement, il s'était toujours imaginé embrasser une femme au pied de la tour Eiffel, elle aurait eu la jambe pin-up dans son rêve, très old school, années vingt et tout le tintouin. Maudit français... Pour un anglais, c'était très dur à reconnaître qu'ils avaient quelque chose de bien. Enfin... Ils avaient le french kiss aussi. Allait-il oser? Oh! Pourquoi pas!

Affichant un sourire de plus en plus large, Eric se leva à son tour, les yeux pétillants, et tendit une main amicale à l'avocate.

Eric Carter, enchanté de vous rencontrer Mademoiselle...?

Mais avant qu'Amy ne tende la main pour serrer la sienne, dans le cas où elle aurait voulu le faire, il se frappa le front.

Nous n'allons pas nous serrez la main en buvant un aussi bon vin Français!

Et pour appuyer ses dires, il en bu une gorgée d'une taille adéquate, qu'il su apprécier à sa juste valeur. Depuis le temps qu'il était dans les affaires maintenant, il savait reconnaître un bon vin quand il en buvait un.

Hum... Excellent! En buvant un vin pareil, on ne peut que se faire la bise. Vous ne croyez pas?

Ses yeux verts particulièrement expressifs clamaient sa malice. Pour qui aimait jouer, Eric était l'homme de la situation, plus compétent encore que l'Agence Tous Risques!

Et bien, celui-ci, quel drôle de personnage ! Elle n'avait pas l'habitude de croiser ainsi des persones aussi étranges et singulières. Oh, étrange était peut-être un peu forcé, mais ... Il était étonnamment à l'aise. Amy avait connue cela, à la Fac. Une personne l'avait abordée, avec cette même aisance, ce même talent à donner envie qu'on réponde, qu'on n'envoie pas bouler cette personne aux quatres coins de la planète, mais qu'au contraire on suive cette personne n'importe où, pourvu que ce soit amusant.
Elle aurait voulue se taper. Voilà qu'elle pensait comme une enfant ! Tout plaquer du jour au lendemain ? Jamais de la vie, pour elle. C'était bien un rêve de gamine, ça. Une fois que la situation se porte bien, il ne faut pas s'en plaindre. Alors tant pis si elle ne partait pas s'isoler en Australie. Elle préférait son confort japonais.

- Amy Beckett, enchantée, répliqua t'elle.

Elle s'apprêtait à lui serrer la main, mais reconnut qu'il avait raison. Même s'il se comportait de manière ... " Décontractée, c'est ça ! " songea t'elle. Elle passa une mèche de ses cheveux derrière son oreille, fixant le jeune homme. Qu'il était étrange, ainsi. Ses cheveux blancs, son attitude. Il était rare de croiser des gens ainsi.

- Vous avez raison, admit-elle.

Elle se pencha aussitôt pour lui faire la bise. Normalement, elle aurait refusée, mais là ... Il avait un petit air, quelque chose qui lui plaisait ...

Le sourire d'Eric s'élargit. Elle acceptait sa bise, c'était magnifique. Aussi se pencha-t-il dans la direction de la ravissante Amy et laissa-t-il sa main se poser amicalement sur son épaule, pour plus de commodité, avant de poser sa joue contre la sienne, puis l'autre. Beaucoup en auraient profité, face à une jeune femme aussi charmante, pour lui voler un baiser et Eric les comprenait, mais il n'était pas de cette trempe. Il n'était pas fait du même bois. Miss Beckett le voyait effectivement décontracté, mais il n'en était pas encore au point d'être négligé ou de s'oublier. Dans ce genre de situation, la limite était bien mince, mais Eric restait à l'intérieur du périmètre autorisé avec une facilité déconcertante étant donné le flirt qu'il se permettait avec lesdites limites.

Quoiqu'il en soit, une fois les deux bises posées sur les joues de la demoiselle, Eric se rassit avec cette même nonchalance tellement aisée, qui le faisait paraître tout de même charismatique malgré ses vêtements de sport, que c'en était rageant, il sirota avec classe le vin qu'Amy avait eu la délicatesse de lui offrir.

