L'homme pouvait crier autant qu'il voulait. Tuer un mendiant en plein Nexus c'était un peu comme mettre un coup de pied dans un pigeon en plein Paris ; on désapprouve mais on ne fait rien. Et puis qui sait? Peut-être que le mendiant essayait de voler le noble et que son garde du corps avait réagi comme il se devait. Quoiqu'il en soit ça faisait un parasite en moins. Quel dommage qu'on ne puisse pas faire de même sur terre. Dolan devait bien admettre que l'éthique de Terra avait des bons côtés.
Le jeune noble ne dit rien lorsque son esclave revint vers lui, mais il était très impressionné. On peut dire ce qu'on veut, son pouvoir était simple mais dévastateur. William pouvait l'opposer à un pyro-aéro-éléctro-nécromancien-grosbill expert au maniement de toutes les armes connues et inconnues ou toutes autres bizarreries dans le même genre impossible à tuer, si elle disparaissait et réapparaissait dans son dos avec son cœur dans la main, ça ne changerait pas grand chose à l'affaire. A part un dieu ou tout ce qui se moque d'avoir une épée plantée dans le ventre, qu'est-ce qui pourrait lui tenir tête? Bon, William s'enthousiasmait peut-être un peu trop, mais il fallait au moins avoir des réflexes surhumains pour éviter une seule de ses attaques.
-Marche à côté de moi, ordonna-t-il tout en se remettant en route.
Normalement, les esclaves marchaient derrière leur maitre pour que ce dernier n'est pas à souffrir de leur présence, mais le noble trouvait que c'était plus agréable ainsi. Il mirent environ 10 minutes pour arriver au manoir des Dolan. C'était une bâtisse sans prétention qui ne concurrençait pas les palais de la haute noblesse, dont William ne faisait pas parti. Elle restait tout de même très luxueuse et élégante.
Ils entrèrent et furent accueillit par le régisseur, un esclave, mais pas n'importe lequel. C'était un peu le chef des esclaves. L'homme aux épaules voutées et à la calvitie naissante s'approcha donc de son maitre et jeta un coup d'œil surpris à la femme qui l'accompagnait.
-Monsieur n'a pas été tendre avec la trésorerie à ce que je vois, s'exclama le bonhomme avec une voix trainante, mais pleine d'humour.
Les esclaves qui parlent de cette façon à leur maitre sont la plupart du temps attachés à une roue et battus jusqu'à ce qu'il n'y ait plus un centimètre carré de peau qui ne soit pas sanguinolent. Cependant, William ne se mit absolument pas en colère et se permit même de rire à la plaisanterie de son régisseur. De toute évidence, certains esclaves avaient le droit à un traitement de faveur.
-Il s'agit de ma garde du corps, Omri, annonça William d'un air théâtral sans se départir de son sourire amusé. Trouvez-lui donc une place dans les quartiers pour qu'elle se débarbouille un peu. Ensuite, je lui trouverai une occupation.
-Certainement, monsieur. Ce sera avec plaisir, monsieur, répondit-il avec un soupçon d'insubordination.
William disparut de l'antichambre en lui décochant un sourire éclatant, laissant la jeune fille seule avec son régisseur. Le vieil homme poussa un soupir et esquissa un sourire à son tour.
-Venez jeune fille, encouragea Omri d'un signe de la main. Nous allons tenter de vous trouver une chambre de princesse. Je dis bien tenter.
Omri prit une lanterne et ouvrit la voie à travers les couloirs sinueux de la résidence. Le vieil esclave lui indiqua toute sorte de choses utiles concernant le manoir, avec la position des différentes pièces ainsi que la dizaine d'esclaves qui y vivait. Puis, s'écoutant visiblement parler, il commença à lui parler de la famille Dolan, de son influence et toutes sortes d'anecdotes soporifiques qui semblaient le ravir. Omri s'arrêta ensuite devant une porte et la poussa pour que la jeune fille puisse y entrer. Il y avait un lit, c'était déjà ça...
-Vous y êtes jeune fille, annonça-t-il de son habituelle voix trainante. Rafraichissez-vous, le maitre sera dans le salon lorsque vous serez prête. Si vous avez des questions ne vous gênez pas. Oh! Vu qu'il y a plusieurs "jeune fille" ici, je me disais que ce serait plus simple si je connaissais votre nom.
Suite à ce qui semblait visiblement être une autre blague, Omri gratifia la jeune fille d'un sourire paternel et attendit patiemment qu'elle n'ait plus besoin de lui.