Miya se laisse aller tout contre lui, l'oreille plaquée contre ce torse où elle aimait entendre ce coeur battre, rien que pour elle. Cela paraissait vaniteux, de penser cela, mais d'un autre côté, elle savait, au plus profond de son âme, que c'était le cas. La demi déesse sent son coeur se déchirer, entre le bonheur procuré par chacun des baisers qu'il lui fait, et le fait de savoir que tout ceci n'est qu'un illusion. Et puis, pire que tout, ce qui devait arriver arriva doucement. Les paroles, d'abord agréables et douces à son oreille - il est toujours bon de se savoir tant aimée... - se muent doucement en poignards qui la transpercent, lentement, de toute part. Pire : ses yeux sombres, si réels, plus vivants que jamais, la fixent, l'aspirent... Miya s'y noierait avec un plaisir intense, si les paroles n'étaient pas si assassinent. Elle essaye de ne pas pleurer, se sermonnant à coup de "Ce n'est qu'un rêve !" qui ne servent à rien. Il l'embrasse à nouveau avec passion, et en fond, Miya a l'impression que le son du piano part en vrille.
Combien de fois, dans ses rêves précédents, ses cauchemars, Ryuga avait-il eu de telles paroles ? Combien de fois lui avait-il avoué ne plus pouvoir la supporter ? Etre tombé sous le charme de telle nymphette européenne ? Ne pas pouvoir gérer avec sa foutue immortalité ? Et puis, ce qui faisait le plus mal : après tout, elle n'avait pas besoin de lui... Oh oui, Miya en avait fait, des cauchemars, sur toutes les sombres raisons qui avaient provoqué le départ de son amant... Mais jamais, jamais, ces songes n'avaient été si proches de la réalité. Comment auraient-ils pu le savoir ? Doucement, la demi déesse commence à pleurer, alors qu'il l'embrasse à nouveau. Un instant, elle se demande pourquoi elle se fait tant souffrir... Elle secoue la tête, doucement, et se détache de lui. La séparation physique est presque douloureuse...
- Non..." souffle-t-elle à peine.
Le décor change à nouveau. Une plage, la nuit. Le son du piano se fait entêtant, toujours présent. La demi déesse continue de reculer de quelques pas, les mains enfouies dans sa crinière crinière en désordre. Elle essaye de se réveiller, de se persuader que ce n'est qu'un rêve - parce que c'en est un !!
- Non !" répète-t-elle un peu plus fort, sans regarder Ryuga.
L'eau frôle ses pieds nus. Elle se laisse tomber à genoux, ses larmes coulent lentement sur ses joues.
- Je ne veux pas d'une vie sans toi. Je ne veux pas en aimer un autre que toi, Ryuga. Tu le sais !"Le vent est frais, et elle s'entoure de ses bras. L'eau se rapproche toujours un peu plus, s'écrasant contre ses jambes nues. Elle regarde le sable fin, perdue. Elle veut se réveiller, elle ne veut pas vivre la suite. C'est au-dessus de ses forces, elle n'en peut plus.
- J'ai essayé de t'oublier, Ryu. Des dizaines de fois, mais même la magie n'arrive à rien. La magie dessinée avec mon sang ne marche pas, tu comprends ?!"Non, il ne comprend sans doute pas... Avec son sang d'immortelle, le sort le devient aussi... Pourtant, elle en a brisé, des talismans... Miya relève son visage, exprimant toute sa détresse.
- J'ai vraiment voulu t'oublier, juste le temps de quelques minutes, Ryuga. Et je n'y arrive pas. Je ne veux pas..."L'immortelle baisse les yeux sur l'alliance qu'elle porte, la fait tourner sur son doigt et la lui montre.
- Si tu veux vraiment que je refasse ma vie, tu devras me retirer cette bague. Et pour le faire, tu devras me tuer. Elle serre les dents et se relève. L'eau se précipite sur ses pieds, qu'elle cache un instant. Et Miya ferme les yeux, rompant la promesse qu'elle lui avait plus tôt.
- Je ne peux pas vivre sans toi.Nouvelles larmes... Sauf que cette fois, quand elle rouvre les yeux, il fait jour. Et elle voit un plafond oblique. Une odeur de café remplit l'air...
Réveillée.Et bizarrement, ce réveil est plus difficile que jamais, alors qu'aux odeurs familières se mêle celle de son rêve...
***
Le soir, Miya est incapable de chanter plus de deux chansons. S'endormir, à nouveau, et faire de terribles cauchemars comme la nuit dernière, la font appréhender au point qu'elle n'arrive à rien. "Journée de merde", aurait-elle dit en temps normal. Le soir, elle se saoule lentement, buvant de la vodka directement à la bouteille, affalée sur son lit, et pas trop vite, histoire que son corps la laisse s'enivrer tranquillement... Et bien entendu, le monde réel disparait. Miya se retrouve au bord d'une piscine, allongée sur une chaise longue, offrant son corps au soleil brulant. Elle sourit doucement : avec un peu de chance, ce sera un rêve agréable...