Vous ne trouvez pas ça étrange comme coutume? Je parle de la bise.

Il avait précisé par crainte que ses paroles ne soient pas claires. Le regard toujours pétillant, il dévisageait l'avocate sans pudeur, mais rien que la décence ne lui interdisait. Il n'était pas du genre à déshabiller les femmes du regard, sauf celles qui  se vêtaient tellement peu qu'elles l'y invitaient elles-mêmes à le faire. Amy n'étant pas de celles-ci, il restait parfaitement correct. Selon lui, une femme devait être traitée en fonction de leur façon de se montrer au monde. Les plus intéressantes selon lui étaient les jolies qui se cachaient derrière des vêtements trop larges. Avec celles-ci, c'était la roulette russe. Soit elles dissimulaient un coeur en or, soit elles étaient odieusement aigries. Amy était une très belle jeune femme, et aussi strict que puisse être son tailleur, on ne pouvait pas dire qu'elle se cachait. Néanmoins, le vin qu'elle avait offert au jeune homme le laissait supposer qu'elle avait des moyens. Ces moyens ne l'avaient pas rendue imbue puisqu'elle avait daigné ET lui offrir un verre, ET lui faire la bise. A moins que ça ne soit son charisme naturel!

Selon les régions où vous allez, c'est deux, trois, quatre... Drôle de coutume.

Petit constat fait par un anglais ayant beaucoup voyagé, puis gorgée de vin pour laisser le loisir à la demoiselle de renchérir si le coeur lui disait.

Amy l'écouta parler, le sourire aux lèvres. Effectivement, la bise était une étrange coutume. La première fois qu'elle avait posée le pied à Paris, et qu'on était venue lui faire la bise, elle avait reculée, se sentant agressée. Elle se souvenait qu'elle ne contrôlait pas bien la langue française, à cette période ... Elle passa sa main dans ses cheveux. Paris lui manquait beaucoup. Elle aurait aimée trés vite y retourner, et y songeait sérieusement. Elle devait se vider la tête. Trop de mauvais souvenirs restés dans sa mèmoire. Elle baissa les yeux vers sa boisson. Devait-elle encore faire confiance aux gens autour d'elle ? Devait-elle encore se confier ? Elle n'en avait pas l'impression ... Elle soupira longuement, peu convaincue.
De toute façon, elle gardait toujours son flingue sur elle. Et elle ne le quitterait jamais. Sa survie en dépendait. Même cet Eric ne semblait pas être un ennemi potentiel ou un espion qui avait l'ordre de l'égorger, elle devait se méfier.

- Je suis d'accord, mais je trouve cela chaleureux. Cette coutume établit un lien entre les deux personnes, une première approche qui incite à la conversation. C'est moins froid que se serrer la main, non ?

Elle eut un sourire, et remit une mèche derrière son oreille.

- J'aime beaucoup voyager, pour découvrir comment vivent les autres personnes, continua t'elle. Les coutumes sont si différentes, si intéressantes, que chaque pays semble être un monde à part.

Là, elle en faisait trop. Exposer ainsi sa culture pouvait passer pour un acte hautain, détestable ... Elle soupira. Elle n'arriverait jamais à se comporter normalement, ou même à être un tant soit peu agréable.

Si Éric était un espion, alors il était incroyablement doué! Car même lui ne se doutait pas qu'il espionnait Amy Beckett, dont il ignorait tout présentement. Encore plus doué que James Bond, il serait complètement impossible à trahir, même au détecteur de mensonge. Un espion nouvelle génération, passe-partout car discret et insoupçonnable. Mais si Amy le soupçonnait, c'était qu'il avait failli... Dam, quel drame! Quoiqu'il en soit, Éric était bien loin de ces considérations. Il savourait le vin et essayait de se découvrir un intérêt pour celle qui le lui avait offert. Pour l'heure, s'il devait rentrer chez lui, il songerait qu'il avait fait une agréable rencontre dans le parc. Certes, elle pouvait encore dégénérer mais pourquoi imaginer le pire quand on peut profiter du meilleur? Ça n'avait aucun sens. Aussi laissa-t-il sa bouche garder un sourire amusé aux paroles de l'avocate. Façon bien simple de voir les choses à son avis, de les embellir plus qu'elles ne le méritaient en vérité.

Chaleureux, non. Moins formel. Les espagnols sont chaleureux, les français sont hypocrites. C'est seulement plus difficile de le voir derrière leur french kiss et autres bagouilles du genre. Un espagnol, quand vous l'abordez pour la première fois, va vous embrasser les deux joues et pas seulement le feindre. Il va vous demander comment vous allez et si vous avez besoin de quelque chose. Un français, ça sera une toute autre histoire.

Le sourire d'Eric s'élargit poliment, avant qu'il ne reprenne.

Je suis bien d'accord avec vous, voyager est quelque chose de très instructif mais vous devez avouer que peu importe où vous vous rendez dans le monde, Orient, Moyen-Orient et Afrique du Nord mis à part, la plupart des cultures se troquent pour l'occidentale et même si les pays cherchent à conserver leur histoire, ils ne cherchent plus à la vivre telle qu'elle. Les gens évoluent et c'est normal. Par exemple, avez-vous récemment entendu un français s'exclamer devant vous "Ohla, fi! C'en est trop!".

Phrase prononcée dans un français impeccable.

Je ne pense pas personnellement. Enfin bref, loin de moi l'idée d'enrayer votre enthousiasme, mais je crois qu'aussi beaux les voyages soient-ils, il faut voir à ne prendre les habitants et autres pour des lapins de 6 semaines... Le jour où vous croiserez par exemple... Je ne sais pas moi, une grecque habillée en toge ou autre, hors manifestations culturelles, j'espère bien que vous m'appellerez!

Avec un sourire plus large encore, il leva son verre à la santé de l'avocate et la gratifia d'un clin d'oeil.

La jeune femme se servit un autre verre, tout en l'écoutant. Il ne portait pas, ainsi, un regard trés sympathique envers les autres cultures. Pessimiste, même. Mais elle était forcée d'être d'accord avec lui ... La culture occidentale, et américaine, prenait du galon. La Triade avait un immense pouvoir sur le monde, et certains peuples se sentaient forcés d'adopter cette mode ... Cela était déplorant. Et cela gâchait tout l'attrait d'un paysage, d'un peuple, d'un voyage. Il ne manquait plus qu'une usine Coca-Cola entre deux pyramides, et ce serait le comble !
Mais, forcée d'être un minimum optimiste, elle s'efforça de ne pas songer à cela. l'être humain ne pouvait pas être fonciérement mauvais. Tout du moins, elle tentait de s'en persuader.
Mais l'argent pouvait vaincre facilement la culture ... Elle grimaça un peu à cette idée.

- Il est vrai que vous sommes envahis par une vague d'occidentalisation assez peu commune ... L'influence des pays de la Triade est forte, surtout concernant l'Europe et les Etats-Unis, soupira t'elle.

Elle regarda un instant le ciel, espérant que la pluie cesserait vite de tomber comme elle le faisait. Puis elle se tourna vers Eric, un sourire sur les lèvres.

- Je ne peux pas en vouloir à l'occidentalisation. Je trouve cette culture encore bien sage, car certains aspects de certains pays m'insupportent ...

Elle eut un sourire, et but une nouvelle gorgée de vin. Quel délice. Elle ne regrettait aucunement son achat, et savait que son père apprécierait. Elle disait ce qu'elle pensait ... En Occident, la femme n'était pas rabaissée comme elle l'était dans certaines contrées. Et l'idée qu'une femme puisse être maltraitée la mettait tout bonnement hors d'elle.

-  Mais je pense que chaque cité cache ses trésors ... Et comme tout bons trésors qui puisse exister, il faut chercher pour le trouver ... murmura t'elle d'un ton mystérieux, comme une conteuse.

Elle se souvenait de ses voyages, de ses découvertes ... L'Histoire était fabuleuse, parfois.

Les personnes sensées se doivent d'être toujours d'accord avec Éric. Parce qu'il avait toujours raison. Bien sûr, quand il faisait le pitre il pouvait dire n'importe quoi, comme n'importe qui. Parce que c'est en faisant n'importe quoi qu'on devient n'importe qui, n'est-ce pas? Toujours est-il que lorsqu'il donnait son opinion, ça n'était jamais une critique ouverte puisqu'il ne disait jamais "c'est déplorable" ou quelque chose du même genre, non. C'était un constat qu'il s'efforçait de rendre objectif et de calquer sur les effets de masse. De ce fait, on pouvait lui reprocher beaucoup de choses, mais pas celle de jouer les anthropologues. Parce qu'observer les autres, c'était la seule chose qui le faisait rire: leurs contradictions et paradoxes, mais aussi les points communs à tout un chacun et ce peu importe la nationalité.

Il n'y avait rien de plus à ajouter à la première phrase de Miss Beckett, de ce fait, Éric se contenta de sourire poliment tout en sirotant son vin. Une merveille vraiment, il avait dû lui coûter les yeux de la tête.

Ne vous méprenez pas Miss Beckett. Je ne critique pas, je constate. De plus, en vouloir ou pas à l'occidentalisation ne changerait strictement rien.

En occident, une femme n'était peut-être pas aussi maltraitée ouvertement qu'ailleurs, mais hypocritement ce qui était bien pire selon Éric. L'occident profitait de sa toute puissance pour se permettre des choses contre nature, comme l'importation des prostituée d'Europe de l'Est ou encore le tourisme sexuel des "puissants" européens dans les pays de moindre "puissance". Toutes ces pratiques donnaient à Éric des envies de massacres monstrueux. Il laissa cependant tout cela de côté pour sourire à nouveau à Amy.

C'est un peu trop romanesque pour moi, je suis plus pragmatique. J'aime m'intéresser aux histoires locales et aux richesses nationales bien sûr, mais il faut oublier pour ma part l'idée même d'aller dans un musée. A l'exception en fait du National Gallery de Londres et du Louvre de Paris. Deux exceptions. Et soit dit en passant, si vous êtes avide de richesses "locales", je vous conseille le Sri Lanka. C'est un pays réellement fabuleux.

La jeune femme lui sourit tranquillement. Le Sri Lanka ? Elle ne connaissait que trés mal ce pays. Personne, dans son entourage, n'y avait mis le pied. " Sois réaliste, pensa t'elle. Toutes les personnes de ton entourage vont aux USA, en France, ou au Japon. Personne ne mettrait les pieds dans ce genre de pays. " Elle fronça les sourcils. Elle n'aimait pas dénigrer une culture. Mais elle savait que, si l'envie lui passait par la tête d'y aller, sa famille ne manquerait pas de lui rappeler que cela ne lui ressemble aucunement. Ce qui était tout à fait vrai.

- J'ai dans mes projets de retourner à Moscou et à Darmstadt, savez-vous ?

La Russie et l'Allemagne étaient ses contrés favorites ... Elle passa sa main dans ses cheveux. Elle gardait de bons souvenirs de ce genre de voyages, dans des endroits qu'elle jugeait dépaysant et frais. Elle aimait y passer des semaines,  quand elle sentait que son boulot la pesait. Elle n'était, aprés tout, qu'une personne normale. Son travail était lourd, surtout depuis sa dernière affaire où elle avait faillie y laisser plus que de sa peau.
Hum, ce genre de souvenirs n'étaient guère agréable à ses yeux. Elle se frotta les bras, machinalement. Elle devait vivre avec ses souvenirs, elle n'en avait pas le choix. Il fallait juste attendre que " les brûlures disparaissent ".

- Mais je penserais à votre proposition, dit-elle avec un sourire. Si je n'avais pas été avocate, j'avoue que l'archéologie m'aurait bien interessée ...

Elle sourit. Sur ce point là, elle n'était pas si mélancolique que ça. Elle aimait son travail, et surtout toutes les opportunités qu'elle avait à faire ce boulot ...

La tête aux cheveux blancs fut secouée négativement. Non, il ne savait pas qu'elle voulait retourner à Moscou et Darmstadt. Comment l'aurait-il su? Il ne la connaissait que depuis un petit quart d'heure, elle était en tailleur, avait un nom assurément occidental, tout comme lui, mais et après? Après tout, le bagage de voyages et de préférences ne s'affichait pas à volonté à côté d'une personne en toute occasion. Une de ces valises souillée de dizaines d'autocollants... Une horreur de pratique touristique.

Pragmatique et fêtard, Éric connaissait la Russie pour sa vodka bien évidemment, et ne mettait les pieds en Allemagne que pour la fête de la bière. En dehors de ça, il trouvait les allemands et les russes trop rétrogrades pour lui, avec un langue bien trop archaïque. Il se garda cependant de livrer le fruit de ses propres réflexions à Amy. Il n'appréciait pas particulièrement ces endroits, mais il comprenait parfaitement qu'elle les apprécie. Tout comme eut la délicatesse de dire qu'elle réfléchirait à sa proposition, grossomodo qu'elle ne comptait pas y mettre les pieds à moins d'avoir soit une occasion en or, soit pas le choix. Ce constat fit sourire l'homme aux cheveux de neige, qui ne pu s'empêcher de rire lorsqu'elle énonça l'idée d'être archéologue. Ce n'était pas par méchanceté et il espérait qu'elle le verrait ainsi, juste de l'incrédulité.

Sans vouloir vous offenser, je ne vous imagine pas du tout archéologue. Le travail de recherches et d'apprentissage des langues et des cultures anciennes ne vous aurait, je pense, posé aucun problème. Mais le côté pratique, à genoux dans la poussière, en survêtements de coton amples ou autres du même genre... J'avoue avoir du mal à vous imaginer, vous qui portez un élégant tailleur et buvez un verre de vin hors de prix, exerçant ce genre de labeur manuel. Non pas que je vous en croie incapable, ce n'est pas un défi, juste que... Vous semblez d'avantage être une femme de salon.

Ca n'était pas une insulte, le trentenaire n'avait rien contre les femmes de salon bien évidemment et il espérait que la psyché féminine d'Amy ne l'inciterait pas à prendre de travers ni à déformer ses paroles pour en faire un odieux discours machiste ou pire. Enfin remarque, ça serait très révélateur de la femme qu'il avait en face de lui. Si elle s'énervait, c'est qu'elle serait très prise de tête et donc qu'ils n'auraient plus rien à se dire. Dans le cas contraire cependant, ils pourraient continuer à discuter tranquillement.

La jeune femme accueilla la remarque avec un sourire, tandis qu'elle reposait son verre sur le banc. Il fallait avouer qu'il n'avait pas tort, de ce côté là ; Amy n'avait rien d'une aventurière, et s'occupait mieux de la paperasse que des moustiques. Même si elle aimait regarder Jurassic Park, seule dans sa chambre, elle ne voudrait jamais, au grand jamais, aller se perdre sur une île. En songeant à cela, des mots sortirent de sa bouche, exprimant sa pensée, et répondant quelque peu, tandis que ses yeux rêveurs se perdaient dans le ciel.

- L'adrénaline serait ma motivation, souffla t'elle.

Quand elle se rendit compte qu'elle avait pensée à voix haute, elle rougit légérement. Elle s'installa sur le banc, afin de s'asseoir de manière un peu plus confortable - rester debout, juchée sur des talons, n'était pas si doux que ça - et fit tourner son verre entre ses mains. Puis releva les yeux vers son invité. Elle savait bien qu'il ne se voulait pas blessant, ni même machiste, sinon il n'aurait pas pris un ton si bienfaiteur.
Elle se frotta la nuque.

- Savez-vous que j'ai toujours souhaitée monter sur les planches ? Passer de actrice à avocate, c'est un violent tournant.

Puis elle fronça les sourcils, se tournant vers lui.

- Suis-je sotte ! Je parle ainsi de moi, mais je ne songe même pas à m'intéresser à vous ! Veuillez me pardonnez ...

Elle pencha la tête sur le côté.

- Parlez-moi davantage de vous ... Je ne veux pas paraître orgueilleuse.